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Transparence : les députés préparent-ils une Haute Autorité opaque qui exclue les citoyens ?

Regards Citoyens - teymour, 7/06/2013

La commission des lois de l’Assemblée nationale s’est penchée mardi et mercredi sur les deux projets de loi « Transparence », proposés par le gouvernement suite à l’affaire Cahuzac. Si les députés ont déjà voté plusieurs améliorations intéressantes sur les capacités de contrôle dont disposera la Haute Autorité, la protection des lanceurs d’alertes ou la régulation des [...]

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La commission des lois de l’Assemblée nationale s’est penchée mardi et mercredi sur les deux projets de loi « Transparence », proposés par le gouvernement suite à l’affaire Cahuzac. Si les députés ont déjà voté plusieurs améliorations intéressantes sur les capacités de contrôle dont disposera la Haute Autorité, la protection des lanceurs d’alertes ou la régulation des dons faits aux partis politiques, des efforts importants restent encore à fournir pour élever cette loi à la hauteur des standards internationaux.

Une Haute Autorité de la Transparence pas transparente ?

Ne voyant aucun intérêt démocratique à la publication détaillée des déclarations de patrimoine, nous saluons le respect de la vie privée des élus assuré par le texte actuel. Mais il convient cependant d’assurer également la transparence !

Alors que la loi CADA, très utile aux journalistes, impose une certaine transparence à la majorité des administrations françaises1, le texte adopté par la commission des lois prévoit que la Haute Autorité soit exclue du champ de la CADA. À vouloir dupliquer des mesures juridiques déjà existantes, puisque la loi garantit déjà que les documents liés à la vie privée ne soient pas diffusables à tous, cette exclusion rendrait inaccessibles aux journalistes, citoyens ou chercheurs des documents démocratiques essentiels sur la HAT : budget, marchés publics attribués, avis donnés en amont de prises de décisions règlementaires, recommandations générales sur les conflits d’intérêts ou le lobbying…

À l’heure actuelle, aucune autorité ou administration n’est entièrement exclue de la loi CADA. Si le texte était adopté en l’état, la Haute Autorité de la Transparence s’avèrerait l’administration la moins transparente de France, un comble !

Vers une publication restreinte des déclarations d’intérêts

Les derniers débats au Parlement visant à légiférer sur les conflits d’intérêts faisaient suite au scandale du Médiator. Les deux chambres ont alors voté des dispositions dites « Sunshine », visant à rendre largement publiques les déclarations d’intérêts des acteurs de la santé. Pourtant, en quelques mois, deux décrets ont réduit la volonté du législateur à un accès au compte-goutte à ces informations. Sous l’impulsion de la CNIL, les déclarations d’intérêts des membres de la HAS ou de l’ANSM, ainsi que les listes de cadeaux faits par les laboratoires aux medecins, ont été cadenassées par des mesures techniques : désindexation des moteurs de recherche, accès complexifié par l’usage de captchas… Pire, la CNIL recommande aujourd’hui de transformer les données de ces déclarations d’intérêts en images pour s’assurer que ces informations ne soient ni cherchables ni réutilisables.

C’est pourtant grâce à la réutilisation que la publication des déclarations d’intérêts pourra susciter des effets positifs. Loin de stigmatiser des personnes individuellement, la réutilisation de ces données dans leur ensemble pourrait, par exemple, mettre en lumière la surreprésentation de certains intérêts dans le monde de la santé, et leur lien avec des décisions politiques rétrospectivement contestables.

Le même travers semble se préparer pour les déclarations d’intérêts des élus et responsables publics. Après être revenus sur la publication des déclarations patrimoniales, les députés vont-il entériner le verrouillage des déclarations d’intérêts ? Les modifications apportées au projet de loi semblent l’annoncer à mots couverts. Au lieu de garantir, comme nous le proposions, une large réutilisation des informations contenues dans ces déclarations, la commission des lois a décidé de faire intervenir ici aussi la CNIL dans le mécanisme de publication.

Alertes citoyennes : un simple gadget de communication ?

La notion de conflit d’intérêts est une notion complexe à cerner pour les élus comme pour les citoyens, car chacun de ces conflits est le fruit d’un contexte particulier. Il est nécessaire de pouvoir s’appuyer sur une institution de référence pour aider à mieux l’appréhender. Nos propositions incluent à cette fin la possibilité pour les citoyens de questionner la HAT sur des situations particulières.

Pour éviter que la Haute Autorité ne soit trop sollicitée, et pour privilégier le dialogue entre élus et citoyens à un mécanisme de délation, nous suggérons que les citoyens interrogent en premier lieu leur élu. Si ce dernier ne répond pas, ou de manière incomplète, le citoyen pourrait alors se tourner vers la Haute Autorité pour obtenir une réponse à sa question. De plus, pour éviter que des sollicitations abusives ne viennent handicaper les élus durant les campagnes, nous imaginons un délai supplémentaire en période électorale, permettant de reporter d’éventuelles explications à l’issue de celle-ci.

Nous nous félicitons que la commission des lois ait entériné avec l’aval du gouvernement la protection des lanceurs d’alerte se manifestant auprès des déontologues ou des associations anti-corruption et la possibilité pour les citoyens d’écrire à la HAT. Cependant ce dernier mécanisme s’avère dénué d’obligation de réponse de l’autorité et circonscrit à la seule interrogation sur un patrimoine suite à sa consultation en préfecture. Plutôt que de s’attacher à la détection de conflit d’intérêts, interroger simplement les patrimoines ne permet que difficilement de juger si une situation est source de conflit ou non. De plus, la Haute Autorité n’ayant aucune obligation d’examiner les « alertes citoyennes », le risque est réel de voir les citoyens se désintéresser d’un mécanisme qui laisserait leurs interrogations sans réponse. Face à une HAT silencieuse, n’ayant aucune obligation de réponse, le dépôt de ces alertes ne servirait à défaut qu’à amplifier une rumeur infondée, au lieu d’aider à prévenir des situations problématiques. La CADA qui gère plus de 3000 réponses à des sollicitations citoyennes ou journalistiques chaque année montre pourtant qu’un tel mécanime peut être à la fois réaliste et efficace.

Lobbying et cumul des activités : députés, ne restez pas au milieu du gué

Les débats en commission ont montré que ce projet de loi pourrait être l’occasion de légiférer sur les principaux problèmes soulevés par le scandale Cahuzac. Les débats initiés par René Dosière sur le plafonnement des rémunérations professionnelles, ou par Matthias Fekl sur la pénalisation d’un enrichissement non justifié des élus, peuvent faire émerger de bonnes dispositions. De même, si le rapporteur Jean-Jacques Urvoas a souhaité inclure la question du lobbying dans le domaine d’expertise de la HAT, il nous semble possible d’aller plus loin en imposant à tous les lobbyistes de s’enregistrer dans un registre géré par la Haute Autorité et de déclarer annuellement leurs activités et dépenses liées. En proposant notre amendement sur la question, Pierre Morel-A-L’Huissier a ouvert le débat.

Nous serons attentifs à ce que ces thèmes fassent partie intégrante de ces futures lois sur la transparence de la vie publique, sans quoi ces textes, déjà considérés par beaucoup comme trop limités, ne sauront réellement lever le voile de l’opacité sur la vie publique et politique française.

Comme pour les discussions en commission, nous publierons lundi, lorsqu’elle sera finalisée, une note détaillant les améliorations juridiques qui pourraient permettre aux parlementaires de prendre en compte nos remarques en amendant cette nouvelle version du texte. En attendant, retrouvez tous les amendements adoptés aux côtés de nos propositions et celles de Transparency International France sur notre outil « Simplifions » pour la loi organique et la loi ordinaire

1 – La Loi du 17 juillet 1978 dite loi CADA, donne le droit à tout citoyen d’accéder à n’importe quel document produit ou détenu par une administration, pourvu que celui-ci ne relève ni de la vie privée ni du secret d’État


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