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Un point sur les droits de l’enfant (521)

Droits des enfants - jprosen, 22/02/2013

Observant que l'un des "papiers" les plus lus " de ce blog touche aux droits de l'enfant et compte tenu de l'actualité du sujet (adoption pour l'enfant ou pour l'adulte, homoparentalité, PMA et GPA, statut des tiers, délinquance juvénile, liberté d'expression et … Continuer la lecture

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Observant que l'un des "papiers" les plus lus " de ce blog touche aux droits de l'enfant et compte tenu de l'actualité du sujet (adoption pour l'enfant ou pour l'adulte, homoparentalité, PMA et GPA, statut des tiers, délinquance juvénile, liberté d'expression et de religion, accès à la contraception, etc.), je prends l'initiative de  le remettre en avant quitte à l’actualiser. 

Droits et/ou devoirs ?

J’entends régulièrement affirmer qu’il faut d’abord rappeler leurs devoirs aux enfants, avant de songer à leurs droits. D’autres, dans la même veine, n’hésitent pas à affirmer que c’est bien parce qu’on a reconnu des droits aux enfants qu’ils ne respectent plus aucune autorité. Je rencontre même fréquemment des parents, hier issus de la petite bourgeoisie, aujourd’hui de l’immigration africaine, m’avancer que dès lors qu’un père ne peut plus frapper ses enfants en France, au nom du droit des enfants, il ne peut plus les élever et se faire respecter.

Je ne surprendrai pas en disant que je ne partage pas un instant ces assertions. J’affirme même que c’est bien parce qu’on identifie un individu dans ses droits que l’on peut plus facilement exiger de lui qu’il respecte la loi.

Il n’est pas besoin d’être un grand observateur politique pour retrouver cette problématique dans différents domaines du champ social. Ainsi dans l’approche du débat sur le vote des étrangers aux élections locales.

J'ajoute que droits et devoirs ne sont pas indéfectiblement liés. Certains droits humains fondamentaux comme le respect de la personne ne sont gagés par aucun devoir. Au risuqe de choquer, la femme qui ne se fait pas agresser sexuellement dans la rue n'a pas à remercier le passant qu'elle croise !

Par ailleurs, il ne faut pas confondre autorité et violence. On peut faire preuve d’autorité sans élever la voix ou sans frapper.

Si dans notre pays l’autorité quelle qu’elle soit n’est pas respectée, c’est souvent parce qu’elle-même n’est pas ou plus respectable. On multiplierait les exemples issus notamment du terrain public.  Chacun les ayant en tête je ferai l’économie de les restituer.

Reste que devant l’intérêt que mes lecteurs portent à la problématique droits et devoirs si j’en juge par le taux de consultation journalier des billets de ce blog qui abordent cette question, il m’apparaît nécessaire de la reprendre plus exhaustivement.

Enfant et enfant

Commençons par le début : qu’est-ce qu’un enfant au sens juridique du terme ? Il s’agit d’une personne humaine de moins de 18 ans. La majorité civile a été ramenée en 1974 de 21 à 18 ans. La majorité pénale elle est à 18 ans depuis 1906 quand elle était jusque là à 16 ans. En d’autres termes, à 18 ans tout individu dispose de l’ensemble de ses droits civils, civiques et politiques.

Ce n’est cependant pas dire, on va le voir, que le droit traite de la même manière l’enfant de 0 à 18 ans. Des seuils - 7-8 ans, 10 ans, 13 ans, 16 ans - scandent la maturation des enfants. Quand pour le journal Tintin on est un enfant de 7 à 77 ans, la société pose le principe qu'à 18 ans le petit d’homme est achevé.

Droit sur, droit à, droit de l'enfant

Il est vrai qu’un des apports du XX° siècle aura été de considérer l’enfant non plus comme un objet d’appropriation que comme une personne. François Dolto y aura contribué d’une manière essentielle dans la dernière période, mais c’est bien le travail d’un siècle qui a commencé au lendemain de la deuxième révolution industrielle. D’ailleurs ne n’interpelle-t-on pas traditionnellement ses interlocuteurs en leur demandant « Combien avez-vous d’enfants ? «  alors qu’on devrait dire « Combien de fois être vous parents ?» ! Etre ou avoir, là encore.

La tendance reste encore forte de considérer l’enfant comme un bien. On  retrouve régulièrement cette approche dans le débat sur l’adoption ou la revendication d’enfants par la gestation pour autrui avec cette difficulté que la puissance publique ne peut pas garantir un droit à l’enfant.

Il est de fait que depuis la fin du XIX° siècle l’idée a émergé de restreindre les pouvoirs de correction des parents sur les enfants et d’une manière générale de combattre la violence exercée par les adultes sur les enfants. Le fait de s’attaquer à un enfant de moins de 15 ans est devenue une circonstance aggravante en 1892. Depuis tout un droit pénal protecteur des enfants, dans leur personne, mais aussi dans leurs intérêts moraux, a émergé. Il a quand même fallu attendre les années 80 pour qu’on prenne réellement conscience des violences physiques infligées aux enfants dans la famille, mais aussi dans les institutions; pour qu’on réalise que par-delà les violences physiques il y avait aussi des violences sexuelles et aujourd’hui on réalise l’importance des violences psychologiques.

Qui pourra contester cette prise de conscience ? On doit regretter qu’elle ait été aussi tardive comme il est choquant qu’il ait fallu attendre 1995 – les juges - et 2005 - la loi - pour que le viol entre époux soit enfin condamnable ! La patrie autoproclamée des droits de l’homme a des retards à l’allumage s’agissant des femmes et des enfants. Dont acte. Mais pas question de régresser. Les parents ont le droit d’imposer leur autorité à leur enfant et même d’exercer un droit de correction mais ils ne doivent pas les mal-traiter. Se pose même, chacun le sait, la question de condamner les châtiments corporels pour répondre au Conseil de l’Europe qui a engagé une campagne en ce sens et suivre les 17 Etats qui y ont déjà répondu.

Mieux, dans la deuxième partie du XX° siècle notre législation a petit à petit reconnu le droit de l’enfant d’exercer personnellement certains de ses droits. Certes Napoléon a bien reconnu que l’enfant né avait des droits, mais ses parents et tuteurs étaient seuls habilités à les exercer. Il est tenu pour un incapable juridique. Comme la femme mariée ! On a fini par poser le principe qu’à la maison notamment, mais aussi à l’Aide sociale à l‘enfance, il fallait recueillir son avis sur toutes questions importantes le concernant. Donner son avis ne veut pas dire décider. C’est ainsi qu’avec de  fortes résistances a été admis en 2007 le droit de l’enfant à être entendu par son juge quand il en fait la demande … quitte à ce que le juge le fasse auditionner par un spécialiste, ce que l'on doit tenir pour contraire à l’article 12 de la CIDE qui garantit le droit de l’enfant à s’exprimer.

L’enfant s’est vu reconnaître le droit d’agir seul dans certains cas. Ainsi il peut porter plainte au commissariat contre ceux qui, par exemple, l’auraient violenté ou volé. Il n' apas à être accompagné d'un adulte. Il a le droit de saisir un juge des enfants pour demander protection ; il peut même se choisir un avocat et se présenter avec lui au tribunal. Il  suffit qu’il soit doué de discernement sachant qu'on estime en France qu’un enfant de 7-8 ans, parfois moins, est doué du discernement. Il peut accéder à la contraception d'une manière libre, gratuite et anonyme (loi Neuwirth); la jeune fille enceinte qui souhaite garder son enfant le peut, mais elle peut aussi interrompre sa grossesse. Elle exprimera sa volonté hors la présence de tout adulte, mais devra recueillir l'accord d'un parent ou être accompagnée d'une tierce personne adulte.

Plus largement, quoiqu’incapable de contracter l’enfant peut accomplir les actes usuels de la vie courante. Ainsi il peut faire des achats. Toutefois, avant de lui vendre quelque chose, le vendeur devra tenir compte de son âge et de sa personnalité. Sinon il s’expose à la résiliation de la vente et des poursuites pénales pour avoir abusé de la faiblesse de son jeune client.

Sait-on qu’un enfant peut interdire à ses parents d’accéder à son dossier médical ? Le médecin lui doit le respect du secret professionnel, sauf s’il y a un diagnostic vital auquel cas l’assistance à personne en danger l’emporte sur la confidentialité.

La Convention internationale sur les droits de l’enfant de 1989 n’est pas à l’origine de l’affirmation des droits de l’enfant, mais il faut reconnaître qu’elle a conforté la tendance et ouvert quelques nouvelles perspectives en passant de l’implicite à l’explicite. Ainsi elle reconnaît la liberté de pensée  de l’enfant et tout logiquement sa liberté religieuse. Il doit pouvoir pratiquer le culte de son choix. Le traité lui reconnait également la liberté d’expression individuelle et collective – la liberté d’association ou le droit de manifester – dès lors qu’il ne trouble pas l’ordre public et ne porte pas atteinte aux droits des autres. Comme à tout un chacun !

Mais soyons lucides : il demeure une marge de manœuvre pour améliorer le statut des enfants de France. Par exemple les garantir d’avoir un père et une mère au regard du droit quand trop d’enfants sont orphelins de père du fait du comportement des adultes!

Bref, plus que jamais on peut dire que l’enfant à une capacité juridique réelle, mais limitée. Il n’est pas qu’un être fragile qu’on protège contre lui-même et contre autrui. Il est sujet de droits et il n’est pas seulement objet ! L’enfant est une personne et comme toute personne il doit certes être respecté dans son corps, mais il se voit reconnaître les libertés fondamentales et peut être l’acteur de sa vie, et d’autant plus qu’il se rapproche de la majorité.

 *

A ces droits répondent des obligations, sinon des devoirs et des responsabilités

« A tout âge, l’enfant, doit honneur et respect à ses parents » ; a fortiori l’enfant mineur.

Il a le devoir d’obéir à ses parents et à ceux qui en reçoivent délégation. J’ai déjà dit ici 1000 fois qu’il conviendrait que les beaux-parents se voient reconnaître par la loi le droit de se faire obéir des enfants qu’ils élèvent pour les actes de la vie courante.

Il doit demeurer au domicile familial et n’est autorisé à en sortir que par ses parents.

On l’a dit les parents ont un pouvoir de correction qui peut les conduire à la contrainte. Seuls les parents peuvent exercer des violences légères à son égard ; pas un professeur, pas le maire !

En tous cas l’enfant peut engager sa responsabilité pour les actes qu’il pose. Laissons la responsabilité morale pour nous concentrer sur la responsabilité juridique

L’enfant qui cause un préjudice est tenu de le réparer. Bien évidemment comme il est généralement en difficulté pour réparer personnellement, faute de moyens financiers, ses parents seront tenus solidairement avec lui et en vérité la victime se tournera vers eux. Ils ont alors intérêt à disposer d’une bonne assurance. Un enfant constitue en quelque sorte un risque pour ses parents ou l’institution qui l’héberge. Et ici, force est de constater que l’assurance parentale n’est toujours pas obligatoire.

Concrètement un enfant de 4 ans qui crève involontairement  l’œil de son camarade de jeu est tenu pour civilement responsable et ses parents sont tenus d’indemniser la victime du simple fait qu’ils sont ses parents ; sauf cas de force majeure ou partage de responsabilité avec la victime.

L’enfant peut aussi très tôt engager sa responsabilité pénale. Dès 7-8 ans, dès lors qu’on lui reconnait le discernement, il est tenu pour capable de commettre un délit. La loi interdit avant 13 ans qu’il soit condamné à une peine, mais on pourra lui infliger une mesure éducative comme le placement en institution jusqu’à sa majorité. Il aura un casier judiciaire. A 10 ans on pourra prononcer des mesures éducatives comme l’interdiction de fréquenter tel lieu ou telle personne, posséder tel bien ou l’obliger à faire telle chose (suivre une psychothérapie, aller à l’école etc.). Il ne peut pas être placé en garde à vue avant 10 ans, mais ses 10 ans acquis il sera en retenue pour une durée de 12 h renouvelable une fois.

 A 13 ans donc il encourt une peine de prison. 6000 peines de prison fermes et 15 000 peines de prison avec sursis simple ou sursis mise à l’épreuve sont prononcées chaque année. Aujourd’hui environ 800 personnes de moins de 18 ans sont en prison.

J’ai souvent mis en évidence ici qu’une tendance lourde est de tenir pour majeur pénalement des jeunes qui n’ont pas encore 18 ans. En 10 ans, le statut protecteur des 16-18 ans a quasiment été vidé de son contenu. On a même inventé pour eux un tribunal correctionnel pour mineurs ! (Voir mes billets)

Bien évidemment, comme tout un chacun, l'enfant encourt des sanctions disciplinaires sur son lieu de travail, en l’espèce, l’école pour les plus jeunes.

Des droits donc, mais aussi des obligations comme celle de réparer ou de rendre des comptes, à la hauteur de sa capacité à comprendre.

Globalement notre droit est équilibré. Il prend en compte les étapes qui amènent l’enfant vers la maturité. Il ne faudrait pas remettre en cause ces équilibres qui se sont construits sur la durée.

Ne nous payons pas de mots : attention à tous ceux qui avancent l'intérêt supérieur de l'enfant. C'est souvent pour mieux camoufler leurs turpidudes. Notre société est adultocentrée. On est loin du pays où l'enfant est roi.

Reste l’essentiel : informer les plus jeunes, mais d’abord les adultes, sur le statut fait aux enfants dans notre pays qu’ils ignorent généralement allégrement, chacun ayant tendance à faire sa propre loi


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