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Adieu la prémajorité (575)

Planète Juridique - admin, 6/07/2014

Voici 40 ans – le 5 juillet 1974 -  le président Giscard d'Estaing tenant une promesse électorale surprit tout son monde en faisant passer la majorité civile et électorale de 21 à 18 ans. La majorité civile était donc enfin … Continuer la lecture

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avocats006_17_1Voici 40 ans – le 5 juillet 1974 -  le président Giscard d'Estaing tenant une promesse électorale surprit tout son monde en faisant passer la majorité civile et électorale de 21 à 18 ans.

La majorité civile était donc enfin alignée sur la majorité pénale qui en 1906 était passée de 16 à 18 ans. Nous n'étions pas les premiers à nous engager sur ce point. Les USA, la RFA d'alors, le Québec notamment nous avaient précédés, mais nous ne fûmes pas les derniers, preuve que la démarche n’allait pas de soi : ainsi la Belgique si proche attendit 1990 avant de se joindre à cette harmonisation à 18 ans qui vaut quasiment désormais dans tous les pays du monde.

Malgré les inquiétudes exprimées à l’époque, cette reforme a été somme toute aisément digérée.

Aujourd'hui se pose la question de franchir une nouvelle étape eu égard à la plus grande maturité avancée des jeune et à leur implication dans la vie quotidienne, tout simplement du fait de leurs compétences même si crise oblige, nombre de jeunes jouent les Tanguy au domicile parental ;

Françoise Dolto militait déjà dans les années 80 pour l'émancipation à 13 ans.

Sans aller jusque-là, Nicolas Sarkozy, au prétexte que les jeunes d'aujourd'hui seraient plus forts, plus grands et surtout plus mûrs que les jeunes de jadis, n'a eu de cesse dix ans durant de vouloir abaisser la majorité pénale à 16 ans pour aligner le sort judiciaire des adolescents sur celui  les adultes.

Il s'est heurté aux termes des engagements internationaux souscrits par la France notamment à la Convention des nations unies relative aux  droits de l'enfant (1989)  qui tient dans son article premier les enfants pour les personnes de moins de 18 ans avec le statut de protection qui en découle.

Il s'est aussi heurté au Conseil constitutionnel qui en août 2002 - on se demande encore pourquoi!, - a reconnu à la loi de 1906  une valeur constitutionnelle. Ne parvenant pas à ses fins le ministre de l'intérieur, puis président de la République n'eut de cesse que de vider de son contenu le statut pénal protecteur de 16-18 ans. A preuve toutes ces dispositions adoptées à coups de reformes de l'ordonnance du 2 février 1945 comme le retrait facilité ou automatique du bénéfice de l’excuse atténuante de minorité, l’obligation faite au juge des enfants de saisir le TPE pour des faits punis de 7 ans pour les adultes, l’instauration du tribunal correctionnel pour mineurs, l’application des peines-plancher aux mineurs d’âge, etc.

On peut tenter depuis 2012 de revenir sur certaines de ces dispositions, mais on mesure bien les résistances quand, par exemple deux ans après l’élection de François Hollande le TCM bouge encore. Tout au plus la dynamique négative des années 2000 est-elle freinée. L’enjeu est aujourd’hui de donner un statut civil aux enfant à l’aune du statut pénal qu’on leur accorde. Il n’est pas indifférent de relever  à quelle incongruité nous sommes rendus quand a priori le statut pénal – les obligations – devrait découler du statut civil – les droits - et non l’inverse !

avocat_jeuneFaisons avec et rééquilibrons déjà et au plus tôt les plateaux de la balance.

Un exemple : un jeune de 16 ans – un enfant au sens de la loi -  peut se voir condamner à la perpétuité pour le crime qu’il aura commis – conf. l’affaire du Chambon sur Lignon-, mais ne peut pas demander à être émancipé.

Un autre : à 7-8 ans il peut être tenu pour avoir suffisamment de discernement pour être condamné s'il commet un vol mais pas pour être entendu en justice si ses parents se séparent

C’est pourquoi Mme Bertinotti ministre de la famille de Jean-Marc Ayrault nous avait mandaté pour réfléchir à un statut de la pré majorité.

Dans notre rapport (1) nous ne proposions pas d’abaisser la majorité civile. Nous avancions simplement que les moins de 18 ans soient plus souvent acteurs de leurs droits en posant une présomption de discernement à 13 ans pour ceux qui saisissent la justice. Nous disions aussi qu’à 16 ans les enfants pourraient exercer personnellement leurs droits, sauf aux parents à s’y opposer avec de justes raisons.

Nous avions un temps bon espoir d’obtenir satisfaction.  Il semble que le parlement – avec désormais  une majorité de gauche – ait finalement été effrayé à cette idée et ai préféré de reconnaitre les droits des pères qui montent sur les grues.

copy-Petitjuge.jpgReste posée la question de la majorité civique certains souhaitent que l’on reconnaisse à 16 ans le droit de vote aux élections. Il nous est apparu que cette disposition était prématurée. A nos yeux, elle ne peut se concevoir que si l’investissement citoyen des plus jeunes est déjà engagé. C'est un faux calcul que font certains d’imaginer lutter contre l’abstentionnisme à travers l’abaissement de l’âge du droit de vote. Il faut que les plus jeunes aient le sentiment que s’investir contribue à changer le cours des choses. C’est pour cela que nous favorisions dans notre rapport l’implication associatif des jeunes et que nous suggérions que les jeunes aient l’obligation du fait d’un tirage au sort d’exercer le mandat délégué de classe comme les adultes ont l’obligation citoyenne d’être juré d’assises.

Tout ce pan de la réflexion que nous proposions à la société ne semble plus aujourd’hui être d’actualité sauf à miser sur le Sénat.  Ce faisant les pouvoirs publics se trompent. Pour recréer du ciment social dans cette société qui se mite il faut multiplier les occasions et prétextes à voir chacun s’y investir pour se la réapproprier.

Cela suppose de ne pas avoir peur des plus jeunes.

Cela suppose déjà de prendre en compte les enfants et les jeunes autrement que comme des objets d’appropriation ou de désir. Du débat sur la PMA et la GPA et tout simplement sur le statut des tiers en allant jusqu’à l’absence de ministère de l’enfance et de ratification du Troisième protocole additionnel de la Convention des nations unies sur les droits de l’enfant qui permettrait aux enfants de France de saisir une instance européenne si leurs droits sont violés en France, tout démontre la frilosité de ceux qui nous gouvernent et, en vérité, de notre société aujourd’hui sur le statut des enfants.

On en est loin.

Ceci explique cela.

On peut donc à distance à nouveau saluer Valery Giscard d’Estaing pour son acuité et sa modernité dans les deux premières années de septennat.

(1) De nouveaux droits pour les enfants ? Oui dans l’intérêt même des parents et de la société, février 2014

 


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