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Carlton : des visages, des figures

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 8/02/2015

De cette première semaine d'audience, reste un bouquet d'images, des visages, des figures. Car c'est cela un procès, un cadre, un espace clos, une scène, où le regard embrasse en même temps celui ou celle qui dépose à la barre, … Continuer la lecture

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De cette première semaine d'audience, reste un bouquet d'images, des visages, des figures. Car c'est cela un procès, un cadre, un espace clos, une scène, où le regard embrasse en même temps celui ou celle qui dépose à la barre, le président ou les procureurs qui l'interrogent, ceux qui l'écoutent, qui attendent et redoutent leur tour, et tous ces mots qui tombent en même temps sur chacun d'entre eux.

Le première image, ce fut celle d'une voiture noire s'engouffrant lundi 2 février dans le parking du tribunal et de l'exclamation dépitée des photographes réalisant instantanément qu'à son bord, derrière les vitres fumées, se trouvait Dominique Strauss-Kahn. L'ex-directeur du Fonds monétaire international (FMI) a rejoint la salle d'audience par une porte dérobée, la même qui sera réservée un peu plus tard aux jeunes femmes prostituées qui l'accusent et se sont constituées parties civiles. Le dessinateur François Boucq le croquera ensuite, assis tout à droite du premier rang des prévenus. Lors d'une suspension, Dominique Strauss-Kahn découvre avec curiosité le portrait qui a été fait de lui. "Il est drôlement bossu, ce bonhomme."  

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Mais c'est d'abord le président, Bernard Lemaire, assis au centre de la tribune et entouré de deux assesseurs – un quatrième juge a été désigné en qualité de suppléant pour pallier l'éventuelle défaillance d'un de ses collègues – que chacun scrute. Tous ceux qui fréquentent les audiences le savent, il n'est de bon procès sans bon président. L'impression favorable donnée par Bernard Lemaire au soir du premier jour, lorsqu'il a exposé une sorte de feuille de route à tous les acteurs du procès, ne s'est pas démentie depuis. Il est de la catégorie de ceux qui croient en l'audience et en sa puissance. Il ne craint pas les surprises qu'elle peut provoquer, mieux, il les sollicite en multipliant les confrontations à la barre. Les routiers de la chronique judiciaire ont retrouvé là l'écho d'un autre président, Michel Desplan, dont l'autorité parfois mordante avait dominé les quatre semaines d'audience du procès Elf au printemps 2003. Bernard Lemaire a une coquetterie, il change de nœud papillon tous les jours ; il les aime larges et colorés, posés sur le rabat plissé blanc de sa robe noire.

 

Une jeune femme, ex-prostituée, dépose à la barre. Autour d'elle, les avocats font comme un cercle pressant sur une proie. Des hommes, pour la plupart, qui défendent ceux qu'elle charge. Elle tourne la tête en tous sens, paniquée. La guerre de l'audience, c'est aussi cela, et c'est ce qui rend le moment du procès unique, cette confrontation permanente de chacun sous les yeux de tous.

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Il est avocat lui aussi, mais dans cette affaire, il est d'abord prévenu. Emmanuel Riglaire, qui a été interrogé vendredi 6 février, est apparu bien encombré de ce double statut. Jusqu'à ce qu'éclate l'affaire du Carlton, il était l'un de ces avocats lillois en vue, dont le cabinet grossissait chaque année, et qui roulait en Jaguar la semaine et en Land Rover le week-end. Il a eu une relation tarifée avec une de ses clientes, Mounia, qui l'accuse aujourd'hui de l'avoir incitée à replonger dans la prostitution, en la présentant à ses amis, dont le triste René Kojfer. Emmanuel Riglaire ne dépose pas, il plaide – longuement et mal, comment pourrait-il en aller autrement ? – pour lui. Ses confrères le regardent, gênés, se noyer.

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Dans l'équipe de défense de Dominique Strauss-Kahn, ils sont trois. Henri Leclerc, Frédérique Beaulieu et Richard Malka. Depuis l'attentat meurtrier perpétré à Charlie Hebdo, Me Malka, avocat de l'hebdomadaire et dessinateur lui-même, vit sous la protection permanente de deux policiers. Ses anges gardiens sont assis au fond de la salle. Mais lors des journées qui seront consacrées à l'interrogatoire de Dominique Strauss-Kahn, mardi 10, mercredi 11 et jeudi 12 février, c'est surtout Frédérique Beaulieu que l'on observera. A la femme de l'équipe, reviendra la lourde tâche d'interroger les autres femmes qui, pendant l'instruction, ont décrit avec force détails, les ébats singuliers auxquels elles ont été conviées.

Sur elles veille un homme discret. Il est un peu âgé, a une figure ronde et douce. Il appartient à l'association d'aide aux prostituées, Le Nid, partie civile au procès. Jade, Mounia et les autres ont chacune tenu à rendre hommage au soutien quotidien que leur apporte l'association.

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Au siège de l'accusation, ils sont deux. Frédéric Fèvre, qui a suivi le dossier depuis le début et a requis le renvoi de treize des quatorze prévenus devant le tribunal – il avait considéré que les charges pour proxénétisme aggravé n'étaient pas suffisamment réunies contre Dominique Strauss-Kahn et avait requis un non lieu en sa faveur – et Aline Clérot. Le premier est grave et sobre. La seconde est vive et impressionnante d'aisance. Les avocats ont vite compris qu'il allait falloir compter avec elle.

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Reprise des débats, lundi 9 février, à 9 h 30.

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