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La défense juive a-t-elle besoin d'une Ligue ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 3/08/2014

Aujourd'hui, il est clair que la défense juive a besoin d'une Ligue et la France d'une véritable protection.

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Le ministre de l'Intérieur n'a jamais eu la prétention de "tuer le job" mais on ne peut pas soutenir que Bernard Cazeneuve ne s'est pas glissé sans esbroufe mais avec compétence et talent dans cette fonction prestigieuse et éprouvante à la fois.

Ce n'est pas la réflexion qu'il a décidé d'engager pour une éventuelle dissolution de la Ligue de défense juive (LDJ) qui va modifier mon appréciation positive (Le Parisien, Le Monde, Le Figaro).

En effet, cette simple démarche, dans une démocratie qui ne brille pas par l'équité, mérite d'être saluée, tant nous avons été plus habitués à gauche à la force de certains tabous qu'à une liberté politique prête à répondre à tous les défis.

Je suis d'autant plus enclin à rendre hommage à ce dessein que, sur le fond, je ne suis pas persuadé que l'initiative pourra prospérer et même qu'elle devrait aboutir.

La LDF, émanation d'un mouvement extrémiste américain, a été créée au mois d'octobre 2000 par Pierre Lurçat avec pour objectifs de protéger la communauté juive et de lutter contre l'antisionisme et l'antisémitisme.

Il sera en effet malaisé, sur le plan juridique, de décréter la dissolution d'un groupe non déclaré, d'une association de fait.

Mais, surtout, est-il vraiment opportun en ces temps troublés d'interdire un mouvement composé d'à peu près 300 jeunes juifs prompts à en découdre dès lors que des agressions sont commises à l'encontre de tel ou tel membre de leur communauté ?

J'entends bien que, dans une République sûre de sa force, ce ne serait pas à la LDJ de se charger de cette sauvegarde, de se mandater pour de telles ripostes mais que l'une et les autres devraient relever de la police nationale.

Mais on sait bien qu'aussi performante que celle-ci puisse être, d'énormes béances, lacunes et impunités sont constatées sur le plan de l'insécurité et qu'à vrai dire, dans ces conditions, il serait indécent d'exiger de la Ligue qu'elle patiente dans l'attente d'une efficacité maximale.

Ce n'est pas parce que Marine Le Pen a immédiatement senti qu'il y avait là un double enjeu à exploiter, celui de la dénonciation de l'insécurité et celui, par ses soins, de la légitimation de la défense juive, qu'il convient de se débarrasser de la réalité du problème.

Car on a beaucoup entendu le président et les ministres sur le racisme et l'antisémitisme. On a entendu des injonctions, des dénonciations, des admonestations et des célébrations. Des mots, des mots, des mots. La liberté d'expression, certes, en a parfois pâti mais quand le mal n'était plus dans les mots mais dans les actes sans qu'il y ait d'ailleurs un lien nécessaire et inéluctable entre les deux, souvent quelle impuissance !

Quand les infractions se rapportent à des insultes directes, des violences concrètes et des agressions répétitives et que les forces de l'ordre ne sont pas présentes, faut-il blâmer la Ligue de défense juive de ne pas s'en accommoder et d'opposer à la brutale réalité des offenses la violence de ses répliques, de venir dans les interstices s'imposer et soutenir ?

On lui en sait gré d'ailleurs tout en la critiquant évidemment. Les instances juives officielles, notamment le CRIF, peuvent, en général, faire preuve de modération, de mesure et d'esprit républicain précisément parce qu'elles savent que l'extrémisme sans nuance de la Ligue dans la légitime défense leur épargne justement d'être, elles-mêmes, excessives.

Au-delà des propos de convenance, quel est le sentiment profond des juifs français sur la LDJ ? N'y aurait-il pas comme une admiration discrète à l'égard de cette jeunesse en colère, presque de la même tonalité que l'adhésion même critique s'attachant à l'Etat d'Israël, parce qu'elle comme lui ont fait justice de l'image du juif pacifique consentant toujours aux souffrances et aux injustices dont il a été, dont il est victime ?

Si j'osais, je rêverais pour la France, parce que malheureusement les délits et les crimes ne concernent pas que la communauté juive, d'une Ligue de la défense nationale efficace et omniprésente, citoyenne, qui pallierait tout ce que l'action policière, parce que cette dernière est trop souvent entravée et dénigrée, et la justice pénale ont d'insuffisant et de limité.

Aujourd'hui, il est clair que la défense juive a besoin d'une Ligue plus encadrée qu'elle n'est et la France d'une véritable protection.


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