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Lloris donne des réponses

Justice au singulier - philippe.bilger, 14/12/2012

Ce n'est pas mon premier billet sur lui. J'aurais rêvé de le rencontrer et de pouvoir dialoguer avec lui. Un jour, j'ai cru pouvoir y arriver. Il avait lu l'un de mes posts mais la bureaucratie du club de Lyon et son absence de réaction, alors que j'imaginais le président Aulas efficace pour tout, même pour les apparentes petites choses, ont fait capoter cette modeste avancée. Maintenant, Lloris est loin, en tout cas trop loin pour des gens comme moi. Tant pis. Je me contenterai de ses réponses. Et de l'admirer comme ultime rempart.

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Hugo Lloris, le formidable gardien de l'équipe de France et son capitaine serein et respecté, est enfin titulaire dans le club anglais de Tottenham. L'entraîneur Villas-Boas a mis du temps pour comprendre et admettre une évidence qui sautait aux yeux de tous : Lloris n'est pas un remplaçant qui doit stagner sur un banc quand le terrain est là et l'attend.

En marge d'une visite auprès des enfants malades de l'hôpital de Whipps Cross à qui il a offert des cadeaux de Noël en compagnie de son coéquipier Clint Dempsey, il s'est livré - si on peut dire, tant il est retenu, pondéré, lucide - à un entretien auquel il est normal de faire un sort car il est rare qu'un footballeur soit décisif ailleurs que dans le jeu (Le Parisien, avec Julien Laurens).

Ce qui frappe d'emblée chez cet homme jeune, récemment marié et père d'une petite fille, c'est l'intelligence. La justesse des observations et des analyses, la pertinence des propos, l'acuité et la finesse du regard, l'ouverture et la curiosité d'esprit : le sport, et c'est heureux, n'est pas sa seule passion, mais Londres, sa vie culturelle, artistique, ses musées, la vie.

En dépit des moments agités et frustrants de ses débuts à Tottenham où les promesses qui lui avaient été faites n'ont pas été tenues, il s'est maîtrisé, il a serré les dents, travaillé et espéré qu'un jour, il sortirait de cette mauvaise passe. Sa force d'âme dans le silence et l'attente est sans doute l'un des traits les plus remarquables de ce caractère qui, pour être discret, n'en est pas moins affirmé et volontaire. LLoris, sachant ce qu'il vaut, n'a pas choisi le scandale, la révolte et la provocation et il a gagné, d'abord hors du terrain même s'il souligne que "les réponses, tu les donnes sur le terrain".

Ce que Lloris révèle dans cette interview n'est pas sans rapport avec les qualités psychologiques qui font de lui un irremplaçable gardien de but. Il n'appartient pas à la catégorie des excités qui font plus peur à leur défense qu'ils ne la rassurent. Il y a des comportements sportifs exemplaires qui manifestent clairement l'aptitude et le talent mais surtout la richesse de l'humain qui les inspire et les fait surgir de lui. Le ballon rond, chez quelques-uns, est bien plus que le ballon rond.

Je devine que d'aucuns pourraient me reprocher d'avoir une trop piètre image de cet univers en considérant que mon éloge de Lloris est presque offensant pour tous les autres. Comme si les footballeurs ne savaient pas penser, s'exprimer, répliquer. Comme si le monde médiatique autour d'eux était forcément médiocre. Comme si un langage correct leur était étranger.

Au risque d'aggraver mon cas, je serais enclin à soutenir qu'en effet joueurs, consultants et journalistes, en général, sont très insuffisants. La passion du sport n'excuse pas tout. Qu'on songe, par exemple, à la bêtise rigolarde d'un Laurent Paganelli, aux commentaires nuls d'un Aimé Jacquet ou aux ânonnements d'un Zidane ! Surtout, chez ces pratiquants, anciens pratiquants et parasites de l'effort des autres, quel épouvantable esprit de componction ! Ils évoqueraient la guerre atomique, ils ne seraient pas plus sérieux ! Pour ne pas à nouveau tourner en dérision cet afflux médiatique durant le match puis après, plus important bientôt que le nombre de joueurs dans une équipe ! Canal Plus devient de plus en plus une grosse machine médiatique sportive où l'enflure rend presque insignifiant l'essentiel : le match et les images.

Dans ces conditions, il est facile de concevoir à quel point lire cette page où Lloris s'explique est une chance, j'ose l'écrire : un bonheur intellectuel.

Ce n'est pas mon premier billet sur lui. J'aurais rêvé de le rencontrer et de pouvoir dialoguer avec lui. Un jour, j'ai cru pouvoir y arriver. Il avait lu l'un de mes posts mais la bureaucratie du club de Lyon et son absence de réaction, alors que j'imaginais le président Aulas efficace pour tout, même pour les apparentes petites choses, ont fait capoter cette modeste avancée.

Maintenant, Lloris est loin, en tout cas trop loin pour des gens comme moi.

Tant pis. Je me contenterai de ses réponses. Et de l'admirer comme ultime rempart.


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