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Le pape serait-il protestant ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 17/09/2015

Le pape François, chaque jour, impose à sa manière cette leçon que le catholicisme n'appartient pas qu'aux catholiques et que conquérir au-delà de lui par le coeur, l'esprit et l'exemple est une ardente obligation.

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Plus le quotidien me fait rencontrer des athées, plus je relève que la différence fondamentale entre eux et les chrétiens tient au fait qu'ils n'ont aucun doute, qu'ils sont inspirés par la certitude absolue de l'inexistence de la transcendance quand les autres croient certes en l'existence de Dieu mais la plupart du temps sans dogmatisme ni décret décisif. La croyance est plus modeste quand l'incroyance est péremptoire.

Ce ne sont pas les trop fréquentes tragédies liées à un terrorisme exhalant de la haine au prétexte d'un islam dévoyé qui m'ont conduit à m'aventurer sur ce terrain mais deux expériences personnelles. Elles m'ont permis une comparaison entre un baptême catholique et un enterrement protestant et j'avoue, en ayant découvert cette seconde cérémonie, avoir nourri quelques pensées iconoclastes par rapport à mon terreau d'origine.

Pour le baptême catholique d'un adorable bébé âgé d'un an, j'ai été frappé par le comportement à la fois chaleureux et vigoureux d'un prêtre qui, sentant qu'il se trouvait confronté à une assistance en majorité étrangère à la foi et le dissimulant mal, a probablement forcé le trait.

Tout de même, ce qui m'a semblé constituer un ressort commun à toutes les manifestations catholiques est la difficulté qu'éprouve cette religion à concevoir, au moment même où elle se déploie en majesté et en émotion, que tous pourraient ne pas adhérer à ce qu'elle proclame.

Il y a, dans ses affirmations, une sorte de pétition de principe qui n'est pas loin d'un dogmatisme de haute volée : il n'est pas concevable qu'au sein de ces assemblées nombreuses ou réduites, il n'y ait pas une communauté d'adhésion, un même sens de la transcendance et une dévotion égale à l'égard de ce qui se lit, se chante et se révère. On ne tente même pas une synthèse, il est vrai malaisée à opérer, entre le socle fondamental auquel les fidèles s'attachent et les dérivations, les interrogations, les troubles susceptibles d'agiter des âmes pas nécessairement médiocres. C'est tout ou rien.

Alors qu'il y a une richesse infinie dans la compréhension de ceux qui sont au bord, pour ne pas les faire fuir ou même mieux, les rapprocher du centre de la foi.

Le pasteur protestant, lors de la cérémonie d'enterrement d'un avocat - Daniel Richard - aimé par beaucoup et d'un courage admirable dans les moments ultimes de sa vie, m'a offert des lumières sur ce rite.

Il est vrai qu'il a été aidé par plusieurs interventions amicales, notamment un magnifique éloge du défunt par Maître Jean-Yves Le Borgne.

Cependant, ce que j'ai pour ma part mis en évidence dans cette austère et presque joyeuse solennité se rapporte à l'importance de la parole et au souci de ne pas laisser sur le bord du chemin ceux qui n'auraient pas été naturellement accordés à la substance du protestantisme.

La parole est partout. Elle lit, commente, explique, console, décrit et exalte. Le pasteur en a usé aussi bien pour brosser un beau portrait de Daniel Richard et de son humanité exemplaire que pour mettre à jour les mystères et tenter de faire accepter le scandale, dont il partageait l'intensité, de cette disparition évidemment injuste.

J'ai apprécié cette sensibilité mêlée à cette foi, faisant ressembler la cérémonie plus à des échanges et à un dialogue profonds et sincères entre le pasteur et ceux qui étaient présents qu'à une autorité venant s'imposer de haut et sans recours. Il y a une vie après la mort mais la mort est aussi une dévastation pour ceux qui sont quittés. On ne feint pas une allégresse artificielle.

A plusieurs reprises, le pasteur, sans démagogie ni complaisance, a intégré dans ses dires la préoccupation des fidèles et l'attention à l'égard de ceux qui ne l'étaient pas. Personne n'était oublié dans cette collectivité soudée par le même regret et une identique nostalgie.

Ce n'est pas pour seulement justifier le titre de ce billet que j'évoque le pape François. Il demeure évidemment catholique mais il me semble que sa démarche de tolérance et ses attitudes d'empathie universelle, au point de choquer certains catholiques qui sont dépassés par ce chef de l'Eglise hors du commun, rejoignent en partie le meilleur de ce que le catholicisme offre et de ce que le protestantisme fait apparaître.

Le pape François, chaque jour, impose à sa manière cette leçon que le catholicisme n'appartient pas qu'aux catholiques et que conquérir au-delà de lui par le coeur, l'esprit et l'exemple est une ardente obligation.


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