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Ils l'ont eu !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 22/05/2017

Mais mon souci dominant est qu'ils ont eu Michel Field, que France 2 a perdu et qu'on va applaudir. Michel Field est un ami, c'est vrai, mais un ami singulier : je peux dire du bien de lui sans mentir.

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Michel Field, directeur de l'information de France Télévisions, a présenté sa démission.

C'est lui qui a décidé mais on a tout fait pour lui pourrir la vie.

Le monde de l'information, l'intercession médiatique entre le pouvoir et les citoyens, cet univers capital pour la démocratie au point que sans lui celle-ci est mutilée, va être privé, à l'approche d'élections législatives, d'un formidable professionnel.

Avec classe, Michel Field affirme se retirer par "souci d'apaisement" et loue les équipes avec lesquelles il a travaillé (L'Obs).

Mais comme on l'a bien poussé à bout !

Défiance après défiance, motion après motion - du temps à gaspiller -, le corporatisme a gagné.

David Pujadas qui s'estimait propriétaire de sa fonction a protesté parce qu'après seize trop longues années, on estimait qu'il devait céder la place. Personne, véritablement, n'est venu au secours de Delphine Ernotte et de Michel Field. Il paraît même que l'Elysée a été mécontent.

Ils l'ont eu.

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Michel Field aurait-il même proposé la mesure parfaite, la réforme exemplaire que le système, la bureaucratie, le syndicalisme, les conservateurs médiatiques, l'auraient critiqué.

Ils l'ont eu.

Il préférait le mouvement à l'immobilisme, les souplesses aux rigidités, les articles stimulants - comme celui qu'il avait écrit dans Libération - aux orthodoxies niaises et aux contentements béats.

Ils l'ont eu et le pire est qu'on n'a pas cessé de lui mettre de la bêtise dans les roues, du venin dans ses démarches. Pas une seconde sans querelle ni attaques mesquines. Nulle part je n'ai pu lire ou écouter une quelconque défense de sa cause et de sa personnalité. Libération, le Canard, le Monde s'en sont donnés à coeur joie !

Pourtant, s'ils l'ont eu, ce n'était pas à cause de ses entreprises mais malgré elles.
Field brillait trop. Journaliste mais si peu classique et banal. Trop intelligent, vif, caustique, tolérant et lucide. Trop impartial alors qu'on lui prêtait soit un sarkozysme délirant soit un macronisme suspect ! Trop politique et si peu politicien... Si solitaire dans un monde qui adore se réchauffer à une fraternité qui ne vient que du nombre et des piètres intérêts à sauvegarder.

Ils l'ont eu.

On va évidemment parler de tant d'autres choses au cours de cette semaine qui a connu d'autres polémiques. Par exemple celle liée au tour de force d'une Vanessa Burggraf qui a trouvé le moyen, avec un questionnement approximatif, de relégitimer une ancienne ministre au bilan désastreux, Najat Vallaud-Belkacem, et alors même que l'Education nationale va enfin être administrée par un grand titulaire compétent et respecté.

Mais mon souci dominant est qu'ils ont eu Michel Field, que France Télévisions a perdu et qu'on va applaudir.

Michel Field est un ami, c'est vrai, mais un ami singulier : je peux dire du bien de lui sans mentir.


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