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L’impartialité du juge, selon le Pape CEDH

Actualités du droit - Gilles Devers, 27/04/2015

Comme dirait ma nièce, l’ arrêt Morice contre France prononcé vendredi par...

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Comme dirait ma nièce, l’arrêt Morice contre France prononcé vendredi par la Grande Chambre de la CEDH, « ça balance du lourd ». La France à nouveau condamnée pour le fonctionnement de la justice…  Ma douce France multirécidiviste, Madre mia…… De quoi filer le spleen aux Baumettes… Je reviendrai sur cet arrêt, très technique, et qui offre une superbe plongée dans les marécages de la magistrature, mais comme apéro, voici une synthèse magistrale offerte par la CEDH sur la notion d’impartialité du juge. Parce que si dans l’affaire Morice, la France se prend une raclée pour l’atteinte à la liberté d’expression d’un avocat, elle se filer aussi une leçon sur l’impartialité du juge… Deux en un, c’est comme la lessive qui détache et blanchit… Pas glorieux… 

Allez, installez-vous confortablement et mettez vos bretelles européennes. Si vous êtes un jour convoqué devant un tribunal, vous ferez une prière (laïque et hallal) pour que le juge soit impartial. Oki ? Alors voilà à quoi ressemble l’impartialité du juge.

 

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L’impartialité se définit par l’absence de préjugé ou de parti pris et peut s’apprécier de diverses manières. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, Kyprianou c. Chypre [GC], no 73797/01, § 118, CEDH 2005-XIII ; CEDH, Micallef c. Malte [GC], no 17056/06, § 93, CEDH 2009), aux fins de l’article 6 § 1, l’impartialité doit s’apprécier de deux manières :

- selon une démarche subjective, en tenant compte de la conviction personnelle et du comportement du juge, c’est-à-dire en recherchant si celui-ci a fait preuve de parti pris ou préjugé personnel dans le cas d’espèce,

- selon une démarche objective consistant à déterminer si le tribunal offrait, notamment à travers sa composition, des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité.

La démarche subjective

Le principe selon lequel un tribunal doit être présumé exempt de préjugé ou de partialité est depuis longtemps établi dans la jurisprudence de la Cour (CEDH, Kyprianou, précité, § 119 ; CEDH, Micallef, précité, § 94). L’impartialité personnelle d’un magistrat se présume jusqu’à preuve du contraire (CEDH, Hauschildt c. Danemark, 24 mai 1989, § 47, série A no 154). Quant au type de preuve exigé, il s’agit de vérifier si un juge avait fait montre d’hostilité ou de malveillance pour des raisons personnelles (CEDH, De Cubber c. Belgique, 26 octobre 1984, § 25, série A no 86).

La démarche objective

L’appréciation objective consiste à se demander si, indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier. Il en résulte que, pour se prononcer sur l’existence, dans une affaire donnée, d’une raison légitime de redouter d’un juge ou d’une juridiction collégiale un défaut d’impartialité, l’optique de la personne concernée entre en ligne de compte mais ne joue pas un rôle décisif. L’élément déterminant consiste à savoir si l’on peut considérer les appréhensions de l’intéressé comme objectivement justifiées (CEDH, Micallef, précité, § 96).

L’appréciation objective porte essentiellement sur les liens hiérarchiques ou autres entre le juge et d’autres acteurs de la procédure (CEDH, Micallef, précité, § 97). Il faut en conséquence décider dans chaque cas d’espèce si la nature et le degré du lien en question sont tels qu’ils dénotent un manque d’impartialité de la part du tribunal (CEDH, Pullar, précité, § 38).

En la matière, même les apparences peuvent revêtir de l’importance ou, comme le dit un adage anglais, « justice must not only be done, it must also be seen to be done » : il faut non seulement que justice soit faite, mais aussi qu’elle le soit au vu et au su de tous (CEDH, De Cubber, précité, § 26). Il y va de la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer aux justiciables. Tout juge dont on peut légitimement craindre un manque d’impartialité doit donc se déporter (CEDH, Castillo Algar c. Espagne, 28 octobre 1998, § 45, Recueil 1998-VIII ; CEDH, Micallef, précité, § 98).

Dans la très grande majorité des affaires soulevant des questions relatives à l’impartialité, la Cour a souvent eu recours à la démarche objective (CEDH, Micallef, précité, § 95). La frontière entre l’impartialité subjective et l’impartialité objective n’est cependant pas hermétique car non seulement la conduite même d’un juge peut, du point de vue d’un observateur extérieur, entraîner des doutes objectivement justifiés quant à son impartialité (démarche objective), mais elle peut également toucher à la question de sa conviction personnelle (démarche subjective) (CEDH, Kyprianou, précité, § 119). Ainsi, dans des cas où il peut être difficile de fournir des preuves permettant de réfuter la présomption d’impartialité subjective du juge, la condition d’impartialité objective fournit une garantie importante supplémentaire (CEDH, Pullar c. Royaume-Uni, 10 juin 1996, § 32, Recueil des arrêts et décisions 1996-III).

Pour connaitre les maux de la justice, les abrutis sécuritaires de la ripoublicaine UMP s’enflamment sur la baisse du nombre de détenus… Ils feraient mieux de jeter un œil à ce que dit la CEDH, mais là, c’est compliqué : il ne suffit pas de hurler en cœur les miasmiques slogans lepénistes, il faut réfléchir un peu, ce qui impose des douleurs aux cerveaux non préparés.

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Hé, pourquoi t’as mis ma photo ? 


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