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Les mots de Pierre Bergé, les millions du Telethon et les larmes de Jeanne

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 25/05/2013

D'un côté, il y a Pierre Bergé et ses mots contre le Telethon. Un "scandale auquel il faut mettre un terme" parce qu'il "parasite", "cannibalise" , "vampirise" et "détourne la générosité publique", "exhibe le malheur des enfants", "attente à leur … Continuer la lecture

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D'un côté, il y a Pierre Bergé et ses mots contre le Telethon. Un "scandale auquel il faut mettre un terme" parce qu'il "parasite", "cannibalise" , "vampirise" et "détourne la générosité publique", "exhibe le malheur des enfants", "attente à leur dignité", "ment" et se comporte "comme une secte". Des mots prononcés sur les ondes et les plateaux de télévision entre novembre 2009 et janvier 2010, répétés et assumés vendredi 24 mai à la barre de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris devant laquelle le président du Sidaction (et actionnaire du Monde) était poursuivi pour diffamation publique par l'Association française contre les myopathies (AFM), organisatrice du Telethon.

"Je suis moi-même myopathe, souligne Pierre Bergé. Mais je pense profondément qu'il est anormal qu'une association cannibalise la générosité publique, qu'elle possède 200 millions d'euros de réserve et touche 7 millions d'euros de frais financiers par an. Dans une association caritative, si on a des produits financiers, c'est qu'on a beaucoup d'argent. Et si on a beaucoup d'argent, c'est qu'on en a trop. Car, croyez-moi, quand on fait tout pour lutter contre une maladie, il ne reste plus d'argent. A Sidaction chaque euro est dépensé". Pierre Bergé dit encore: "Nous aussi, nous pourrions exhiber des enfants, des femmes et des hommes malades. Nous ne l'avons jamais fait. Il me semble qu'il faut s'adresser aux gens avec pertinence, avec intelligence et pas avec démagogie".

De l'autre côté, il y a l'AFM et ses dix témoins. Une distribution d'orfèvre, un savant mélange de compétences et d'émotion. Au professeur Nicolas Lévy, chef de l'unité de recherche en génétique médicale à la Timone à Marseille et président de la Fondation des maladies rares, à l'américaine Naomi Taylor, immunologiste à l'Institut de génétique moléculaire de Montpellier et lauréate du prix INSERM 2010, au chirurgien cardiaque et directeur d'unité de recherche à l'INSERM, Philippe Menasché, Me Francis Szpiner, l'avocat de l'AFM, pose la même question: "Etes-vous choqué par les réserves financières dont dispose l'association?". Les réponses fusent, unanimes: "Ce serait le contraire qui serait choquant. Il faut garder de quoi financer la recherche fondamentale sur du long terme". "Cannibale", "sectaire" le Téléthon qui ne financerait que les recherches sur les myopathies? demande Me Szpiner. "En immunologie, nos travaux bénéficient à des patients atteints de cancer ou du SIDA", dit l'un. "On devrait faire de l'AFM une association bienfaitrice de l'humanité", dit l'autre.

Et puis, face aux mots de Pierre Bergé, il y a Jeanne. Une brunette de 16 ans, au regard vif et aux traits fins, "ambassadrice du Telethon", qui fait rouler son fauteuil médicalisé jusqu'à la barre. "On parle d'exhibition. Dois-je comprendre que mon apparence est gênante?". Me Szpiner la couve des yeux, Me Jean Veil, l'avocat de Pierre Bergé rentre la tête dans les épaules. "Pierre Bergé dit qu'il est myopathe. Mais - la voix de Jeanne soudain flanche et se brise - il est...du troisième âge. Les amis que j'ai perdus sont morts très jeunes".

La procureure Anne Coquet prend la parole. "Ce procès n'est pas celui du Telethon. Il est celui de la liberté d'expression et de ses limites". Et celles-ci ont été dépassées, souligne-t-elle, en estimant que les qualificatifs de "secte", de "menteur", d'"atteinte à la dignité des enfants" et de "détournement de générosité publique" sont des propos diffamatoires.

Jugement le 28 juin.

 


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