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Le FN : une voie royale pour Nicolas Sarkozy ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 11/08/2015

Ce serait une suprême ironie de la politique que de voir Nicolas Sarkozy tirer ainsi les marrons du feu. Mais, selon moi, le diable chassé à son bénéfice, ce serait trop amer !

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Il ne s'agit pas d'examiner les chances de Nicolas Sarkozy pour 2017 s'il gagne la primaire de LR. Ni d'envisager à nouveau les possibles retombées judiciaires négatives sur son ambition de reconquête.

Mais de considérer la primaire elle-même.

Je voudrais seulement, face aux tactiques différentes qu'Alain Juppé et lui-même ont adoptées de plus en plus clairement, examiner si malgré les sondages qui actuellement placent le premier en position favorable, l'ex-président de la République n'aurait tout de même pas choisi la bonne démarche pour l'emporter sur le plan interne.

Pour résumer ces approches contrastées, le maire de Bordeaux qui suit avec cohérence et sans esbroufe le programme qu'il a élaboré aspire à une primaire élargie jusqu'au centre en espérant être le candidat d'une droite intelligente et réfléchie, soucieuse de l'état de droit et d'une pratique présidentielle respectable, attentive vraiment à l'unité du pays et à son rassemblement. Une vision apaisée et à la fois déterminée de la politique. Elle n'aurait rien de mou, elle n'aurait rien de simpliste et de rigide.

Nicolas Sarkozy, pour sa part, n'a jamais caché qu'il a d'autres desseins.Ils lui sont d'autant plus naturels qu'il a toujours cherché à "draguer" les électeurs du FN, surtout à la fin de son quinquennat, en puisant dans le vivier de ce parti tout en affichant une opposition nette à l'égard des responsables de ce dernier, aujourd'hui de Marine Le Pen qu'il devrait traiter avec moins de condescendance et presque de mépris. Certes c'est la reléguer comme quantité négligeable mais cette psychologie est maladroite au regard de sa réalité.

Contrairement à Alain Juppé, il est convaincu que la primaire se gagnera à droite et que les citoyens "centristes" seront infiniment moins présents que ceux mobilisés en faveur d'une droite dure, d'un projet conservateur sans compromission. Son appel à l'électorat du FN - encore récemment dans le long entretien qu'il a donné à Valeurs actuelles - a pour but de l'inciter à participer à la primaire de 2016, qui serait de ce fait élargie d'une autre manière : jusqu'à l'extrême droite.

Cette volonté, pour discutable qu'elle puisse apparaître, est d'autant moins absurde tactiquement qu'elle résulte aussi du changement profond, de la mue radicale opérés par le FN sous l'égide de sa présidente. On peut continuer à soutenir mécaniquement que sur le plan politique, le père et la fille ne se distinguent pas, il n'en demeure pas moins que la répudiation officielle des délires historiques et obsessionnels du père, dont les conséquences ont été longtemps dévastatrices, a permis à la fille de faire progresser le FN dans un espace qui est devenu strictement politique et formellement républicain. La dédiabolisation, c'est d'abord cela : faire passer le FN pour un parti politique, et non plus pour un mouvement sulfureux et hors jeu à cause de son absence de principes. Jean-Marie Le Pen en a pris acte, avec aigreur et regret, puisqu'il ne votera pas en faveur de Marine en 2017.

Lui, dont la haine est inextinguible et qui trouvera le moyen de l'exprimer le 20 août, n'a pas eu peut-être tout à fait tort quand il a affirmé que cette purification du FN, qu'il vitupère, va le rendre plus sensible aux influences adverses et donc faciliter l'éloignement d'un certain nombre de ses militants. On peut considérer que l'effet pervers, pour le FN, de la rénovation honorable désirée à toute force par Marine Le Pen - au point de l'avoir mise sans concession en conflit avec le fondateur du FN qui est aussi son père - va être, en effet, de constituer ses partisans comme une multitude plus homogène, plus classique, moins séduite par les provocations, moins attachée aux élucubrations européennes et à un atypisme de façade, mais plus responsable et pragmatique en définitive (JDD). Moins d'extrême droite et plus de droite extrême.

Ce paradoxe sera mis de plus en plus en évidence d'une présidente qui a l'ambition de gouverner mais d'un parti dont beaucoup de ses membres peut-être, animés pourtant par la même envie, choisiront, par empirisme et efficacité, d'offrir leur présence aux LR, concrétisant sur le plan national les passerelles et les liens déjà instaurés par la France "d'en bas".

En ce sens, l'expression privilégiée par Nicolas Sarkozy - droite républicaine - devrait être amendée pour être plus opératoire : la droite de gouvernement, la droite qui pourra seule prétendre au gouvernement de la France. Cet argument, cette dénomination seraient décisifs et illustreraient bien cette espérance de Nicolas Sarkozy de voir dans le FN new look une voie royale.

Ce serait une suprême ironie de la politique que de voir Nicolas Sarkozy tirer ainsi les marrons du feu.

Mais, selon moi, le diable chassé à son bénéfice, ce serait trop amer !


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