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Maternité de Port-Royal : Le procès pénal est impossible

Actualités du droit - Gilles Devers, 4/02/2013

Il y a des jeux toujours perdants, et qui sont pourtant toujours...

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Il y a des jeux toujours perdants, et qui sont pourtant toujours recommencés : la combinaison de l’emballement médiatique et politique sur des affaires médicales graves ne donne rien de bon.

Ce qui s’est passé vendredi est grave, très grave : la perte d’un bébé in utero, alors que l’on était au stade où la naissance aurait pu être provoquée.

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J’imagine bien volontiers que les faits sont complexes, et que rien ne peut être dit tant que l’on ne connait pas le déroulement exact des faits, l’état médical de la jeune femme – qui a été examinée encore la veille de la perte du bébé – et les réponses qui ont été données par les équipes médicales de la maternité.

Mais il ressort des articles de presse quelques points qui permettent de situer l’affaire.

Un déclenchement de l'accouchement était envisagé pour jeudi matin, mais le service a appelé pour décaler de quelques heures. Quand le couple est arrivé, le service était débordé, et ne pouvait donner suite. Un examen a été pratiqué, décrit comme rassurant, et son analyse sera très importante. Le couple a été dirigé vers les urgences, et se disait disponible pour se rendre dans un autre établissement. En vain, et il est rentré à la maison. Dans la nuit de jeudi à vendredi, la mère s’est rendue compte qu’elle ne percevait plus de mouvement de l’enfant. Retour aux urgences, pour constater le décès in utero. Une autopsie sera pratiquée, qui livrera des informations indispensables pour comprendre.

Le patron de la maternité, Dominique Cabrol, a déploré ce très triste événement, reconnaît « une saturation totale » de la maternité le jeudi, mais indique que l'examen pratiqué ce jour-là montrait un rythme « normal », et que « rien ne laissait présager qu'il y avait un risque ».

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Le parquet a ouvert dimanche une enquête préliminaire pour déterminer les circonstances exactes du décès du bébé. Une enquête sur le fonctionnement des services, pourquoi pas, mais en termes de procédure pénale, c’est un échec assuré, et il serait correct de le dire aux parents, alors que je vois apparaître le nom de l’infraction d’homicide involontaire. Cette infraction est inapplicable dans une telle affaire. Pour qu’il y ait homicide, il faut qu’il y ait eu vie, donc naissance d’un enfant vivant. Dans le cas d’un décès in utero, l’homicide involontaire ne peut jouer, et aucune infraction  spécifique n’a jamais été créée (Ce serait très difficile). Il n’y aura donc jamais de procès pénal, car il n’y a pas de texte prévoyant l’infraction.

La ministre Marisol Touraine a bien appris la leçon et sait qu’il faut se montrer hyper-réactif dans ce genre de situation. Je lis : « J'ai demandé une enquête exceptionnelle, à la fois administrative et médicale, qui sera lancée dès lundi pour faire toute la lumière sur les circonstances de ce drame ». Oui, mais cette enquête n’a d’exceptionnel que le nom. C’est la réaction normale des hôpitaux, et il existe au sein de l’AP-HP des structures spécialement formées pour ces missions.  

Petite précision : cette enquête interne se déroule sans contrôle d’un juge, et les parents n’y participent pas en tant que partie, avec les conseils d’un avocat.

La seule voie réaliste pour les parents sera de saisir le juge des référés du tribunal administratif, pour obtenir une expertise judiciaire, complète et contradictoire. Le mieux est de ne pas se précipiter, pour déjà laisser passer le temps de la peine. Mais, en pratique, il serait toutefois préférable d’agir vite, pour que l’expertise judiciaire ne se heurte pas à un terrain trop balisé par l’enquête interne. 

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Le tribunal administratif de Paris


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