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Le rêve de la parole, une parole de rêve...

Justice au Singulier - philippe.bilger, 3/06/2018

Le rêve d'une certaine parole enfin inscrit dans la quotidienneté, le temps d'une journée unique. Une parole de rêve inaccessible mais déjà heureuse d'avoir été approchée par des personnalités, des pensées et des mots ayant su relever un défi.

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A tout âge, on a le droit de rêver. Au moment même où le présent mobilise ou accable, le rêve y introduit un parfum de futur, un désir d'avenir.

Mais il convient que le rêve soit plausible. Pas démesuré ni impossible à un point qu'il créerait plutôt une blessure, une frustration qu'une espérance.

Le 2 juin j'ai vécu un moment inoubliable. J'ai eu le bonheur d'éprouver qu'un rêve qui m'habitait depuis longtemps, le méritait. Incarné, il a été à la hauteur concrète et opératoire de mes songes. La réalité, loin de le trahir, l'a sublimé.

Il n'était pas évident de réunir une vingtaine de candidats épris de la parole : professionnels de la parole et amateurs, de toutes générations (de 19 ans à 78 ans), de toutes formations et activités.

Il n'était pas évident de les convaincre d'assumer un projet extra-ordinaire, sortant leur épreuve des conventions et des préciosités des joutes orales classiques constituant la parole non pas comme un exercice de liberté et d'intelligence mais comme un rituel de salon, un jeu où l'esprit français était incité à se caricaturer lui-même.

Il n'était pas évident de leur faire accepter une lutte à armes égales avec un sujet unique qui n'était pas des plus faciles, choisi par un trio d'arbitres exceptionnel : Catherine Belle-Croix, professeur de lettres classiques, ancien préfet des études de Franklin, qui a présidé avec grâce et talent ; Maître Jean-Yves Le Borgne, qui fut le premier vice-bâtonnier de Paris, et Alain Ovadia, brillant chef d'entreprise.

Il n'était pas évident d'imposer à chacun des participants, sur le thème "La conquête est-elle immorale ?", une demi-heure de préparation seulement mentale, sans l'ombre d'un crayon, d'une feuille de papier, d'un portable ou d'un ordinateur. Chacun confronté à soi-même dans une délibération et une structuration intenses pour extraire la substantifique moelle du désordre et de la profusion illimités suscités par cette interrogation équivoque.

Il n'était pas évident de les écouter ensuite, le public étant à la fois sympathique, attentif et parfois critique, durant dix minutes pile nous offrir leur réflexion avec l'infinité de variations et de nuances que la parole accordée aux tempéraments engendre.

Il n'était pas évident de recueillir de la part de tous les auditeurs le sentiment qu'un exploit avait été réalisé devant eux, face à eux. Avant même la qualité de la parole, celui tenant à l'audace de l'avoir élaborée ainsi sans crainte ni forfanterie. Avec la certitude que parlant de la sorte, c'était de l'humain qu'ils exprimaient plus que de la technique qu'ils proféraient.

Il n'était pas évident de voir repartir tous les candidats, après les prix décernés par le jury, avec de la fierté, de la déception aussi mais sans la moindre aigreur.

Le premier distingué ayant été David Jarousseau - son nom mérite d'être cité - qui a pu, avec trois autres à sa suite, bénéficier du partage d'une somme substantielle.

Il n'était pas évident de mener à bien une telle entreprise mais les rêves, quand ils ont envie de venir au jour, font bien les choses. Pro-Barreau et ses locaux si parfaitement agencés comme si de toute éternité ils savaient ce qui les attendait. Une équipe exemplaire et efficace. Des juges ayant recueilli un assentiment général. Un Institut de la parole légitimé. Sud Radio partenaire capital mis à l'honneur. Du champagne offert par LVMH.

Le rêve d'une certaine parole enfin inscrit dans la quotidienneté, le temps d'une journée unique.

Une parole de rêve inaccessible mais déjà heureuse d'avoir été approchée par des personnalités, des pensées et des mots ayant su relever un défi.


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