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Bientôt (sans doute) une directive européenne sur les œuvres orphelines

Paralipomènes - Michèle Battisti, 8/06/2012

En ligne de mire le projet Europeana d’où, pour obtenir un consensus au plus vite, la création d’un groupe de travail de représentants du Parlement et du Conseil de l’Union, sans doute assistés de représentants de la Commission européenne. C’est cet accord qui a été annoncé le 6 juin 2012. Bien que  le texte du [...]

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En ligne de mire le projet Europeana d’où, pour obtenir un consensus au plus vite, la création d’un groupe de travail de représentants du Parlement et du Conseil de l’Union, sans doute assistés de représentants de la Commission européenne. C’est cet accord qui a été annoncé le 6 juin 2012.

Bien que  le texte du compromis ne soit pas disponible sur la fiche de procédure sur le site du Parlement européen, il appelle quelques commentaires avant une analyse plus approfondie.

On rappellera, tout d’abord, que si la directive européenne ne s’applique pas à toutes les œuvres, le champ des œuvres concernées va au-delà du livre publié, objet de la loi française sur les livres indisponibles dont certains entrent dans le champ des œuvres orphelines et dont la mise à disposition est encadrée par cette même loi du 1er mars 2012.

Que retenir aujourd’hui du communiqué de presse ?

  •  Ce qui a été reconnu, dès la première version de la proposition de directive, en mai 2011 : après une recherche diligente, les institutions publiques, notamment les musées et les bibliothèques, pourront utiliser gratuitement les œuvres reconnues orphelines après une recherche diligente, sérieuse et avérée, comme je me plais à le rappeler. L’opt-out a toujours exclu dans cette directive.
  • Nouveau, en revanche, est l’indemnisation des détenteurs de droits qui se manifesteraient ultérieurement, pour les usages du passé. On notera les gardes fous instaurés pour éviter des revendications excessives : l’indemnisation sera calculée au cas par cas, en fonction du « dommage réel causé aux intérêts de l’auteur », et devra tenir compte du fait que l’œuvre n’est pas utilisée à des fins commerciales.
  • Pas d’utilisations commerciales ? Mais si, pourtant, car nouveau aussi et même inattendu, le fait qu’il soit reconnu aux institutions le droit de commercialiser les œuvres. Toutefois, il y est précisé, de manière tout à fait appropriée selon moi, que les bénéfices doivent servir à couvrir les frais de la recherche diligente et ceux de la numérisation.
  •  On notera aussi que les œuvres non publiées, exclues du champ de la directive en mai 2011, apparaissent à présent. Les institutions pourront les utiliser dès lors qu’elles « puissent croire de manière raisonnable que le détenteur de droit ne s’oppose pas à cette action ». Enfin ! Si ce n’est que si le champ des œuvres couvertes par la directive est élargi, la photographies isolée, contrairement la photographie insérée dans le livre, semble en être (étrangement) toujours exclue.
  • Licences collectives étendues des pays scandinaves, loi sur les livres indisponibles en France  …  Comment articuler l’opt-out et le versement des droits à des sociétés de gestion collective, y compris lorsqu’il s’agit d’œuvres orphelines imposées par ces dispositions légales, et la nouvelle directive qui impose la recherche diligente préalable et reconnait l’utilisation gratuite lorsque les résultats de la recherche se sont avérés infructueux ?

Une solution consisterait à dissocier la numérisation de masse, couverte par la gestion collective, et les usages  ponctuels des œuvres orphelines. Dans ce dernier cas, une recherche diligente faite par l’établissement lui permettrait d’utiliser gratuitement l’œuvre s’avérant être orpheline, ce qui répondrait aux dispositions de la directive.

En France, les dispositions de la directive européenne s’appliqueraient à toutes les œuvres couvertes par ce texte. Mais lorsqu’il s’agit de livres, selon  la loi sur les livres indisponibles du 1er mars 2012,  les livres orphelins ne pourraient être utilisés gratuitement qu’après 10 ans de gestion collective et, au bout de ce délai, par un simple « avis motivé, la société de gestion collective agréée pourrait même s’y opposer à leur valorisation par les établissements qui en disposent dans leur collection. D’ailleurs, les bibliothèques ne pourraient les rendre disponibles qu’à leurs « abonnés » ; on est très loin de l’usage commercial et des revenus utilisés pour la recherche diligente et la numérisation des œuvres, deux opérations qui pourtant, se feraient au bénéfice des auteurs.

Dissocier la numérisation dite de masse et la numérisation ponctuelle, pour une exposition virtuelle sur un thème donné par exemple,  pour laquelle une recherche diligente œuvre par œuvre peut être envisagée, une porte de sortie ?

A suivre, dès que le texte du compromis sera accessible.

Illustration. Fotopedia CC by. Pas d’œuvre orpheline aujourd’hui car l’auteur de la photographie, Jean-Pierre Dalbera est connu et peut être joint, mais accepte que l’on reproduise sa prise de vue. Une superbe bibliothèque que la Bibliothèque de l’espace Nouvel (Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofía, Madrid), mais dont l’architecte, au titre du droit d’auteur pourrait s’opposer à la diffusion de cette photographie, même s’il s’agit d’une petite partie du bâtiment, même pour un usage non commercial, comme c’est le cas aujourd’hui.


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