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Saint-Domingue : Le gouvernement crée 250 000 apatrides, et les expulse !

Actualités du droit - Gilles Devers, 21/08/2015

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L’affaire, c’est un classique de l’immigration économique, mais particulièrement violent : un Etat a besoin pour son expansion de main d’œuvre stable et pas cher qui, en quatre générations, va s’installer, mais quand vient la crise, ces travailleurs et leur famille deviennent indésirables, et on les fait dégager. A Saint-Domingue, l’affaire est dramatique car pour les virer, on leur retiré la nationalité, et ils deviennent apatrides. Attention, cela concerne 250.000 personnes, et le sympathique gouvernement a commencé les expulsions massives. Horrible.

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Depuis le début du siècle, Saint-Domingue a cherché à faire venir de la main d’œuvre pas chère, essentiellement d’Haïti, pour répondre aux besoins de son développement agricole, spécialement la production de cannes à sucre. Parfois, des accords ont été passés entre les deux gouvernements. L’histoire a été toujours été rude, marquée notamment par un massacre en 1937.

En vertu de l’article 11 de la Constitution dominicaine, toute personne née sur le territoire avait droit à la nationalité, à l’exception des enfants de diplomates et de personnes « en transit ». Donc, pas de problème pour les haïtiens entrés avec une carte d’identité. Mais quid pour les autres, arrivés dépourvus de papier d’identité, vu l’état de l’administration à Haïti ? Le gouvernement de Saint-Domingue, qui avait trop besoin de cette main d’œuvre, acceptait tout document laissant apparaitre une identité, et enregistrait les personnes. Tout ceci était parfaitement connu, répondant à des pratiques constantes. A ce jour, pour une population totale de 10 millions d’habitants, on compte environ 400.000 originaires d’Haïti.

Depuis une dizaine d’années, l’économie dominicaine a moins besoin de cette main d’œuvre, et un bon vent xénophobe souffle sur ce joli pays, destination pour des vacances pas regardantes. D’ailleurs, en janvier 2010, une modification de la Constitution a réformé la nationalité, réservant la citoyenneté aux personnes nées dans le pays d’au moins un parent d’origine dominicaine ou de parents résidents étrangers en situation légale.

A partir de 2007, le Conseil central électoral, qui gère l’état civil faisait des difficultés pour délivrer des extraits d’actes de naissance et renouveler les cartes d’identité aux citoyens dominicains d’ascendance haïtienne.

Le contentieux s’est cristallisé sur la situation d’une jeune femme, Juliana Deguis Pierre, le Conseil lui ayant confisqué son acte de naissance au motif que ses aïeuls étaient haïtiens.

La Cour constitutionnelle s’est prononcée le 25 septembre 2013, par un retentissant arrêt 168-13. Pour les juges, Juliana Deguis Pierre, née sur le territoire dominicain en 1984 de parents haïtiens, s’était vue octroyer à tort la nationalité dominicaine à sa naissance, car il n’était pas prouvé que ses aïeuls étaient entrés à Saint-Domingue en situation régulière. Elle n’aurait jamais dû avoir la nationalité dominicaine, et celle-ci doit lui été retirée.

En outre, la Cour a ordonné au Conseil central électoral de reprendre tous les registres de naissances depuis 1929, dans un délai d’un an, et d’en retirer les personnes inscrites à tort.  

Une décision d’une violence rare… car la situation d’origine avait été acceptée par l’Etat en toute connaissance de cause. Suite à cet arrêt, l’administration remonte à l’aïeul arrivé à Saint-Domingue, et si la certitude du port de la carte d’identité n’est pas établie, tous les descendants se voient retirer la nationalité, et deviennent apatrides. En effet, ils avaient la citoyenneté dominicaine depuis la naissance, ont toujours vécu dans cet Etat, et n’ont d’autres attaches nulle part. Cela concerne essentiellement des personnes originaires d’Haïti, mais aussi d’autres origines.

Le Conseil central électoral a repris tous les dossiers, et 250 000 personnes se sont vues réduites à l’apatridie, chiffre confirmé par Mouvement socio-culturel pour les travailleurs haïtiens (MOSCTHA).

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Les protestations ont été unanimes, jusqu’à l’ONU, et le gouvernement a voulu tempérer en adoptant en mai 2014, la loi 169/14 qui instaure un plan de régularisation. En fait, les conditions sont si restrictives que la loi est de facto inapplicable. En octobre 2014, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a dit que cette loi bafouait la Convention américaine des droits de l’homme, mais les autorités dominicaines répondu qu’elle maintenait leur loi. Le plan de régularisation, qui a pris fin le 17 juin, a été un fiasco. Le porte-parole du HCR, Adrian Edwards, redoute des conséquences « dévastatrices », demandant qu’il soit renoncé aux expulsions d’apatrides.

En effet, la République d’Haïti refuse d’accueillir sur son territoire des personnes en situation d’apatridie que déporterait la République Dominicaine voisine, a fait savoir le ministère des affaires étrangères haïtien. Et ces personnes, vivant à Saint-Domingue depuis des décennies, n’ont rien en Haiti, et ne pourront faire valoir aucun droit, n’ayant pas la nationalité.

On estime qu’à ce jour, 65 000 personnes apatrides ont déjà fait l’objet de rapatriements forcés, organisés par le gouvernement dominicain.

Il y a vraiment des salopards en liberté, dans ce pays raciste qui procède à des pendaisons publiques quand ce sont des haïtiens. 

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