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Frédéric Mitterrand se mouille

Justice au singulier - philippe.bilger, 2/04/2012

Quand un tel ministre se risque aux pronostics et croit servir le Prince en prévoyant une "catastrophe" si l'adversaire l'emportait, on est rassuré : il ne peut pas avoir raison.

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J'ai fait des efforts. J'ai tenté de me pâmer pour ce ministre de la Culture et de la Communication nommé on ne sait trop comment, en tout cas avec l'agrément de l'épouse du président de la République. Je ne parviens pas à me défaire d'un agacement profond qui n'a plus de lien avec ses aventures asiatiques menées de concert avec des adultes qui étaient sans doute tout jeunes !

Je crois qu'en réalité il a été un mauvais ministre et que probablement son ambition était satisfaite par le simple fait d'être là où il était ! J'avoue également que le personnage ne me plaît pas, une manière de jouir du présent en exploitant le passé, se posant en neveu indépendant mais s'abritant sous l'aile de l'oncle, profitant de la droite mais gardant un bout d'esprit à gauche. Quelqu'un de pas net !

Il a décidé de se mouiller, de s'engager. "Nicolas Sarkozy a de très fortes chances de gagner... L'arrivée de la gauche au pouvoir serait une catastrophe. Surtout dans la situation économique actuelle". Le meilleur vient après, si j'ose dire. "Il fait avec le Front national ce que François Mitterrand faisait avec le Parti communiste. Bien sûr, il y a toujours dans le baiser de la mort le risque que le cadavre vous refile une mauvaise maladie" (Le Parisien).

Quelle étrange comparaison ! François Mitterrand avait réussi peu ou prou, par une stratégie d'une intelligence diabolique parfois mal comprise, à "liquider" le Parti communiste. Celui-ci demeurerait exsangue si Jean-Luc Mélenchon avec le Front de gauche ne lui avait pas fait du bouche à bouche, en lui insufflant des forces qui venaient d'ailleurs. Nicolas Sarkozy, en 2007, avait en effet asséché le FN parce qu'il avait su mêler dans sa campagne, paradoxalement, autorité, fermeté mais aussi morale publique et humanisme. En 2012, le procédé a fait long feu. Loin d'étouffer le FN, la démarche du candidat Sarkozy, fondée sur un extrémisme cynique et utilitaire, trop ostensible pour apparaître comme une conviction, redonne du lustre au FN qui, quel que soit le résultat du premier tour, sera plus vigoureux que jamais. "La mauvaise maladie" qu'évoque Frédéric Mitterrand, elle ne sera pas "refilée" par le FN mais elle aura été spontanément créée par une certaine droite dans un bouillon de démagogie et d'indécence.

Frédéric Mitterrand s'en lave les mains, l'esprit, le coeur et, pour finir, cherche l'apitoiement à gauche en présumant qu'on lui rendra "la vie difficile" si François Hollande était élu. Ces contorsions, cette analyse qui ne cherche qu'à légitimer l'occupation d'un poste et la vacuité de l'exercice me semblent vraiment médiocres.

Quand un tel ministre se risque aux pronostics et croit servir le Prince en prévoyant une "catastrophe" si l'adversaire l'emportait, on est rassuré : il ne peut pas avoir raison.


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