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Juste quelques minutes à France Inter...

Justice au singulier - philippe.bilger, 20/01/2012

Ces quelques minutes à France Inter valaient la peine d'être dites. Pourtant, c'était presque rien.

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C'est presque rien. De la bonne conscience à pincées. Caroline Fourest et son billet. Patrick Cohen, Thomas Legrand. Dominique de Villepin est l'invité. François Morel, à la fin, offre un esprit qui permet de rire sans honte ni vague sentiment d'injustice, d'inéquité.

C'est presque rien. Juste quelques minutes à France Inter où on fait référence au fameux croc de boucher mais où on adore, à sa manière, les crocs de boucher suaves, enrobés, partiaux.

C'est presque rien. Caroline Fourest qui attaque - devinez qui ou quoi ! - le FN et Marine Le Pen parce que l'un et l'autre seraient des procéduriers et assigneraient sans mesure, protesteraient sans cesse alors qu'à l'évidence ils seraient traités comme les autres, ce qui précisément est totalement faux. Elle regrette que Marine Le Pen fasse appel à la justice contre Laurent Ruquier et contre elle-même, même si son livre, paraît-il, est plein d'inexactitudes et d'approximations, s'insurge contre Jean-Luc Mélenchon et Anne-Sophie Lapix célébrée parce qu'elle n'a accompli, avec plus de pugnacité que d'habitude, que son métier. 

Autrement dit, offensée à tort ou à raison, de manière scatologique ou non, Marine Le Pen se voit dépouillée du droit de se défendre en vertu de cette affirmation biaisée selon laquelle elle serait soumise au traitement ordinaire des personnalités politiques. Pour qui de bonne foi examine le paysage médiatique, force est d'admettre que cette assertion est une absurdité. Ce n'est pas parce que Marine Le Pen sait riposter qu'elle doit être naturellement privée de la liberté de ne pas tendre l'autre joue. Comme une guerre avec un adversaire impuissant et sans troupes serait merveilleuse !

On retrouve là ce qui, pour certains, fait le charme intellectuel de Caroline Fourest - une subtile et persévérante mauvaise foi légitimée par le progressisme idéologique - et pour moi me la rend insupportable dans ses interventions : il y a toujours quelque chose d'inéquitable et d'injuste. Et d'applaudi par les médias.

A l'écoute de Caroline Fourest, on sentait, on entendait l'adhésion de Patrick Cohen qui pourtant, quelques secondes après répondait aigrement à un auditeur, à la place de Dominique de Villepin, parce qu'il avait osé mettre en doute la qualité et l'indépendance de France Inter. Ainsi à peine Marine Le Pen fustigée pour ne pas savoir admettre les critiques, la même attitude était adoptée par Patrick Cohen et, à mon sens, aussi légitimement que par elle.

Je continue à apprécier ce journaliste incisif et informé. Une vivacité est quotidiennement offerte aux auditeurs même si - c'est un voeu pieux, j'en ai conscience - je rêverais qu'il sorte un peu de ce corporatisme implicite ou explicite qui le conduit, par une sorte de solidarité facile, à approuver tout ce qui émane de son environnement médiatique. C'est France Inter adorant tout ce qui relève de France Inter et de cette bonne conscience jamais questionnée, à la longue lassante.

Surtout, cet animateur remarquable ayant favorisé un faîte d'audience me semble très caractérisque d'un écartèlement propre au journalisme politique français. Partagé entre le souci d'une pratique professionnelle honnête, compétente et pugnace d'un côté, le culte d'une sensibilité de gauche indispensable et la dénonciation constante d'un fascisme fantasmé de l'autre. Ce tiraillement donne souvent aux journalistes de notre pays cette allure de guingois, cette objectivité tordue, cette subjectivité sans fond véritable. Une rectitude de travers.

Peut-être Patrick Cohen m'en voudra-t-il si on lui signale ce billet. J'espère que non parce qu'il est des réserves qui signifient plus, et plus d'adhésion, que beaucoup de soutiens mécaniques. Rien ne me semble plus important que d'autopsier, dans la vie médiatique, ces rares moments emblématiques de vertus fortes et de dysfonctionnements évidents. Pourquoi se tait-on en général ? Parce qu'on a peur de ne plus être invité, jamais.  C'est l'avantage paradoxal des blogs que de permettre l'expression d'une vérité, qui n'est pas gênée par des lâchetés banales ou de possibles opportunités à ménager.

Ces quelques minutes à France Inter valaient la peine d'être dites. Pourtant, c'était presque rien.

 


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