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Le référé-liberté, un feu de bois, un feu de joie…

Actualités du droit - Gilles Devers, 7/10/2013

Un petit coup de frais ce matin nous rappelle qu’on se rapproche de la...

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Un petit coup de frais ce matin nous rappelle qu’on se rapproche de la saison froide. Pour les sans-abris, c’est une nouvelle phase de galère en perspective, mais la jurisprudence a sympathiquement évolué, et elle offre un cadre prometteur pour se réchauffer autour d’un référé-liberté (Code de Justice Administrative, art. L. 521-2), la nouvelle forme suave du feu de bois de l’auvergnat chanté par Georges Brassens…

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Elle est à toi, cette chanson,

Toi, l'Auvergnat qui, sans façon,

M'as donné quatre bouts de bois

Quand, dans ma vie, il faisait froid,

Toi qui m'as donné du feu quand

Les croquantes et les croquants,

Tous les gens bien intentionnés,

M'avaient fermé la porte au nez…

Ce n'était rien qu'un feu de bois,

Mais il m'avait chauffé le corps,

Et dans mon âme il brûle encor’

A la manièr' d'un feu de joi’.

http://www.ina.fr/video/I00014848

Ça fait longtemps que le législateur tourne autour du pot du logement des personnes en difficultés économiques et sociales.

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La première étape avait été la loi relative au droit au logement opposable, votée à l’initiative du brillant Parti socialiste... Euh non, c’était de la fin de la période Chirac, avec la loi du 5 mars 2007. La loi prévoyait un processus, mais ça restait verbeux, et le Conseil d’Etat en avait tiré les conséquences en indiquant, qu’ainsi défini, le droit au logement était un objectif à valeur constitutionnelle mais pas une liberté fondamentale ouvrant droit au très efficace référé-liberté (CE 3 mai 2002, n° 245697 ; CE, 23 mars 2009, n° 325884).

La seconde étape a été votée à l’initiative du brillant Parti socialiste... Euh non, c’était le début de la période Sarko, avec la loi du n° 2009-323 du 25 mars 2009, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite « loi  MOLLE ».

Dans chaque département, est mis en place, sous l’autorité du préfet, un dispositif de veille sociale chargé d’accueillir les personnes sans abri ou en détresse (Code de l’action sociale et des familles, article L. 345-2). En continuation, l’article L. 345-2-2 pose pour principe que toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence. Là, tu commences à me parler :

« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence.

« Cet hébergement d'urgence doit lui permettre, dans des conditions d'accueil conformes à la dignité de la personne humaine, de bénéficier de prestations assurant le gîte, le couvert et l'hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d'hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs et d'être orientée vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l'aide justifiée par son état, notamment un centre d'hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins santé ou un service hospitalier ».

Ça, c’est la loi, et maintenant il faut en faire du droit... On retrouve alors notre grand ami le référé-liberté ainsi interprété par le Conseil d’Etat (16 novembre 2011, n° 353172) :169_001.jpg

« Lorsque l'action ou la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence ».

Alors, si le droit au logement n’est pas une liberté fondamentale, peut-être l’hébergement d’urgence l’est-il ? Bingo, a répondu le bon et brave Conseil d’Etat dans un arrêt du 10 février 2013 (n° 356456) : « Il appartient aux autorités de l’Etat de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique et sociale ».

Donc, il faut une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette tâche par l’Etat, entraînant des conséquences graves pour la personne intéressée, en fonction « de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne ».  Magnifique et somptueux. 

La procédure est étroitement liée aux constations des médecins, et le mal-logement peut justifier l’intervention du juge des référés dans la mesure où est établi un impact grave sur la santé, la compétence ressortant alors sous l’angle du droit à la vie (Conseil d’Etat,16 novembre 2011, 353172 et 353173, publié, avec pour appui la jurisprudence européenne : CEDH, GC, 30 novembre 2004, Oneryildiz, n° 48939/99 ;  CEDH, 9 mai 2006, Pereira Henriques, n° 60255/00 ; CEDH, G.C. 24 mars 2011, Giuliani et Gaggio, Req. no 23458/02).

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