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La culture, une plaisanterie ?

Justice au Singulier - philippe.bilger, 30/09/2015

Un ministre de la culture n'a donc pas besoin de la culture du ministre..

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Le Conseil d'Etat vient heureusement de confirmer l'interdiction aux moins de 18 ans du film "Love" de Gaspar Noé malgré le recours incongru présenté par la ministre de la Culture et de la Communication - mon billet, sur ce sujet : De l'art ou du cochon ?, en date du 8 août 2015 - et celle-ci va défendre à l'Assemblée nationale un projet de loi "Liberté de création", alors que "des attaques répétées contre des oeuvres d'art" se sont produites (Le Monde) et qu'elle-même déclare "qu'il y a une collision entre ce texte et les atteintes exprimées contre des oeuvres et leurs auteurs".

Son article premier édicte que "la création artistique est libre" et la ministre le souhaiterait aussi emblématique que l'article premier de la loi de 1881 sur la presse : "L'imprimerie et la librairie sont libres".

Il est difficile, en matière intellectuelle ou artistique, de s'opposer à une telle pétition de principe mais précisément les scandales qui ont été suscités ces derniers mois par certaines expositions, des provocations diverses, des incongruités contestables et des modernités discutables - dégradées par des indignés qui auraient dû se retenir - autorisent un questionnement non pas sur l'exigence de liberté mais sur la définition de la création et la qualification d'artistique.

Il suffit de se souvenir, par exemple, du "plug anal" sur la place Vendôme il y a plusieurs mois et du "vagin de la reine" au château de Versailles.

Qui oserait, sinon par un acte de foi en l'obligatoire vertu esthétique de n'importe quel geste, dessein ou élaboration, soutenir que ces extériorisations méritaient d'emblée d'être reconnues pour des "créations" et étiquetées sous le pavillon noble de l'art ?

Certes imposer une sélection avant de décréter une oeuvre admissible ou non, acceptable ou non, belle ou non relèverait d'un totalitarisme aux antipodes de notre conception d'aujourd'hui qui répudie l'élitisme et n'est pas loin de considérer, au nom du "tout se vaut", que l'informe n'est pas inférieur à la forme et la banalité la plus plate à l'éclat du génie.

Il n'empêche que l'Assemblée nationale devra sérieusement se pencher sur cet article premier et tenter de faire un partage entre les faussaires et les artistes. L'erreur fondamentale à mon sens est de postuler que l'art se trouve à la source, par une sorte de présomption favorable s'attachant à n'importe quoi, alors qu'il devrait légitimer ce que le temps et le consensus ont consacré.

Il y a une manière de traiter la culture qui est un simulacre. On joue à révérer et à applaudir le pire mais, derrière, on n'en pense pas moins. Et, d'abord, le pouvoir qui a pourtant le mot de culture plein la bouche !

Dans la plongée d'Yves Jeuland sur quelques mois à l'Elysée, il y a un passage à la fois drôle et dévastateur. Le président et le Premier ministre conseillent, sur un mode désinvolte, à Fleur Pellerin qui a été nommée ministre de la Culture et s'inquiète, d'aller consulter Jack Lang.

Elle démontrera qu'elle n'avait pas tort de n'être pas sûre d'elle. Les livres de Modiano lui demeureront étrangers et elle fera visiter son bureau comme si elle ne connaissait rien de ce qui le peuplait, ouvrages et objets.

Après l'incitation à aller prendre des lumières auprès de Jack Lang, François Hollande et Manuel Valls suggèrent à Fleur Pellerin d'aller chaque soir au spectacle, de sortir beaucoup, de dire du bien de tout ce à quoi elle assisterait et, au fond, de flatter une clientèle traditionnellement attachée à la gauche en jouant la comédie.

Derrière ces échanges à coeur ouvert, ce pouvoir révèle la culture pour ce qu'elle est : une plaisanterie qui sert à duper et à éblouir.

Elle est bonne pour les gogos mais lui-même ne tombe pas dans le panneau.

Un ministre de la Culture n'a donc pas besoin de la culture du ministre.


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