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La Grèce pour les nuls !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 1/07/2015

Maintenant, c'est la Grèce pour les nuls. Si certains veulent me rejoindre, qu'ils n'hésitent pas.

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J'envie les sûrs d'eux, les péremptoires, les sommaires, ceux qui savent, ceux qui prétendent savoir, ceux qui disent ce qu'il aurait fallu faire, ce qu'il n'aurait pas fallu faire, les experts, les économistes patentés, les responsables européens, les créanciers, les partisans et les adversaires, les connaisseurs de la crise grecque, les déchiffreurs de la réalité grecque, les contempteurs du pouvoir grec, les soutiens d'Alexis Tsipras.

J'envie ceux qui ont pu prendre un parti et s'y tenir au sujet de la Grèce face à l'Europe, de l'Europe confrontée aux dirigeants grecs, de ce que la Grèce était prête à accepter et de ce qu'on avait le front de lui imposer, de son défaut de paiement et du recours au référendum, de l'Europe appelant les citoyens grecs à voter oui et de leur gouvernement solidaire avec son Premier ministre les incitant à refuser, à choisir le non (Le Figaro, Le Monde, Le Point.fr).

Et, peut-être, encore une proposition de dernière minute pour nous embrouiller encore davantage et la Grèce qui demande un nouveau plan d'aide à la zone euro mais il est refusé...

Franchement je baisse pavillon.

J'avoue, à ma grande honte, que je suis en dessous de tout et que j'ai beau lire, écouter, m'imprégner des multiples opinions contradictoires, rien n'est susceptible de me donner une lumière décisive.

Pour moi l'ignorant, qui suis incapable de trancher avec toute la confiance qu'il convient d'afficher précisément parce qu'on est éloigné de la quotidienneté brûlante qui angoisse ce superbe pays, c'est véritablement la Grèce pour les nuls.

A peine suis-je enthousiasmé par l'initiative de ce référendum, le recours au peuple m'étant d'autant plus apparu comme une démarche forte et courageuse que la France, sous toutes ses latitudes politiques, la refuse obstinément, qu'on vient me désillusionner en insinuant que c'est une manière pour Alexis Tsipras de fuir ses responsabilités et de laisser les citoyens trancher ce qu'il n'est plus capable de maîtriser. Dépassé par les événements, faites un référendum !

Quand j'ai l'impression que Tsipras abuse, exagère, cajolant Angela Merkel, donnant ostensiblement l'accolade à Jean-Claude Juncker, pour s'attirer les bonnes grâces et des facilités financières de ces gens sérieux et responsables, de cet aréopage impressionnant, intimidant, comme par compensation je me nourris des avis de DSK et de Stiglitz considérant qu'on a étranglé la Grèce et qu'il aurait fallu lui remettre au moins une partie de sa dette au lieu de l'accabler.

Si, par un souci de validité européenne, je me prends à justifier l'attitude des puissants à l'égard de ces trublions furieux parce qu'ils croyaient qu'il leur suffirait d'être élus et de promettre la lune pour gagner, immédiatement me saisit une sorte de sympathie pour ces petits en face des gros, de ces contestataires réduits à l'absence de cravate et qui sont venus docilement quémander, argumenter et se justifier.

Qu'on ne vienne pas soutenir qu'il est si simple ce mystère grec et qu'elle est si limpide cette crise qui déboussole la Grèce en même temps que ceux qui sont bien imprudents de nous assurer qu'un Grexit évidemment n'affectera pas nos pays, François Hollande, avec son optimisme à proportion de ce qui lui échappe, nous l'ayant certifié.

Je ne sais pas. Dans cet entrelacs compliqué, où donner de l'affirmation, où de la méfiance, où du doute ? Où de la condamnation, où de la mansuétude ?

Le pouvoir grec est-il à honnir s'il rend l'Europe orpheline de lui ou l'Europe est-elle stupide ou cynique pour avoir tout fait pour qu'il parte avec un non qui peut-être brûlera ses vaisseaux ?

J'envie les tonitruants, les adeptes du il n'y a qu'à, les procureurs tout d'une pièce ou les avocats absolus. J'en ai assez de ce monde qui, sur beaucoup de plans, nous complique la tâche et nous interdit de foncer tête et intelligence baissées dans le gouffre.

Maintenant, c'est la Grèce pour les nuls. Si certains veulent me rejoindre, qu'ils n'hésitent pas.


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