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Redif : Merci

Zythom - Zythom MEM, 2/08/2015

Dans le cadre des rediffusions estivales, je vous propose ce billet publié en novembre 2010, et qui relate quelques moments d'une collecte pour la banque alimentaire.

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Ce samedi je me trouvais debout à l'entrée d'un petit supermarché en train de distribuer des sacs plastiques. Pour comprendre ce qui m'a arraché à ma grasse matinée sacrée du samedi matin, il faut remonter quelques semaines en arrière. Plus précisément, lors du dernier conseil municipal.

Lors du compte rendu de l'adjoint en charge de la commission sociale, appel est fait aux conseillers municipaux de participer à la collecte de la banque alimentaire, la bien nommée BA. L'adjoint nous rappelle l'importance de cette collecte et que si tout le monde participe, chacun n'aura à consacrer qu'une petite partie de son week-end. Me voici donc inscrit sur le registre pour le créneau du samedi 10h30-12h.

Poli comme un miroir astronomique, j'arrive sur place à 10h25. J'y retrouve l'équipe précédente que je dois relever. Ils me passent les consignes, j'enfile un superbe gilet de signalisation couleur rouge fluo marqué en grosse lettre (dans le dos) "Banque alimentaire", je serre la main de mon acolyte qui vient juste d'arriver, et nous voilà tous les deux à accueillir les clients de ce petit supermarché discount.

Il paraît que ce supermarché discount est fréquenté par les personnes les plus modestes. En fait, pendant une heure et demi, je vais voir défiler toutes les catégories de personnes de la société française:

Il y a les souriantes: les personnes qui vous renvoient votre sourire franchement. Elles s'arrêtent pour prendre le sac plastique que vous leur tendez et vous écoutent dire "c'est pour la banque alimentaire". Elles hochent la tête et vous glissent un petit mot gentil: "je n'ai pas beaucoup d'argent, mais je donne toujours", "je vais donner du chocolat et des bonbons, parce que vous savez, les plus démunis ont besoin aussi de friandises", "Je suis au RSA, mais je vais donner quand même". Merci. Merci. Merci.

Il y a les stressées: elles nous ont repéré de loin (grâce à nos gilets rouges fluos) et ne s'arrêtent pas à notre hauteur, sauf après nous avoir entendu dire "c'est pour la banque alimentaire". Là, elles marquent un temps d'arrêt, se tournent vers nous et grommèlent quelque chose comme "ah oui, c'est bien". Merci . Merci. Merci.

Il y a les jeunes: ils/elles nous regardent avec une interrogation dans les yeux "keskecé?". Nous leur expliquons rapidement que nous collectons des aliments non périssables pour les plus démunis et que s'ils souhaitent donner quelque chose, ils peuvent nous le remettre après la caisse dans ce sac plastique. Je ne suis pas sur qu'ils comprennent toujours car j'ai eu droit à un "mais qui c'est qui paye alors?"... Merci. Merci. Merci.

Il y a les vieux: ceux qui viennent faire leurs courses le samedi avec la foule parce qu'ils sont seuls le reste de la semaine. En général, ils s'arrêtent et discutent avec nous. Ils nous racontent une tranche de vie que l'on écoute en silence. Merci. Merci. Merci.

Il y a les fatigués de la vie, les blessés de l'âme, les corps malades: Ils avancent doucement avec leurs sacs à la main car ils n'ont pas de pièce pour le caddy. Ils prennent toujours un sac en plastique qu'ils rendront toujours avec quelques choses dedans. Même si parfois on voudrait qu'il le garde pour eux. Merci. Merci. Merci.

Il y a cette personne qui m'a dit avoir dormi dans la rue pendant plusieurs années et qui m'a demandé plusieurs sacs plastiques. Elle nous a donné plus que ce qu'elle a emporté. Merci. Merci. Merci.

Il y a tout ceux qui se sont excusés car ils avaient déjà donné la veille, dans le magasin concurrent, à l'école. Merci. Merci. Merci.

Et il y a ceux qui ne nous voient pas: leur regard glisse sur nous et ils n'entendent pas notre "c'est pour la banque alimentaire". Ils n'écoutent plus le reste du monde. Ils ont le regard absent des parisiens devant le mendiant qui tend la main. Indifférents.

Il y a eu une seule personne aigrie ce matin là: elle s'est arrêté devant moi et m'a regardé droit dans les yeux. "J'ai une mère paralysée. Personne ne m'a aidé, alors je ne donne rien". Je n'ai rien su répondre, mais j'ai immédiatement pensé à Carmen Cru.

Pendant une heure et demi, j'ai vu défiler beaucoup de monde: des chômeurs, des avocats, des ouvriers, des noirs, des blancs, des jeunes, des vieux, des couples, des familles nombreuses... Beaucoup de parents nous envoyaient leur enfant avec le sac plastique contenant leurs dons. A leur regard timide, nous avons offert nos plus beaux sourires.

Merci. Merci. Merci.




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