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Etat d’urgence : Les charmes et délices de l’Etat policier

Actualités du droit - Gilles Devers, 9/12/2015

A priori, l’état d’urgence, c’est du sérieux : comme c’est chaud –...

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A priori, l’état d’urgence, c’est du sérieux : comme c’est chaud – péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre publicon ne finasse plus avec les libertés, c’est la police qui tient les rênes, et fermement. Et on va voir ce qu’on va voir…

Pour le moment, on ne voit pas grand-chose, car peu d’informations de synthèse remontent. Vous pouvez faire vous-même la différence avec les enquêtes judiciaires, et le procureur de la République qui tient alors des conférences de presse régulières.

Je pose aussi clairement la question : en quoi l’état d’urgence permet-il effectivement de lutter contre le péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ? D’ailleurs, quelles informations permettent d’affirmer que nous sommes toujours en phase de « péril imminent » ? Objectivement, je ne suis en rien convaincu, alors que les services de police et de justice contrôlent l’ensemble du territoire, avec de grandes avancées dans l’enquête, et avec tout ce que permettent trente ans de la législation antiterroriste et les fumeuses lois du 13 novembre 2004 sur le terrorisme et du 24 juillet 2015 sur le renseignement. Nous n’avons jamais eu un seul argument du gouvernement pour nous expliquer que ce cadre législatif est inopérant au point de passer aux méthodes de l’état d’urgence, avec suspension de l’application de la Convention européenne des droits de l’homme sur tous les points sensibles.

Sur un plan fondamental, nous savons que l’état d’urgence, qui est une forme de police administrative centrée sur la prévention pour le maintien de l’ordre public, peut contrarier les buts de la police judiciaire, qui prend le temps des enquêtes cherchent à remonter des filières.

Bon, ce serait donc très bien que, dans une démocratie, nous ayons des informations publiques permettant d’apprécier comment agissent les pouvoirs publics et comment sont défendus nos droits de citoyens. Manifestement, nous sommes trop crétins pour savoir. On n’en reparlera dans le temps venu, car finalement nous aurons un jour ou l’autre ces informations.

Dans l’immédiat, s’en remet aux informations qui filtrent dans la presse, et je ne peux que vous recommander le blog « Vu de l’intérieur – Observatoire de l’état d’urgence », tenu par Le Monde.

Voici un témoignage, un de plus, de l’aberration et de l’inefficacité. Consternant, un de plus. Je vous laisse lire avec juste cette précision que l’arrêté d’assignation à résidence était ouvertement illégal, a été modifié à quelques heures de l’audience de référé-liberté devant le tribunal administratif, mais en revanche nous ne savons pas encore quelle a été la décision du juge des référés. A suivre donc.

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Etat d’urgence : un assigné en garde à vue pour avoir assisté à son référé-liberté

Laurent Borredon

Vouloir assister à son audience devant le tribunal administratif peut valoir une garde à vue… C'est ce qu'a appris G., mardi 8 décembre. Nous l'avions surnommé "l'assigné mobile" dans un post précédent : habitant de Montrouge (Hauts-de-Seine), il devait traverser la capitale quatre fois par jour (8 heures, 11 heures, 14 heures, 18 heures)… pour aller pointer au commissariat du 18e arrondissement de Paris, sans que rien n'explique ce choix géographique inattendu. 6 heures de transport par jour. Absurde et manifestement illégal : la loi du 20 novembre sur l'état d'urgence prévoit trois pointages maximum.

Mardi 8 décembre, l'arrêté de l'assigné mobile a donc été modifié, avec trois visites au commissariat à 8 heures, 14 heures et 18 heures. Ça tombait bien, puisque l'audience de son recours en référé-liberté contre l'assignation était prévue à 11 h 30 au tribunal administratif de… Cergy-Pontoise (Val-d'Oise), qui est la juridiction compétente pour les Hauts-de-Seine, mais qui est située à plus d'une heure de transport en commun de Montrouge comme du 18e arrondissement (il faut suivre). Son avocate, Me Marie Dosé, avait prévenu la préfecture des Hauts-de-Seine de son déplacement.

Mais c'était sans compter avec les transports en commun franciliens. L'audience s'est finalement tenue à 12 h 30, pour se finir à 13 h 15. Un peu juste pour être à l'heure au commissariat. Son avocat le prend alors dans sa voiture, et tente l'impossible : Cergy-18e arrondissement en moins de 45 minutes. En vain : G. se présente au commissariat à 14 h 40, et il est immédiatement placé en garde à vue pour non-respect de son assignation à résidence, malgré les explications de son avocat. A 21 heures, il y était toujours. "Pour vérifications", explique-t-on au parquet de Paris. L'odyssée judiciaro-administrative de G. n'est pas finie…


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