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Il ne faut pas le faire Vallser !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 12/05/2017

Je n'oublie pas que la classe politique est trop pauvre pour pouvoir se priver de lui. Il ne faut pas le faire Vallser et j'espère que le président Macron saura qu'il y a des bienveillances nécessaires qui offensent au moins autant qu'elles rassurent.

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J'avoue cette faiblesse : être plus sensible à l'irradiation des êtres qu'à l'abstraction des idées, à la force des rapports humains qu'aux rapports de force politiques.

On comprendra alors qu'en correspondance directe avec ma sympathie pour la personnalité de notre nouveau président, je sois tenté de défendre Manuel Valls et en tout cas de déplorer ce qui est apparu, dans un premier temps, comme un jeu d'indifférence, voire de mépris à son encontre.

Il n'était pas scandaleux qu'il sollicite l'investiture de la République En Marche (REM) même si initialement il semble ne pas s'être plié au processus commun. Son cas heureusement traité par le président lui-même (L'Express) a abouti à une synthèse dont il convient de saluer l'habileté politicienne. Il n'aura donc pas l'investiture de REM mais cette dernière ne présentera pas de candidat contre lui. Manuel Valls a salué cette délicatesse républicaine après avoir d'abord réagi en qualifiant Emmanuel Macron de "méchant" et de "sans limites".

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D'autres, à droite, bénéficieront d'une telle faveur (Le Figaro) : notamment Edouard Philippe (le futur Premier ministre ?), Gilles Boyer, Thierry Solère et Bruno Le Maire (il aurait été dommage que son offre de service tombe totalement à plat !).

Le désir d'adhésion exprimé par MV n'était guère choquant à considérer cette multitude de socialistes ou autres qui vont clairement à la soupe. Il est piquant de relever, par exemple, les appétences très prosaïques - redevenir ministre des Affaires étrangères - d'un Dominique de Villepin, laudateur sur le tard, dont la flamboyance à l'évidence a des ratés.

Pourtant la droite résiste, dans l'attente peut-être de la divine surprise d'un Premier ministre choisi dans son camp. Pour amadouer ou étouffer celui-ci ? Le président de la République, avant et depuis son élection, a en effet montré qu'il n'est pas maladroit dans la tactique et que la séduction rouée fait partie de ses atouts.

Par rapport à cette débandade clientéliste, le sort de Manuel Valls méritait en effet d'être traité avec mesure et justice. La décision de REM à son sujet va-t-elle lui permettre, s'il le désire, de se maintenir au sein du PS qui, annoncé mort assez régulièrement, a cependant par intermittences quelques soubresauts de vie ?

Ceux-ci vont-ils continuer à réclamer l'exclusion de l'ancien Premier ministre ? Il y aurait de la volupté pour certains à obliger Manuel Valls à tirer les conséquences de son hostilité à l'égard du PS et de son incapacité à se situer utilement dans la nouvelle configuration politique initiée par l'élection d'Emmanuel Macron. Autrement dit, le PS l'exclurait avec plaisir. Vous n'avez jamais vraiment voulu de nous, on ne veut plus de vous à notre tour ! Sur de telles susceptibilités, les complicités ou les fractures se créent.

Jean-Christophe Cambadélis a déclaré : "Valls va être confronté à un problème très simple : il veut aller dans La République en marche... qui ne le veut pas. Donc, à la fin, il va se retrouver sans soutien".

Heureusement le pire n'est pas toujours sûr et on ne l'a pas privé de toute chance. Le contraire aurait été saumâtre quand on nous annonce que ses adversaires vont ici ou là constituer des mouvements, par exemple aussi attractifs que celui réunissant Anne Hidalgo, Martine Aubry et Christiane Taubira. De quoi nous faire entonner un péan en l'honneur de MV !

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Je n'oublie pas son volontarisme toujours courroucé, son caractère si ombrageux mais je ne détestais pas sa fierté trop facilement blessée.

Je n'oublie pas que lors de la primaire de la gauche qui a permis la victoire de François Hollande, il a vaillamment soutenu la cause d'une authentique social-démocratie et qu'il n'a jamais eu peur d'affirmer et d'afficher cette identité au sein d'idéologues et de dogmatiques même pas guéris du marxisme.

Je n'oublie pas qu'il a tenté - et ce n'était pas un mince exploit - d'abord comme ministre de l'Intérieur puis comme Premier ministre de sauvegarder autant qu'il pouvait l'autorité de l'Etat, les exigences de la sécurité et la fermeté de la Justice. Je considère que ses désaccords avec Christiane Taubira n'étaient pas loin d'un titre de gloire qui aurait dû montrer le chemin clairvoyant à François Hollande.

Je n'oublie qu'il a favorisé l'ascension d'Emmanuel Macron, qu'il a insisté pour qu'il devienne ministre et je peux comprendre, sans l'approuver, la sourde hostilité qu'il a éprouvée face à ce rival qui osait venir sur son terrain et qui en plus était meilleur que lui. Au moins MV n'a-t-il jamais pris EM pour une bulle, une créature médiatique. Ce qu'il lui a fait subir comme Premier ministre, subtilement ou ostensiblement, montrait au moins qu'il ne sous-estimait pas le talent ni la menace. Et qu'il avait eu raison.

Je n'oublie pas sa puissance de travail et de dévouement, son énergie, ses combats contre les Frondeurs, l'obligation qui a été la sienne de se défier de presque tous, entre un Président de la République qui parlait trop aux journalistes, un gouvernement qui ne l'aimait pas et des Français qui ne le comprenaient plus.

Je n'oublie pas que, s'il a persuadé François Hollande de ne pas se représenter, il a eu raison.

Je n'oublie pas qu'il a avalé trop de couleuvres avec résignation ou avec superbe pour qu'on puisse le traiter comme n'importe qui.

Loin de moi d'avoir tout aimé chez lui. L'affaire Dieudonné me reste en travers de la gorge et son soutien inconditionnel à Israël m'a toujours énervé mais qu'importe !

Je n'oublie pas qu'il m'a fait rêver à une gauche pragmatique et presque désirable.

Je n'oublie pas qu'il a été un précurseur et que sous lui perçait déjà peut-être déjà Emmanuel Macron.

Je n'oublie pas que la classe politique est trop pauvre pour pouvoir se priver de lui.

Il ne faut pas le faire Vallser et j'espère que le président Macron saura qu'il y a des bienveillances nécessaires qui offensent au moins autant qu'elles rassurent.


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