Actions sur le document

La candidature d’une personne publique à l’attribution d’un contrat de commande publique : le Conseil d’Etat précise l’office du juge.

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Marc Sénac de Monsembernard, 21/11/2019

Une personne publique peut se porter candidate à l’attribution d’un contrat de la commande publique, que ce soit un marché public ou une concession (CE 16 octobre 2000, Compagnie méditerranéenne d'exploitation des services d'eau, req. n° 212054, Lebon ; CE, avis, 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants, req. n° 222208, p. 492. Cette possibilité est toutefois doublement encadrée, au regard, d’une part, de la mission de la personne publique et, d’autre part, de ses conditions d’intervention sur le marché.

Le juge exerce donc sur la candidature d’une personne publique un contrôle à double détente.

Dans un premier temps, il contrôle que la mission de la personne publique ne constitue pas un obstacle à la possibilité pour elle de se porter candidate à l’attribution d’un contrat de commande publique.

Le Conseil a d’abord jugé que la légalité de la candidature d’une collectivité territoriale n’était pas subordonnée à l’existence d’un intérêt public dès lors qu'il ne s'agissait pas de la prise en charge par cette collectivité d'une activité économique mais uniquement de la candidature, dans le respect des règles de la concurrence, d'un de ses services à un contrat public (CE, 10 juillet 2009, Département de l'Aisne, n° 324156, T. pp. 829-841. Il a par la suite infléchi et clarifié sa position en subordonnant la candidature d’une collectivité territoriale à l’existence d’un intérêt public local. Cette exigence ne limite toutefois pas trop strictement la capacité des collectivités territoriales à se porter candidates à l’attribution d’un contrat public puisque cet intérêt est admis lorsque la candidature de la collectivité constitue le prolongement d’une mission de service public dont elle a la charge, en ce qu’elle permet d’amortir ses équipements (CE, Assemblée, 20 décembre 2014, Société Armor SNC, req. n° 355563, p. 433 ; CE, 14 juin 2019, Société Vinci construction maritime et fluvial, req. n° 411444, Lebon. L’appréciation de l’amortissement n’est pas comptable, mais doit traduire l’intérêt qui s’attache à l’augmentation du taux d’utilisation des équipements de la collectivité, dès lors que ces derniers ne sont pas surdimensionnés par rapport à ses propres besoins (ibid.). En revanche, la candidature d’un établissement public local à un contrat de concession n’est pas soumise à la condition de l’existence d’un intérêt public local (CE, 18 septembre 2019, Communauté de communes de l’Ile-Rousse-Balagne et Office d’équipement hydraulique de la Corse, req. n° 430368, Lebon. La candidature d'un établissement public, par ailleurs, ne doit pas méconnaître le principe de spécialité auquel il est tenu et qui l’autorise à se porter candidat à un marché dont l'objet constitue un complément normal de sa mission statutaire (CE, 18 septembre 2015, Association de gestion du conservatoire national des arts et métiers des pays de la Loire et autres, n° 390041, T. pp. 757-800 ; sur le principe de spécialité, cf. CE, Section des travaux publics, avis, 7 juillet 1994, n° 356089.

Une fois cette première étape franchie, le juge contrôle ensuite que la candidature de la personne publique ne trouble pas la concurrence. Elle est en effet soumise au respect tant du principe d’égalité d’accès à la commande publique qu’au principe de liberté de la concurrence. Le prix proposé doit donc être déterminé en prenant en compte l'ensemble des coûts directs et indirects concourant à la formation du prix de la prestation. En outre, la personne publique ne doit pas avoir bénéficié, pour déterminer le prix qu'elle a proposé, d'un avantage découlant des ressources ou des moyens qui lui sont attribués au titre de sa mission de service public. Elle doit être en mesure de justifier du respect des règles encadrant la formation du prix. De ce point de vue, le Conseil estime que les régimes fiscal et social des établissements publics administratifs ne sont pas de nature à fausser les conditions dans lesquelles s'exerce la concurrence. En particulier, les différences qui existent en ce qui concerne le droit du travail et de la sécurité sociale entre les agents publics et les salariés de droit privé n'ont ni pour objet, ni pour effet, de placer les établissements publics administratifs dans une situation nécessairement plus avantageuse que celle dans laquelle se trouvent les entreprises privées (CE 16 octobre 2000, Compagnie méditerranéenne d'exploitation des services d'eau, req. n° 212054, Lebon; CE, Assemblée, 20 décembre 2014, Société Armor SNC, req. n° 355563, p. 433 ; CE, 14 juin 2019, Société Vinci construction maritime et fluvial, req. n° 411444, Lebon ; CE, 18 septembre 2019, Communauté de communes de l’Ile-Rousse-Balagne et Office d’équipement hydraulique de la Corse, req. n° 430368, Lebon. Ces règles n’interdisent pas les coopérations que les personnes publiques peuvent organiser entre elles, dans le cadre de relations distinctes de celles d’opérateurs intervenant sur un marché concurrentiel (CE, 14 juin 2019, Société Vinci construction maritime et fluvial, req. n° 411444, Lebon.).

L’appréciation portée sur le prix proposé par la personne publique candidate fait l’objet d’un contrôle du juge qui, saisi par un tiers d’un recours en contestation de validité du contrat, doit s’assurer que le pouvoir adjudicateur ne s’est pas fondé, pour retenir l’offre de la personne publique, sur un prix manifestement sous-estimé au regard de l’ensemble des coûts exposés et au vu des documents communiqués par la personne publique candidate (CE, 14 juin 2019, Société Vinci construction maritime et fluvial, req. n° 411444, Lebon. Le moyen peut également être invoqué devant le juge du référé précontractuel. Il lui incombe, en tout état de cause, de vérifier, s’il est saisi d’un moyen en ce sens, que l'exécution du contrat entre dans le champ de la compétence de la personne publique attributaire et, s'il s'agit d'un établissement public, qu’elle ne méconnaît pas le principe de spécialité (CE, 18 septembre 2015, Association de gestion du conservatoire national des arts et métiers des pays de la Loire et autres, n° 390041, T. pp. 757-800. Le choix de l’offre d’une personne publique qui, faute de prendre en compte l’ensemble des coûts exposés, a faussé les conditions de la concurrence, constituerait un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence (CE, 18 septembre 2019, Communauté de communes de l’Ile-Rousse-Balagne et Office d’équipement hydraulique de la Corse, req. n° 430368, Lebon).


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...