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Applications françaises de l’arrêt « Google Spain » : le juge rappelle que le « droit à l’oubli numérique » n’est pas absolu

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Cécile Fontaine, 29/05/2015

Par un très médiatique arrêt dit « Google Spain » rendu le 13 mai 2014, la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») a reconnu l’existence d’un droit à l’oubli numérique autorisant les personnes physiques à solliciter le déréférencement de pages Internet indexées dans un moteur de recherche sur le fondement de la protection de la vie privée et des données à caractère personnel.
Selon les juges communautaires, la désindexation des données peut être justifiée non seulement « lorsque les données sont inexactes mais, en particulier, [lorsqu’elles] sont inadéquates, non pertinentes ou excessives au regard des finalités du traitement, qu’elles ne sont pas mises à jour ou qu’elles sont conservées pendant une durée excédant celle nécessaire, à moins que leur conservation s’impose à des fins historiques, statistiques ou scientifiques. ».

La CJUE reconnaît que le droit à la protection des données à caractère personnel prévaut, en principe, sur l’intérêt économique de l’exploitant du moteur de recherche mais également sur celui du public à accéder aux informations lors d’une recherche portant sur le nom d’une personne.
Mais la balance peut parfois pencher en faveur du droit à l’information du public s’il apparaît que pour des raisons particulières telles que le rôle joué par ladite personne dans la vie publique, l’ingérence dans ses droits fondamentaux est justifiée par l’intérêt prépondérant du public à avoir accès à l’information en question.

Les juges français ont déjà pu faire application de ces lignes directrices posées par la CJUE dans des décisions ordonnant le déréférencement de pages Internet sur un moteur de recherche.

Dans un jugement du 23 mars 2015, le Tribunal a, cette fois, fait primer le droit à l’information du public sur le droit au déréférencement. Dans cette affaire, un journal en ligne avait publié en avril 2011 un article intitulé « un cavalier accusé de viol » relatant le placement en garde à vue d’un cavalier soupçonné d’être impliqué dans le viol d’une stagiaire. A l’issue de l’instruction en 2014, la mise en accusation de cette personne a été infirmée. Le cavalier a alors sollicité du journal en ligne l’insertion d’un droit de réponse. N’étant pas satisfait de la rédaction du droit de réponse tel que publié par le journal en ligne, le cavalier l’a alors assigné en référé aux fins, notamment, de le voir condamner à déréférencer l’article de son moteur de recherche.

Le Tribunal a refusé de faire droit à cette demande au motif que l’article faisait état de la procédure pénale –enquête et instruction – et répondait ainsi à un intérêt légitime tant en ce que l’information portait sur le fonctionnement de la justice et le traitement des affaires d’atteintes graves aux personnes qu’en ce qu’elle visait une personne exerçant une profession faisant appel au public et encadrant une activité proposée notamment à des enfants.

Cette décision vient confirmer que la balance entre le droit au déréférencement et le droit à l’information du public n’est que fonction des circonstances particulières de chaque espèce empêchant de généraliser l’une ou l’autre des solutions et créant de ce fait une certaine incertitude juridique.

La jurisprudence pourra peut-être dégager des critères d’appréciation plus précis quant à l’équilibre entre ces deux droits. Il faut donc prêter attention aux éventuelles évolutions susceptibles d’éclairer la pratique.

Vendredis de l'IT n°46 du 17 avril 2015


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