Actions sur le document

Procès Hazout: la déposition chirurgicale du professeur Frydman

Chroniques judiciaires - Pascale Robert-Diard, 15/02/2014

Ils ont, à quelques semaines près, le même âge - 70 ans - et la même passion professionnelle les a liés pendant quarante ans. Lorsqu'il s'avance à la barre, un mètre à peine sépare le professeur René Frydman de son … Continuer la lecture

Lire l'article...

Ils ont, à quelques semaines près, le même âge - 70 ans - et la même passion professionnelle les a liés pendant quarante ans. Lorsqu'il s'avance à la barre, un mètre à peine sépare le professeur René Frydman de son ex confrère André Hazout. Mais il y a aujourd'hui entre eux la distance infranchissable entre le héros et le paria, l'autorité et l'opprobre, le témoin et l'accusé devant une cour d'assises.

La déposition du professeur René Frydman au procès du docteur André Hazout, qui comparaît pour viols et agressions sexuelles de cinq de ses anciennes patientes, était très attendue. Les deux hommes se sont connus lorsqu'ils étaient internes en médecine et ont longtemps travaillé ensemble dans le service d'obstétrique de l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine).  En 2006, c'est à son ancien "patron" que le gynécologue, qui avait choisi de poursuivre sa carrière dans le privé, a demandé de lui remettre la Légion d'honneur.  La chronologie est fâcheuse. Quelques mois plus tard, au printemps 2007, André Hazout était interpellé puis mis en examen.

Si René Frydman a pris ses distances avec celui qui revendiquait volontiers son amitié, il s'est cependant gardé de l'accabler. Et il a livré, vendredi 14 février, une déposition chirurgicale, dans laquelle chaque partie - accusation, partie civile, et même défense - peut trouver matière à nourrir sa vision du dossier.

C'est au spécialiste des questions de procréation médicale assistée que le président Hervé Stéphan s'est adressé pour évoquer la relation particulière qui lie la patiente confrontée à des problèmes d'infertilité à son médecin. "Le gynécologue est au coeur de l'intime. Et l'attente est énorme. Il lui faut donc se protéger et protéger les patientes", a observé René Frydman. La première de ces protections "pour empêcher toute possibilité d'interférence" est de s'adresser "à un couple" et non pas à la seule patiente. "Ce doit être une affaire de couple pour le couple et une affaire de couple pour le médecin", a t-il insisté.

Cette relation à trois et non à deux est aussi, selon le professeur Frydman, la meilleure prévention contre le pouvoir ou "l'emprise" susceptible d'être exercée par le praticien sur sa patiente mais aussi contre le risque du "transfert" de la patiente sur son médecin. "A l'une et à l'autre, on doit opposer la déontologie", dit-il.

Elle est d'autant plus nécessaire, a-t-il souligné, que l'infertilité, les questions qu'elle soulève, les traitements qu'elle impose pour la combattre, sont une épreuve qui place les couples "en situation de fragilité". Ce mot de "fragilité", il le préfère à celui de "vulnérabilité" qu'aimeraient lui voir prononcer l'accusation et les parties civiles, car il fonde la circonstance aggravante des viols et agressions sexuelles reprochés au docteur Hazout.

René Frydman se montre tout aussi subtilement équilibré sur l'un des autres arguments avancés par les plaignantes selon lesquelles elles étaient en état de dépendance à l'égard du docteur Hazout, seul à même de leur garantir la poursuite de leur traitement. "C'était le bon Dieu!", avaient déclaré à la barre plusieurs de ses anciennes patientes. "On ne peut pas dire qu'il ait été le seul à avoir des résultats. On peut le raconter, le croire, le faire croire. Mais l'objectivité n'est pas là. Il y avait la possibilité de contacter d'autres équipes. Nous sommes plusieurs 'bon Dieu'", répond-il.  

Ses flèches, le célèbre obstétricien les garde pour le conseil de l'ordre des médecins, qui, depuis le début du procès, fait figure de deuxième accusé. Alerté dans les années 90, sur le comportement du docteur Hazout auquel des patientes reprochaient des "gestes déplacés, des tutoiements", René Frydman avait convoqué son confrère à deux reprises pour lui demander des explications. "André Hazout n'a pas nié les faits mais il les a minimisés. Il les a présentés comme des familiarités. Je lui ai demandé de ne pas recommencer. Pour le reste, je m'en suis remis au conseil de l'ordre puisqu'une plainte avait été déposée. C'est le seul moyen de ne pas être soi-même un justicier, de ne pas céder aux interprétations",  dit-il.

A l'époque, le docteur André Hazout avait été entendu par ses pairs et la plainte, qui a été retrouvée pendant l'instruction dans les archives du conseil de l'ordre, n'avait eu aucune suite. "Il y a eu une carence, une grande carence. Cette affaire est un désastre déontologique", souffle René Frydman.   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...