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La responsabilité civile des parents séparés

Paroles de juge - , 15/12/2012

Par Michel Huyette


  Les parents (au sens juridique et non biologique du terme, c'est à dire quand un lien de filiation est juridiquement établi) sont civilement responsables en cas de dommage causé par leur enfant mineur non émancipé. Cela signifie, en clair, que celui qui subit le dommage causé par cet enfant peut demander réparation aux parents qui, pour la plupart, bénéficient d'une assurance responsabilité civile.

  Cette règle est posée par l'article 1384 du code civil (texte ici), l'un des articles les mieux connus des étudiants en droit : 

  "Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux".

  Deux conditions doivent être réunies : l'exercice de l'autorité parentale, et la cohabitation des mineurs avec leurs parents.

  La première de ces deux conditions ne pose pas de difficulté. Par principe les parents exercent tous deux l'autorité parentale. L'article 372 du code civil (texte ici) pose une règle claire : "Les père et mère exercent en commun l'autorité parentale."  Prévoyant la situation des parents non mariés, ce même article prévoit également que "lorsque la filiation est établie à l'égard de l'un d'entre eux plus d'un an après la naissance d'un enfant dont la filiation est déjà établie à l'égard de l'autre, celui-ci reste seul investi de l'exercice de l'autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l'égard du second parent de l'enfant. L'autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au greffier en chef du tribunal de grande instance ou sur décision du juge aux affaires familiales."

  Par ailleurs, la séparation des parents est en principe sans effet sur l'exercice de l'autorité parentale. L'article 372-3 du même code (texte ici) affirme avec vigueur que "La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale." Ce n'est que très exceptionnellement que le juge aux affaires familiales peut décider, après séparation des parents, que l'autorité parentale sera exercée uniquement par l'un d'eux. Une telle décision doit être dictée par "l'intérêt de l'enfant" (art. 373-2-1, texte ici).


  Les parents qui exercent ensemble l'autorité parentale sont donc solidairement civilement responsables des dommages causés par leurs enfants mineurs. Cette condition est remplie dans une majorité des cas après séparation, l'attribution de l'autorité parentale à un seul parent étant dorénavant et devant rester l'exception.


  Le débat essentiel est autour de la notion de cohabitation.

  La cour de cassation a d'abord jugé que la responsabilité des parents ne disparaît pas quand l'enfant est accueilli ponctuellement en dehors du domicile familial, par exemple chez un autre membre de la famille ou dans un centre de loisirs pendant des congés scolaires, ou même dans son établissement scolaire tout au long de l'année d'études. La "cohabitation" au sens juridique du terme ne cesse que si c'est une décision judiciaire qui a retiré l'enfant à ses parents pour le confier à un tiers, notamment une décision du juge des enfants. C'est donc une notion très élastique de la cohabitation qui est aujourd'hui retenue.

  La cour de cassation a dû également préciser la situation des deux parents après divorce. En effet, après la séparation, l'enfant vit la plupart du temps essentiellement chez l'un de ses deux parents, chez qui, dit-on juridiquement, la résidence de l'enfant est alors fixée. L'autre parent bénéficie classiquement d'un droit de visite et d'hébergement.


  S'agissant de la responsabilité civile de chacun d'eux, la cour de cassation, dans un arrêt du 6 novembre 2012 (décision ici), vient de rappeler le principe applicable. Elle a jugé que :

  "en cas de divorce, la responsabilité de plein droit prévue par le quatrième alinéa de ce texte incombe au seul parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant a été fixée, quand bien même l'autre parent, bénéficiaire d'un droit de visite et d'hébergement, exercerait conjointement l'autorité parentale" 

  Et s'agissant de l'affaire examinée elle en a tiré comme conséquence que :

  "Attendu que, pour confirmer le jugement ayant condamné le mineur, solidairement avec son père et sa mère, à des réparations civiles, l'arrêt, après avoir énoncé que le jugement de divorce a fixé la résidence de l'enfant au domicile de sa mère, attribué un droit de visite et d'hébergement au père et conservé à chacun des parents l'exercice conjoint de l'autorité parentale, retient que la résidence habituelle de l'enfant chez un de ses deux parents ne fait pas obstacle à ce que l'autre exerce la plénitude de son pouvoir de surveillance et de contrôle de l'éducation, de sorte que la responsabilité civile des deux parents, titulaires de l'autorité parentale conjointe, est engagée ; Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la responsabilité du parent chez lequel la résidence habituelle de l'enfant n'a pas été fixée ne peut, sans faute de sa part, être engagée, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé."

  Au final c'est donc bien le parent chez qui la résidence de l'enfant a été fixée qui est de plein droit le civilement responsable en cas de dommage causé par cet enfant, quand bien même cet enfant a causé ce dommage alors qu'il était éloigné du domicile de ce parent et accueilli soit par un tiers soit par l'autre parent dans le cadre de son droit d'hébergement.


  Une question qui, semble-t-il, n'a pas encore été tranchée, est celle de la responsabilité en cas de résidence alternée. Faut-il considérer que chaque parent est alternativement civilement responsable, pour chaque période pendant laquelle l'enfant réside chez lui ? Ou à l'inverse que la résidence alternée est assimilable à une résidence commune et tenir les deux parents pour civilement responsables quel que soit l'endroit où se trouve l'enfant ?  La cour de cassation donnera sans doute un jour une réponse à cette interrogation.


 

 


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