Actions sur le document

La campagne est vivante

Justice au singulier - philippe.bilger, 7/03/2012

La campagne est vivante. On a cependant hâte qu'elle se termine pour connaître le jugement du peuple. Dont nous sommes.

Lire l'article...

Il faut arrêter !

Aucune campagne présidentielle n'a jamais trouvé grâce aux yeux des commentateurs, des journalistes, des passionnés de politique. Toujours ce même refrain : elle n'est pas au niveau, elle ne traite pas les sujets de fond, elle ennuie.

Pourquoi celle de 2012 échapperait-elle à cette fatalité du discours et de la récrimination alors même qu'elle est agitée, stimulante, parfois excitante, en tout cas vivante ?

Certes on peut légitimement regretter - apparemment c'est une impression dominante - que les médias tirent trop rapidement les conclusions de sondages laissant entendre que deux favoris se détacheraient nettement dans la course présidentielle et que Marine Le Pen et François Bayrou seraient définitivement distancés. Et Jean-Luc Mélenchon viendrait de dépasser les 10% ! Cette préférence est choquante pour la qualité du débat mais dès lors qu'une égalité parfaite serait inconcevable et au demeurant peu pertinente, la manière dont médiatiquement les différents points de vue sont exposés n'est pas si médiocre.

Qu'on ne soutienne pas cependant, comme une antienne, que cette campagne n'aborderait pas les problématiques de fond, les thèmes fondamentaux et qu'elle ne s'attacherait qu'à l'écume des choses ! Pour une fois je rejoins Jean-François Copé qui, face à ce ressassement, l'a contredit en déclarant que les sujets essentiels n'étaient pas négligés même s'il n'en créditait que son champion. Les modalités de discussion peuvent être critiquées, jugées insuffisantes, superficielles mais le fond de ce qui se rapporte aux inquiétudes du citoyen français n'est pas plongé dans je ne sais quelles oubliettes! Qu'on en juge : la finance, la crise, l'Europe, le couple franco-allemand, l'énormité de la dette, la pauvreté, le chômage, l'immigration, la morale publique, l'Etat de droit, l'école, l'insécurité, la justice. Peu ou prou, toutes ces questions, ces drames sociaux, ces manifestations d'un monde, d'un pays déboussolés mais à réguler, à apaiser sont en permanence projetés dans l'espace républicain pour que le citoyen, dans la controverse, l'empoignade ou l'adhésion, trouve sa lumière, son chemin.

La condescendance un tantinet méprisante dont les prescripteurs font preuve à l'égard de ces joutes qui s'achèveront le 6 mai me paraît assez déplacée et surtout tient pour rien les moments intenses, exaspérants ou non, les épisodes riches de sens, l'expression de certains talents, la déception ou l'enthousiasme suscités par telle émission ou tel entretien, la curiosité qui parfois insatisfaite vient tout de même avec constance s'attacher à ce qui l'attire.

Le discours du Bourget par François Hollande. Celui d'Annecy par Nicolas Sarkozy. Celui sur le référendum et la moralisation de la vie publique par François Bayrou. Marine Le Pen à Marseille. Eva Joly ne passant pas la rampe, quoique relookée, sur TF1 avec Laurence Ferrari. Jean-Luc Mélenchon, avec la même et son sourire de bienveillance quand Marine Le Pen avait droit au visage austère, presque hostile de la journaliste et à un traitement clairement inéquitable. Jean-Luc Mélenchon, époustouflant tout de même, donnant à des questions complexes des réponses simples, avec une pédagogie limpide, offrant aux téléspectateurs l'illusion délicieuse d'un univers "où il n'y a qu'à" et aux sarkozystes la joie sauvage et anticipée d'un Mélenchon pesant lourd sur Hollande, peut-être entre les deux tours ! Nicolas Sarkozy retrouvant quasiment son punch de 2007 et, sans être brillant dans le débat, gagnant largement aux points face à Laurent Fabius qui gêné ne se départissait pas d'une ironie légère et d'un sourire inutile révélateurs de son embarras au point même qu'à la fin il demandait à David Pujadas de lui indiquer sur quel thème poser sa question, comme s'il était à court ! Nicolas Sarkozy acharné à regagner le territoire de la normalité quand sur le plan politique il s'était vanté d'en être éloigné pour contrer François Hollande qu'il ne porte pas au plus haut, ce qu'il montre trop ! Bruno Le Maire interviewé par Robert Ménard sur Sud Radio. Et d'autres séquences encore mais qu'il serait oiseux de rappeler.

J'avoue que je me sens mal quand la vie amicale ou sociale me contraint à me détourner de ces spectacles politiques où l'audiovisuel tient en haleine. A vrai dire, la plupart du temps, je suis moins obsédé par les échanges eux-mêmes que par les comportements et les attitudes, la qualité de la parole, la force des caractères et l'affirmation de l'intelligence. L'être humain qui parle et qui répond plus que par l'homme ou la femme politique qui ânonne.

La campagne est vivante. On a cependant hâte qu'elle se termine pour connaître le jugement du peuple. Dont nous sommes.


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...