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Tu veux ou tu veux pas ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 13/11/2013

Tu veux ou tu veux pas ? Même si pour longtemps encore il ne peut pas vouloir, que le président nous laisse espérer. Le pays en a besoin. Ce serait mieux que rien.

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Que vient donc faire le titre d'une chanson de Marcel Zanini sur ce blog ?

Aussi incongru que cela puisse sembler, il représente pourtant, à mon sens, avec une vérité dérisoire et cruelle à la fois, le climat politique d'aujourd'hui et le mystère présidentiel.

On attend tous quelque chose, moi le premier, mais on sait aussi que rien ne pourra survenir, sauf bouleversement radical, avant que les élections municipales au moins aient livré leur sombre verdict.

Les citoyens sont dans leur rôle en piaffant d'impatience avec cette idée fausse mais qui fait du bien qu'il suffira de changer le Premier ministre et le gouvernement pour que par magie la France enclenche une vitesse la projetant enfin dans la réussite.

Ou que la dissolution pourrait être une solution alors que pour le pouvoir socialiste elle serait la pire car il troquerait une majorité rebelle mais réelle contre une absence de majorité. La tension vaut mieux pour lui que la cohabitation.

On a envie que cela bouge pour notre pays qui est trop vite signalé comme étant "au bord du chaos". Et quoi encore ! Il y a des constats d'autant plus voluptueux qu'ils sont absurdement amers, donc injustes (L'Express).

Mais il n'est pas nécessaire d'évoquer des cataclysmes pour que la communauté nationale ait des fourmis dans l'esprit public et s'émeuve, voire s'indigne de l'apparente passivité du président de la République.

Je suis sûr cependant que lui, plus que tout autre analysant, commentant, sent que son action est insuffisante, pas assez ferme, inférieure à ce que devrait susciter l'état de la France. Il n'a pas l'ombre d'un doute sur le fait que l'estimable et loyal Ayrault ne sera jamais le Premier ministre dont le président qu'il est aurait eu besoin. Dès l'origine, François Hollande s'est choisi un clone avec moins de talent et de roublardise que lui et il ne cesse pas de payer cette erreur initiale. Il ne surestime pas non plus l'excellence de la plupart de ses ministres. Mais que pourrait-il bien entreprendre avant que le désastre municipal annoncé et probable vienne dégrader jusqu'à la corde démocratique une équipe déjà usée ?

Comme des enfants en train de trépigner, on crie pour que le pouvoir nous écoute et que le président nous obéisse. Mais il est coincé. La politique ne peut pas être toujours malheureusement un art du mouvement ni un art tout court : elle est aussi une manière de se murer en scrutant, à travers les persiennes de la République, l'apparition tant espérée du jour.

Christian Jacob joue son rôle d'opposant quand il interpelle le Premier ministre à l'Assemblée nationale en feignant de croire que sa dénonciation partisane, même si elle exprime une part substantielle du sentiment populaire, servira à quelque chose. Jean-Marc Ayrault se coule comme il convient dans la posture du responsable politique outré qu'on ait pu mettre en cause la légitimité du président de la République. Alors que Christian Jacob et le Premier ministre ont en commun l'attente de 2017, pour le premier nourrie d'optimisme et pour le second, emplie d'inquiétude (20 minutes).

Il est clair que que la réactivité du gouvernement actuellement est purement négative.

Interpellation de militants d'extrême droite le 11 novembre, qualifiés étrangement de "factieux" par Manuel Valls. Celui-ci aurait-il eu vent d'une menace de coup d'Etat par ces trublions superbement semoncés par un jeune et courageux agrégé d'Histoire ? Comme on aimerait que les interventions policières fussent à l'encontre de tous les fauteurs de trouble aussi décisives et rapides !

Plainte pour défendre Christiane Taubira à la suite de la couverture profondément raciste, sous le jeu des mots, de Minute ; la garde des Sceaux, avec clairvoyance, a refusé une protestation juridique personnelle qui aurait amplifié le retentissement de ce qui l'offensait.

On est aux aguets, on écoute aux portes. On se demande ce que le président va sortir de son chapeau pour surprendre, étonner la France. Lui donner un coup de fouet.

Rien évidemment. Il n'y a aucune magie pour l'exercice du pouvoir. Cette alternative seulement. Juste une politique remarquable, performante, une équipe professionnelle, soudée, un président en même temps dedans et au-dessus ou faire le gros dos. Apparemment cette branche est celle que cultive notre président. Supporter jusqu'à l'embellie. Mais viendra-t-elle ?

Il ne devrait pas oublier que si la constance, la patience, la résistance sont des vertus, elles ne doivent pas à la longue, se caricaturant elles-mêmes, apparaître comme de la défiance à l'égard du peuple, de la désinvolture et de la supériorité par rapport à la masse ignorante quand soi-même on saurait ce qui est bon pour la France. Ne pas bouger et demeurer dans l'impavidité risque de n'être plus admiré mais détesté.

Il faudrait au moins que le président, en tenant son cap puisqu'il le juge riche d'avenir, accepte tout de même de nous offrir quelques signes d'écoute, quelques pistes de compréhension et, surtout, l'affichage plus conséquent d'une relation forte entre lui et nous - de notre envie de changement, de son envie d'attendre. De notre complicité civique. Qu'il nous ouvre un peu sa porte et son silence.

Cela nous aiderait à patienter.

Tu veux ou tu veux pas ?

Même si pour longtemps encore il ne peut pas vouloir, que le président nous laisse espérer. Le pays en a besoin. Ce serait mieux que rien.


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