Actions sur le document

Barre : « Nous ne pensions pas que le RPR allait assassiner Boulin »

Actualités du droit - Gilles Devers, 11/09/2015

Hier le procureur de la République de Versailles a annoncé qu’il...

Lire l'article...

51kns3y9RIL._SX323_BO1,204,203,200_.jpgHier le procureur de la République de Versailles a annoncé qu’il avait ouvert une information judiciaire s’agissant des circonstances de la mort du ministre Robert Boulin, pour « arrestation, enlèvement et séquestration suivi de mort ou assassinat ». Un juge d'instruction va être nommé. Petit détail : la mort de Robert Boulin date du 30 octobre 1979.

Robert Boulin était alors ministre du travail du gouvernement Barre, sur la fin du septennat de Giscard d’Estaing. Les batailles au sein de la Droite étaient féroces, avec un certain Jacques Chirac qui voulait tout reprendre à sa main. Ancien résistant, plusieurs fois ministre, le gaulliste Robert Boulin était un poids lourd du gouvernement, et du RPR.

Depuis le début octobre, la presse avait sorti des informations sur une opération immobilière crapoteuse du ministre, à Ramatuelle. Assez lamentable, mais ce n’était pas une affaire d’État.

Le 30 octobre à 6 h 30 est donné l’ordre de rechercher le corps d’une haute personnalité, et à 8h45, est retrouvé par des gendarmes le corps de Robert Boulin, dans la forêt de Fontainebleau, entre Saint-Léger-en-Yvelines et Montfort-L’Amaury. Le corps du ministre est dans une sorte d’étang : 40 cm de vase et 50 cm d’eau, là où il s’est noyé. Sur lui, une lettre d’adieux : « Messieurs, j’ai décidé de mettre fin à mes jours. ». Plusieurs autres lettres posthumes seront ensuite retrouvées.

Dans la matinée, une dépêche AFP – informée à la source officielle, nous sommes en 1979… – fait comprendre qu’il s’agit d’un suicide par absorption de barbituriques. À midi, avant l’examen du corps par les légistes, le procureur de la République de Versailles confirme la thèse du suicide.

Tout le problème est que, progressivement, cette thèse va s’écrouler. Les examens ne retrouvent pas de barbituriques, mais plutôt la molécule du Valium. Des photographies remises à la famille, trois ans plus tard, montrent un visage tuméfié, et un corps portant des traces de violence. Autopsie, contre-autopsie, examens partiels quand ils sont encore possibles… La thèse du suicide est de plus en plus affaiblie. Les chaussures et le bas des jambes du pantalon sont propres, alors que Robert Boulin est censé avoir marché dans les 40 cm de boue avant de trouver les 50 cm d’eau où il serait parvenu à se suicider… Et beaucoup d’autres incohérences. Pour autant, la scène ne donne pas assez d’éléments pour retenir l’alternative, à savoir l’assassinat.41qrYDrl0fL._SX339_BO1,204,203,200_.jpg

La justice s’est prononcée à plusieurs reprises pour conclure à des non-lieux. Vous trouverez sur ce site créé par la famille Boulin beaucoup d’informations.

L’affaire rebondit ces dernières années, car un témoin affirme avoir vu la veille au soir Robert Boulin dans sa voiture, en compagnie de deux autres personnes, alors qu’il n’avait pas de rendez-vous officiel ce jour-là. C’est un élément nouveau, car on quitte la scène de l’étang pour une séquence qui aurait commencé la veille par une séquestration. La justice qui n’entendait plus revenir sur ce qui avait été si mal enquêté, trouve là une occasion d’instruire sur du neuf, et de redonner une crédibilité au scénario d’une mort violente.

A cet égard, l’un des points déterminants est qu’il est désormais acquis que, lorsque les autorités gouvernementales ont donné l’ordre de recherche, à 6h30, elles savaient déjà que Robert Boulin a été trouvé mort. Depuis quand ? D’après certaines publications, car il en est beaucoup, l’information circulait depuis la veille en fin de soirée.

Nous suivrons donc avec beaucoup d’intérêt cette information judiciaire qui va nous plonger dans les mœurs politiques de l’époque. L'enquête ne sera pas simple car beaucoup de choses vont reposer sur des témoignages anciens. À cette époque, pas de téléphone portable, pas de GPS, pas d’ordinateur à faire parler… Et beaucoup de personnes qui auraient du être entendues ne sont plus de ce monde.

Vous souhaitez une piste pour éclairer l’affaire ? Alors je vous propose cette interview de Raymond Barre en mai 2005, qui, explique que lui-même, alors premier ministre, avait été au courant à trois heures du matin…, et qui lâche avec une décontraction déconcertante : « Nous ne pensions pas que le RPR allait assassiner Boulin ». Un peu de sincérité…


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...