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La bataille du rail continue avec l’adoption du « décret gares »

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Marc Sénac de Monsembernard et Solal Cloris, 9/02/2012

Le 20 janvier dernier, le « décret gares » qui définit les règles d'accès aux gares de voyageurs et aux services ferroviaires a enfin été adopté. Dans le contexte d’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, le « décret gares » s’est fait attendre, le temps pour l’Autorité de régulation ferroviaire (ARAF) et l’Autorité de la concurrence d’exprimer leur avis, pour le moins réservés, et pour le Conseil d’Etat de parfaire la rédaction finale du texte.
La bataille du rail continue avec l’adoption du « décret gares »
Dans un premier chapitre, le décret pose le principe d’un accès transparent et non discriminatoire à l’accès par le réseau aux infrastructures de services, ce qui comprend non seulement les gares de voyageurs mais également les installations électriques, les gares de triage, les terminaux de marchandises ou encore les centres d’entretien.

Sa deuxième partie vient éclairer les enjeux relatifs aux prestations régulées. La notion de prestations régulées comprend d’une part les prestations dites « de base » que le gestionnaire d’infrastructure doit obligatoirement fournir dès lors qu’il n’existe pas d’autre option économiquement raisonnable, et d’autre part, les prestations complémentaires lorsqu’elles ne sont proposées que par un seul fournisseur. Pour chaque catégorie de prestations, le décret distingue ce qui relève du service de base des prestations considérées comme complémentaires.

La fourniture des prestations régulées donne lieu à la perception d’une redevance. Le montant de ces redevances est calculé d’après le degré d’utilisation réel, mais il peut être modulé selon certains critères comme par exemple le type de convoi, la période horaire d’utilisation ou le nombre de voyageurs susceptibles de bénéficier de la prestation.

Ce pouvoir de modulation a fait l’objet de critiques de la part de l’ARAF et de l’Autorité de la concurrence. Dans son avis du 29 septembre 2011, l’Autorité de la concurrence voyait dans le pouvoir de modifier la redevance versée par les entreprises ferroviaires un « risque majeur d’arbitraire » et préconisait un contrôle ex ante de la tarification par l’ARAF ainsi que la suppression pure et simple de certains critères de modulation tels que la celui de la capacité d’emport, du type de desserte et surtout de la fréquence d’utilisation, très critiqué par les nouveaux entrants en ce qu’il aurait pour effet de favoriser l’opérateur historique.

L’Autorité de la concurrence a été partiellement entendue, puisque le critère de la fréquence d’utilisation a disparu après l’examen du projet de décret par le Conseil d’Etat. Par ailleurs, la méthodologie utilisée pour déterminer les redevances d’accès et leurs modulations doit être justifiée dans le document de référence des gares de voyageurs établi chaque année par le directeur des gares et soumis au contrôle de l’ARAF.

Enfin, le dernier chapitre du texte, relatif à la gestion des infrastructures de services du réseau ferroviaire modifie deux décrets fondamentaux :
- d’une part, le décret n°83-109 du 18 février 1983 relatif au statut de la SNCF. Son nouvel article 11-2 dispose que la mission prévue par l’article L. 2141-1 du code des transports, à savoir « (…) gérer, de façon transparente et non discriminatoire, les gares de voyageurs qui lui sont confiées par l'Etat ou d'autres personnes publiques et de percevoir à ce titre auprès des entreprises ferroviaires, toute redevance », est assurée, au sein de la SNCF, par une direction autonome, dotée de comptes distincts des autres activités de l’établissement. Ces dispositions entérinent le choix d’une séparation fonctionnelle incarnée par la branche Gares & Connexions au sein de l’établissement public.
- d’autre part, le décret n°2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l’utilisation du réseau ferré national. Un nouveau titre III intitulé « dispositions relatives aux gares de voyageurs » est créé, précisant les modalités de calcul des redevances et instituant des instances régionales de concertation chargée de donner son avis sur le document de référence des gares. Ce document précise les conditions dans lesquelles les prestations régulées sont rendues.

En définitive, le pouvoir réglementaire n’a pas été au-delà de ce qu’exige le droit communautaire en matière d’indépendance du gestionnaire d’infrastructure. Optant pour une séparation fonctionnelle, le décret entérine la création d’une structure ad hoc au sein de la SNCF, qui rappelle le modèle retenu pour la Direction de la circulation ferroviaire sans toutefois le reproduire à l’identique.


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