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Des différentes manières de réclamer de l’argent à l’administration

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Laurent-Xavier Simonel, 29/02/2012

Les réclamations financières contre l’administration passent par la voie du recours de plein contentieux, pour lequel le ministère d’avocat est obligatoire. La démarche sert des intérêts subjectifs.Pour éviter cette charge dans les contentieux de la fonction publique, le recours pour excès de pouvoir en vue de l’annulation de la décision à objet pécuniaire (refus de versement ou recouvrement) a été admis il y a juste cent ans (CE, 8 mars 1912, Lafage, rec. 348, RDP 1912-266). Ce recours est, en effet, dispensé du ministère d’avocat car il sert le but objectif du triomphe de la légalité.
Les requérants, soucieux de parvenir au paiement par l’administration, combinent fréquemment les deux voies contre la même décision par un seul recours, dont les conclusions tendent, à la fois, à l’annulation pour illégalité de la décision à effet pécuniaire et à la condamnation à paiement de la partie publique.

Le plein contentieux s’impose de plus en plus dans l’environnement du contrat public, par exemple par le référé précontractuel avant la naissance du lien contractuel ou, après, par l’action en contestation de la validité du contrat. Cette extension conduit à une contraction corrélative du contentieux objectif de la légalité qui, par exemple, ne va plus pouvoir s’emparer des actes détachables de la conclusion du contrat lorsque l’action en contestation de la validité du contrat s’ouvre aux opérateurs évincés de son attribution.

Dans le cas de combinaison que l’on a mentionné, l’absorption du contentieux de l’excès de pouvoir par le plein contentieux relevait d’une distinction posé par un état du droit jurisprudentiel dont le professeur René Chapus considère qu’il n’est pas des plus explicites.

Avant le jugement de première instance, l’on pouvait faire de son recours, initialement dual, un pur recours pour excès de pouvoir en se désistant des conclusions en plein contentieux.

En revanche, après ce jugement, le recours était enserré dans le champ absorbant du plein contentieux : une demande tendant à l’annulation d’une décision refusant une rémunération et à la condamnation de l’Etat à payer les sommes en cause, présentait le seul caractère d’un recours de plein contentieux, que l’abandon des conclusions pécuniaires ne pouvait pas avoir pour effet de transformer en recours pour excès de pouvoir (CE, Patrice Henry, 23 mars 1994, n° 89 233).

La section du contentieux du Conseil d’Etat vient de rendre plus explicite les conséquences de la combinaison dans la même instance (CE section, 9 décembre 2011, M. Gérard A**, n° 337 255) : « lorsque sont présentées dans la même instance des conclusions tendant à l’annulation pour excès de pouvoir d’une décision et des conclusions relevant du plein contentieux tendant au versement d’une indemnité pour réparation du préjudice causé par l’illégalité fautive que le requérant estime constituée par cette même décision, cette circonstance n’a pas pour effet de donner à l’ensemble des conclusions le caractère d’une demande de plein contentieux ; que, par suite, et en tout état de cause, le désistement présenté par M. A de ses conclusions pécuniaires ne pourrait avoir d’effet ni sur le maintien, ni sur la recevabilité de ses conclusions à fin d’annulation pour excès de pouvoir ; ».

La préservation de l’essence respective de chacune des deux voies contentieuses ne doit pas, seulement, satisfaire les canons de la rigueur logique du contentieux administratif ou indigner les tenants de la disparition du contentieux objectif au profit d’un seul plein contentieux.

Elle doit, avant tout, être bien pesée lors des analyses stratégiques sur les actions à but indemnitaire contre l’administration, en prenant en compte attentivement les rigoureuses conditions de délai propres au recours pour excès de pouvoir.


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