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Le tribunal du blog juge La Marseillaise

Actualités du droit - Gilles Devers, 13/05/2014

La France est un Etat de droit, et elle doit donc éliminer tout ce qui est...

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La France est un Etat de droit, et elle doit donc éliminer tout ce qui est contraire aux droits de l’homme, cette action étant prioritaire quand il s’agit de l’Etat lui-même. Alors, notre hymne ? Le tribunal du blog s’est réuni en assemblée plénière pour ce cas difficile.  

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Premier couplet

Allons enfants de la Patrie
Le jour de gloire est arrivé !
Contre nous de la tyrannie
L'étendard sanglant est levé
Entendez-vous dans nos campagnes
Mugir ces féroces soldats?
Ils viennent jusque dans vos bras.
Égorger vos fils, vos compagnes!

Le tribunal. – Enfants de la Patrie, c’est très bien, mais le reste, c’est  non. Les étrangers qui viennent égorger en 1) les fils, en 2) les compagnes, ce qui signifie que La Marseillaise ne s’adresse qu’aux mecs… avec leur accessoire utile qu’est la compagne, car la femme est inexistante chez ces gens-là Quant aux filles, tant pis si elles se font égorger, elles comptent pour du beurre, le vaillant hymne les ignore. Autant appeler l’hymne « Le Marseillais ». Quand on sait le sort réservé aux femmes dans la société – inégalité salariales, marginalité dans les vrais postes de pouvoir, violences – le premier couplet est recalé.   

Le refrain

Aux armes citoyens
Formez vos bataillons
Marchons, marchons
Qu'un sang impur
Abreuve nos sillons

Le tribunal. – Oh purée... Aux armes citoyens, je suis d’accord. La fonction de défense est inhérente à celle de République : tout citoyen doit prendre sa part à la défense du pays. Très bien, mais ça se gâte aussitôt. Les Conventions de Genève, qui sont de droit international coutumier, et donc opposables à tous les Etats, condamnent l’appel à « pas de quartier », et demandent que la riposte militaire soit, en toute hypothèse, proportionnée à ce qui est nécessaire pour repousser l’agresseur. Or, là, il faut éliminer. Le but n’est pas d'emporter la victoire, mais de faire couler le sang ennemi, et de le piétiner. Impossible, ça nous conduit direct à la Cour Pénale Internationale. Le refrain est recalé, c’est mal barré.

Deuxième couplet

Que veut cette horde d'esclaves
De traîtres, de rois conjurés?
Pour qui ces ignobles entraves
Ces fers dès longtemps préparés?
Français, pour nous, ah! quel outrage
Quels transports il doit exciter?
C'est nous qu'on ose méditer
De rendre à l'antique esclavage!

Le tribunal. – Oh purée, on est déjà dans le décor à la première ligne. La chanson prend pour référence « l’esclave », ce qui en 1792, date de l’écriture du texte par le Rouget de l’Isle est une réalité criminelle en droit français. La révolution de 1789 proclamait l’égalité humaine, mais la refusait pour les Noirs qui ne sont que des choses, sans existence juridique. Et cet être humain considéré comme une chose devient le moyen de qualifier l’ennemi… Une horreur juridique prise pour référence… Allez hop, le deuxième couplet passe aux équevilles.

Troisième couplet

Quoi ces cohortes étrangères!
Feraient la loi dans nos foyers!
Quoi! ces phalanges mercenaires
Terrasseraient nos fils guerriers!
Grand Dieu! par des mains enchaînées
Nos fronts sous le joug se ploieraient
De vils despotes deviendraient
Les maîtres des destinées.

Le tribunal. – Là, ça sent le retour chargé après l’apéro. C’est de l’incitation à la haine contre les étrangers, tombant sous le coup de l’article 24 alinéa 5 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. La CEDH stigmatise comme limite à la liberté d’expression le « discours de haine ». Donc, c'est claire: le troisième couplet passe à la trappe. Et à titre amical, je vous déconseille vivement de la chanter, sinon vous êtes bon pour le tribunal sous l’angle de l’apologie.

Quatrième couplet

Tremblez, tyrans et vous perfides
L'opprobre de tous les partis
Tremblez! vos projets parricides
Vont enfin recevoir leurs prix!
Tout est soldat pour vous combattre
S'ils tombent, nos jeunes héros
La France en produit de nouveaux,
Contre vous tout prêts à se battre.

Le tribunal. – Lourdingue, mais correct en droit.

Cinquième couplet

Français, en guerriers magnanimes
Portez ou retenez vos coups!
Épargnez ces tristes victimes
À regret s'armant contre nous
Mais ces despotes sanguinaires
Mais ces complices de Bouillé
Tous ces tigres qui, sans pitié
Déchirent le sein de leur mère!

Le tribunal. – Correct, mais en apparence seulement. C’est de la méthode Hollande. Le petit baume au cœur  planqué en cinquième couplet, c’est une ruse, pour tenter d'émouvoir le juge, alors que tout le mal a été fait par les premiers couplets, et le terrifiant refrain. Donc, on ne pourrait le garder que si on élimine tout le reste. Le tribunal du blog prononce une condamnation avec sursis.

Sixième couplet

Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n'y seront plus
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre!

Le tribunal. – Le tribunal commençait à espérer, mais voici une grave rechute par l’appel à la vengeance, qui est à l’opposé de l’esprit de la justice. C’est un vice rédhibitoire, et il faut donc rejeter le sixième couplet.

Septième couplet  

Amour sacré de la Patrie
Conduis, soutiens nos bras vengeurs
Liberté, Liberté chérie
Combats avec tes défenseurs!
Sous nos drapeaux, que la victoire
Accoure à tes mâles accents
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire!

Le tribunal. – Bon, le sixième couple n’était pas une rechute, mais une philosophie profonde, comme le montre ce septième couplet écrit deux ans plus tard. Récidive dans l’appel à la vengeance, encouragé par des sentiments primaires tels que « l’amour sacré », nourri par la puanteur macho des « mâles accents », le désir de mort des « ennemis expirant »… Non, nous sommes aux antipodes du droit et de la civilisation. Recalé.

Le verdict est donc net : le bel hymne viole les droits fondamentaux, et comme « force droit rester à la loi », le bel hymne est recalé. Ceci étant, de par sa nature, l’homme est amendable, et le tribunal du blog décide d'envoyer l’hymne en centre fermé, mais mixte, de rééducation. Et oui, le bel hymne, tu vas voir les filles…  Désolé si ça te fiche les jetons...

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Mesures provisoires

Dans l’attente, et vu la nécessité d’adopter des mesures provisoires, le tribunal remplace le rétréci Rouget par le grand et généreux Boris Vian, auteur de L’automne à Pékin, J’irai cracher sur vos tombes, et Elles se rendent pas compte (ce que constate tous les jours). Voici…

Le déserteur

Monsieur le Président je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
je ne veux pas la faire
je ne suis pas sur terre
Pour tuer des pauvres gens
C’est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
je m’en vais déserter

Depuis que je suis né
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Qu’elle est dedans sa tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j’étais prisonnier
On m’a volé ma femme
On m’a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J’irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens
Refusez d’obéir
Refusez de la faire
N’allez pas à la guerre
Refusez de partir
S’il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer.

 

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