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Le contrat de mobilier urbain hors catégorie (affaire CBS Outdoor suite et fin)

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Anna Stefanini-Coste, Virginie Delannoy, 27/06/2013

Nous nous étions fait l’écho de la solution critiquable rendue par la cour administrative d’appel de Paris, le 17 octobre 2012, Ville de Paris (n° 09PA03922) qualifiant de marché public un contrat de mobilier urbain au titre duquel l’opérateur privé versait une substantielle redevance d’occupation domaniale à la ville (voir KPratique « L’introuvable qualification du contrat de mobilier urbain »). Le Conseil d’Etat, par une décision du 15 mai 2013 (n° 364593), a annulé cet arrêt et jugé que le contrat n’avait le caractère ni d’un marché public ni d’une délégation de service public, confirmant ainsi que le contrat de mobilier urbain ne se laisse enfermer dans aucune catégorie juridique prédéfinie.
CE, 15 mai 2013 (n° 364593)

voir KPratique " L’introuvable qualification du contrat de mobilier urbain "

D’aucuns avaient pu penser que tout était jugé depuis l’arrêt du Conseil d’Etat J-C Decaux du 4 novembre 2005 et que le contrat de mobilier urbain devait invariablement recevoir la qualification de marché public, dont la passation est soumise aux dispositions du code des marchés publics. C’était méconnaître le caractère protéiforme de ce type de contrat mais également les conclusions du commissaire du gouvernement Didier Casas sous cet arrêt : « plus fondamentalement, la solution que nous vous proposons n’est pas d’adopter une jurisprudence "Jean-Claude Decaux", ni même une jurisprudence propre aux contrats de mobiliers urbains. Si vous nous suivez, vous prendrez une position de principe conduisant à maintenir dans la catégorie des marchés publics l’ensemble des contrats qui, par leur objet comme par leur logique économique, sont comparables à ceux de l’espèce ».

Le contrat de mobilier urbain n’a donc pas vocation à pulvériser les catégories traditionnelles des contrats publics (marché public, délégation de service public et convention d’occupation domaniale) mais à intégrer l’une d’elles en fonction de ses caractéristiques propres. L’arrêt commenté permet de l’affirmer.

Le Conseil d’Etat examine tour à tour les deux critères d’arbitrage entre ces catégories juridiques, le critère de l’objet du contrat et celui de la rémunération de l’opérateur.

L’examen du critère de l’objet lui permet de rappeler que le respect, imposé dans le contrat, de prescriptions réglementaires gouvernant l’affectation des mobiliers installés sur le domaine public communal – en l’occurrence une affectation culturelle obligatoire – ne peut, à lui seul, conduire à considérer que le contrat a été conclu pour répondre au besoin de la ville. L’objet du contrat marque, simplement, la volonté de la ville, gestionnaire de son domaine, de l’affecter pour partie à un objet culturel dans l’intérêt général tenant à la promotion des activités culturelles. Ces dernières sont exercées indépendamment des services municipaux, de sorte que l’affectation des mobiliers ne répond pas à un besoin public.

Le Conseil d’Etat relève, en outre, que les pièces du dossier ne permettent pas d’identifier une volonté de la ville de créer un service public de l’information culturelle dont l’exploitation aurait été déléguée à son contractant.

Le Conseil d’Etat aurait pu s’arrêter là : n’ayant pour objet ni l’exploitation d’un service public ni la satisfaction d’un besoin de la ville, le contrat en cause ne pouvait être qualifié ni de délégation de service public ni de marché public.

La décision ajoute, néanmoins, pour répondre à l’ensemble des moyens soulevés, que la perception d’une redevance conforme aux règles domaniales exclut que le caractère onéreux du contrat soit identifié dans le seul droit d’exercer une activité économique sur le domaine public. Juger autrement aurait, en effet conduit à faire basculer, alors, nombre de contrats d’occupation domaniale dans la catégorie des marchés publics. Ceci, cependant, sous réserve de la satisfaction du critère de l’objet mais l’amalgame peut être finalement vite opéré entre les contraintes imposées à l’occupant dans l’intérêt du domaine et la satisfaction d’un besoin public.

Puis reprenant le considérant de principe figurant dans l’arrêt Association Paris Jean Bouin CE, 3 décembre 2010, n° 338272 et 338527), le Conseil d’Etat rappelle que, légalement, rien n’impose à la personne publique gestionnaire du domaine d’organiser une procédure de mise en concurrence, même minimale, pour l’occupation de son domaine, « même lorsque l'occupant de la dépendance domaniale est un opérateur sur un marché concurrentiel ». Dès lors, la ville de Paris pouvait régulièrement conclure le contrat en cause sans mettre en œuvre une procédure de passation.

Sur ce point, le Conseil d’Etat maintient donc fermement sa position. Il serait, cependant hasardeux, de confondre la fixation d’une ligne jurisprudentielle faite en l’état du droit avec la fixation définitive de l’état du droit. Ainsi, il ne devrait pas falloir tenir comme définitivement acquis que le droit communautaire ne viendra jamais appréhender l’ensemble de la question posée par l’attribution privative de l’utilisation des ressources rares, souvent essentielles au sens du droit communautaire, que constituent certaines dépendances du domaine public dotées d’une très forte potentialité économique et ne viendra pas interroger le principe de la passation strictement de gré à gré sans un minimum de publicité permettant aux opérateurs économiques de manifester leur intérêt.




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