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Encore une minute, monsieur le bourreau !

Justice au singulier - philippe.bilger, 28/08/2014

Mais nous n'en sommes pas là. Il reste une minute, juste une minute, pour que le bourreau se retienne et ne s'adonne pas à son triste office. Laissons cette ultime chance de se racheter à cette présidence social-démocrate.

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Il est clair - et sur ce point il y a consensus - que nous n'aurons jamais un gouvernement Valls 3 sauf à ce que notre planète démocratique tourne au délire.

Il est clair aussi que les tentatives de théorisation sur la nature politique du gouvernement Valls 2 sont vouées à l'échec tant les avis sont divers et contrastés : il serait libéral pour Marie-Noëlle Lienemann, terriblement conservateur pour Pascal Durand, dans la tradition de Blair ou Schröder pour Karine Berger, un gouvernement de l'immobilisme pour Marielle de Sarnez, de gauche "évidemment" pour le sénateur Didier Guillaume, un questionnement si on entend Laurent Fabius pour Patrick Devedjian et, enfin, pour Thierrey Pech, toute politique de l'offre n'est pas de droite (Libération).

S'il me fallait prendre un parti, j'irais volontiers vers l'appréciation très fine de Michel Onfray pour qui "les deux camps sont l'avers et le revers de la même médaille".

Ce débat de nature théologique a d'autant moins d'importance que le seul souci des citoyens est de pouvoir vérifier le plus rapidement possible si ce nouveau gouvernement est opératoire et si ce qu'il va mettre en oeuvre avec constance et, dorénavant, sans aucune dissidence en son sein, va réussir ou non. Rien ne serait pire que ce sentiment trouble d'un échec désiré.

A consulter les sondages, l'opinion dominante n'est pas enthousiaste, c'est le moins qu'on puisse dire, et les chefs de l'exécutif, selon l'expression de Montebourg, en plein désamour populaire (Opinion Way).

Reste que pour sauvegarder leur autorité et leur crédibilité, le président de la République et le Premier ministre n'avaient pas d'autre solution que de faire sortir du cercle du pouvoir Arnaud Montebourg et ceux qui allaint le suivre, Benoît Hamon un tantinet piégé et Aurélie Filippetti par honneur

L'unique incohérence grave dans la composition de cette si peu nouvelle équipe tient à la reconduction de Christiane Taubira décrétée et repêchée par François Hollande qui a montré, par cette iniquité purement politicienne, à quel point les préoccupations et les attentes des Français, en matière de sécurité et de justice, lui demeuraient étrangères.

Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai déjà développé sur FigaroVox : Christiane Taubira est-elle intouchable ? et sur Europe 1 avec Jean-Marc Morandini le 28.

Encore une minute, monsieur le bourreau !

Si j'ai usé de cette métaphore historique, c'est qu'elle me semble exprimer avec la force et l'inquiétude qui conviennent le caractère d'urgence et d'obligatoire redressement qui s'attachent aux actions gouvernementales à venir. Le pouvoir a épuisé ses voies de recours, bientôt déclaré responsable ou coupable. Il reste en effet un mince espace, une courte distance entre le désastre possible, voire probable et la restauration de la confiance, l'embellie puis une France revigorée ne se contentant plus de s'afficher grande nation mais le démontrant.

L'opposition de droite, sur tout son prisme, UMP et FN, mesure bien ce qu'il y a de fatidique dans cette impulsion renforcée même si, en majorité, elle réclame un retour aux urnes, un appel au peuple, une dissolution.

C'est de bonne guerre même si une autre attitude était concevable. En effet, il n'est pas très honnête de ne pas laisser une chance, même infime, à ce pouvoir rénové dans son fonctionnement. Ce n'est pas parce qu'il a accompli ce qu'on lui aurait reproché de ne pas faire qu'il faut, toutes affaires cessantes, retomber sans attendre dans l'ornière partisane. On verra dans très peu de temps si une aurore s'annonce ou un assombrissement.

Même si je peux comprendre cette aspiration à brûler les étapes - en tout cas l'avant-dernière - pour vite saisir le peuple et le laisser trancher, je ne vois pas au nom de quoi, si un jour le président estimait cette démarche nécessaire, on refuserait la cohabitation si la droite l'emportait. Je considère, sur ce plan, comme malsaine cette quasi unanimité sur l'épreuve de force à imposer à François Hollande auquel on imposerait de délaisser sa charge pour laquelle, élu en 2012, il aurait toute légitimité, même désavoué par des élections législatives, pour durer jusqu'en 2017.

Il ne faut pas être naïf en prétendant enfermer le président dans l'une de ses réponses dans un livre ! On sait bien que tout ce qui précède la conquête et la gestion du pouvoir, pour tous nos chefs d'Etat, relève des engagements creux et est lettre morte. Sauf pour Charles de Gaulle. Mais ce dernier avait trop d'orgueil pour se satisfaire d'une situation d'adhésion seulement relative.

Outre la violation de règles constitutionnelles et l'oubli de pratiques antérieures, cette volonté totalitaire de forcer François Hollande à l'abandon entraînerait notre pays dans une crise dont il devra se passer et donnerait de la droite victorieuse une image peu républicaine.

Comme si elle était par avance victime d'un complexe d'infériorité. Même si les Français raffolent de la cohabitation, image dégradée d'un véritable gouvernement d'union nationale, les politiques n'ignorent pas aussi que, dans cette configuration, les Premiers ministres ont été floués et battus par les présidents de la République. Ce ne serait pas une raison suffisante pour refuser une cohabitation qui, pour une fois, à son issue, pourrait créer une surprise.

Mais nous n'en sommes pas là. Il reste une minute, juste une minute, pour que le bourreau se retienne et ne s'adonne pas à son triste office.

Laissons cette ultime chance de se racheter, de se rattraper à cette présidence social-démocrate.


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