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Encore un peu de Hollande en François Hollande ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 11/04/2014

Ce que j'ai sauvé malgré le naufrage de ces derniers jours est à cultiver, à conserver précieusement. Sinon, François Hollande sera pleinement devenu celui qu'il détestait.

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Les illusions tombent à une vitesse vertigineuse depuis quelques jours, quelques semaines.

Cela avait commencé par la rue du Cirque et cela culmine par un cirque politique qui concentre en lui imprudences, provocations, désinvolture et, osons le mot, mépris.

Le comportement amoureux de François Hollande et sa révélation médiatique avaient déjà, sur ce plan intime qui n'est pas capital mais a évidemment une incidence sur l'image et le prestige présidentiels, presque fait regretter la transparence certes vulgaire de Nicolas Sarkozy, mais claire et nette. Le flou sinueux et multiple de l'un a fait pardonner à l'autre son éclat faraud.

Mais que cela pèse peu au regard de ce qui s'est déroulé depuis le désastre des élections municipales !

Une écoute inattentive ou au moins partielle et partiale des Français par le président de la République.

Un gouvernement prétendument rénové mais avec quasiment les mêmes ministres, le maintien d'un garde des Sceaux discrédité et un Premier ministre qui est chargé de mettre de l'allant dans l'exercice d'un pouvoir qui avait brillé jusqu'alors plus par son amateurisme que par sa solidarité et sa compétence.

On pourrait soutenir, cependant, que ces manoeuvres politiciennes et cette manière paradoxale de répondre à un désir populaire de changement relèvent d'une tactique peut-être discutable mais qui reste encore dans un champ acceptable. Un président est libre de donner à l'exercice de son pouvoir la forme qu'il désire.

Ce qui est proprement extravagant se rapporte à la suite.

Le plus proche ami de François Hollande devient secrétaire Général de l'Elysée. Jean-Pierre Jouyet, depuis peu pourtant à la tête du groupe Caisse des Dépôts, remplace le préfet Pierre-René Lemas qui, sans compétence particulière pour cette nouvelle affectation mais par le fait du prince, va, lui, le diriger à son tour comme il se doit. La Caisse est, paraît-il, sidérée par un tel troc, inédit dans notre République (Le Figaro).

Manuel Valls s'est indigné mais, après un instant de surprise émerveillée, la morale à mi-temps dominant, on a compris que cela datait de la période où Xavier Musca, en l'espèce compétent, était souhaité par Nicolas Sarkozy à la tête de la Caisse (Rue 89).

Le pire est survenu quand Harlem Désir, jugé médiocre à la tête du PS quasiment par tous les socialistes, est pourtant promu, par compensation et récompense de ses mauvais services partisans, Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes (Le Monde). Jean-Christophe Cambadélis qui en rêvait est projeté, contre les statuts, à la direction du PS qui validera par la suite. La démocratie est trop lente et complexe pour qui veut faire simple !

Peu importe son absentéisme impressionnant comme député européen - à la toute fin du classement des moins assidus.

Peu importe l'indignation de l'Alsace dont je reviens et qui perçoit cette consécration comme une honte et un discrédit de l'attachement de la France à l'idée européenne.

Peu importe la dérision et les sarcasmes des instances européennes qui moquent cette inconséquence de la France.

Est-il normal que le gouvernement devienne le dépotoir du PS et que, faute d'avoir été à la hauteur dans la gestion partisane, une personnalité ait l'honneur d'être choisie pour occuper une fonction éminente au service de tous les Français ?

Aussi bien pour la Caisse des Dépôts, le secrétariat général de l'Elysée que pour le PS et ce Secrétariat d'Etat, le citoyen ne peut éprouver que la triste impression de l'entre-soi, de la rhubarbe et du séné, de compromis douteux et de rétributions imméritées.

Qu'y a-t-il encore, dans la pratique de François Hollande, qui ne soit pas comparable à celle de Nicolas Sarkozy ?

Par quelle fatalité l'abus et le discrétionnaire prennent-ils si vite le pas sur le démocratique et le normal ? Le vertige du pouvoir vient-il inéluctablement chasser les bonnes intentions de l'origine et le président expulser le candidat devenu inutile, presque indélicat avec ses promesses naïves et stupides ?

Pourtant, tout ne s'est pas encore effondré et il y a encore des illusions à perdre.

Je n'évoque même pas ce qui relève d'une approche purement subjective et qui fait que le président d'aujourd'hui ne me déplaît pas sur un mode aussi épidermique que celui d'hier.

Je continue à apprécier son attitude, compte tenu de mes anciennes fonctions, à l'égard de la magistrature. Je n'ai jamais entendu de sa part, sur ce plan, des propos indécents ou choquants. L'état de droit à l'évidence n'est pas un repoussoir pour lui, un concept vide de sens et s'il a soutenu par tactique et contre vents et marées Christiane Taubira, on n'a jamais pu le prendre en flagrant délit de domestication de la Justice. Il n'a jamais reçu à l'Elysée en catimini, à de multiples reprises, un procureur en charge de dossiers complexes et à l'incidence politique. Il manifeste un souci d'équilibre et d'impartialité, au moins dans l'affichage public. Il n'y a pas à rougir de lui dans cette part présidentielle à laquelle je tiens.

On dira que par rapport au reste dénoncé, ce n'est pas essentiel mais ce n'est pas rien tout de même. Cela signifie qu'il y a encore un peu de Hollande en François Hollande. Qu'il prenne garde toutefois à ne pas se contenter de cela en se félicitant trop vite d'offrir aux Français un autocrate tranquille au prétexte qu'hier il était, en plus, agité et caractériel.

Ce que j'ai sauvé malgré le naufrage de ces derniers jours est à cultiver, à conserver précieusement.

Sinon, François Hollande sera pleinement devenu celui qu'il détestait.


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