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Christiane Taubira : un garde des Sceaux de combat ?

Justice au singulier - philippe.bilger, 19/05/2012

Christiane Taubira sera un garde des Sceaux de combat. Elle conservera ce que la réalité conduit à conserver. Elle n'écoutera pas que ses amis.

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Ce n'est pas parce que je l'ai rencontrée à quatre reprises sur des plateaux médiatiques que je peux prétendre connaître le nouveau garde des Sceaux qui a su d'emblée s'adjoindre un directeur de cabinet d'expérience et de qualité. Christiane Taubira, d'un caractère aimable et maîtrisé en apparence, est connue pour être une personnalité de principes et de convictions qui ne transigera pas avec le corpus socialiste. Je n'ai pas l'intention de revenir sur la loi qu'elle a fait voter sur la repentance de l'esclavage et qui a ouvert la voie à toute une série de textes discutables puisqu'ils prétendaient figer une matière infiniment évolutive à la disposition de la recherche historique. C'est le passé. Aujourd'hui ce qui l'attend est autrement difficile.

Pour ce billet je me fonde sur l'excellente page du Figaro sous la signature de Stéphane Durand-Souffland "Justice : des réformes emblématiques", insistant sur le rôle d'apaisement qui devra être celui de la ministre.

A vrai dire, et au risque de concilier la fin de l'ancien quinquennat avec le projet du nouveau, force est de reconnaître que Michel Mercier parfois injustement moqué pour son effacement avait commencé à traiter la magistrature de manière respectueuse et que son instinct politique l'avait détourné de graves erreurs. Il n'a pas été inutile dans cette mission destinée à restaurer une tranquillité collective mise à mal. Christiane Taubira poursuivra cette salubre entreprise, j'en suis sûr.

Elle se gardera bien de se faciliter excessivement la tâche en succombant à deux tentations qui sont le lot de tout pouvoir récemment investi : défaire tout ce qui avait été accompli avant lui et s'évertuer à promouvoir une magistrature d'une seule couleur politique aux postes de responsabilité. Elle échappera ainsi à ce qui a été, pour le second point, la plaie du quinquennat de Nicolas Sarkozy : la domestication de la justice dans les quelques affaires ayant troublé la quiétude de l'Etat ou susceptibles de la troubler.

L'une des réformes emblématiques visées concerne le fait de nommer les procureurs comme les juges du siège. J'insiste sur l'absolue nécessité, pour que cette modification ait un sens et une portée, de la sélection par le ministère de la Justice d'hommes et de femmes compétents, de caractère et d'autorité. Si on continue à proposer des personnalités évidemment prêtes à se placer sous la main du pouvoir, les nommer autrement ne changera rien au problème lancinant de l'indépendance du parquet dans les dossiers sensibles.

Pour les autres mesures sans doute prévues, aucune n'est blâmable véritablement sauf la suppression des peines plancher. En effet, la disparition de la Cour de justice de la République ne choquera personne pas davantage qu'à rebours la multiplication des centres éducatifs fermés pour les mineurs délinquants. Une loi nouvelle sera adoptée contre le harcèlement sexuel.

Les peines plancher devraient pouvoir résister au catéchisme socialiste, à l'idéologie de la table rase. Leur principe est excellent et leur application a été une réussite puisque cette loi contenait en elle-même les moyens d'éviter une mise en oeuvre trop rigide en permanence. Il n'est pas offensant pour la magistrature que soit maintenu un dispositif sanctionnant de manière cohérente les parcours délictuels et criminels et lui imposant à elle un regard lucide et ferme sur eux. L'abolition des peines plancher fera retomber les pratiques dans la sévérité générale ou la mansuétude coupable. Les peines planchers contraignent à un ciblage et à une répression intelligente.

Christiane Taubira sera un garde des Sceaux de combat. Elle conservera ce que la réalité conduit à conserver. Elle n'écoutera pas que ses amis.


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