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Le naufrage annoncé du volet pénal de l’amiante

Actualités du droit - Gilles Devers, 10/11/2012

Les victimes de l’amiante seront aussi victimes du naufrage du procès...

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Les victimes de l’amiante seront aussi victimes du naufrage du procès pénal, comme celles des affaires du sang contaminé ou l'hormone de croissance. Ce qui pose cette question : mais qui pourra débrancher Marie-Odile Bertella-Geffroy, juge d'instruction du pôle de santé publique de Paris, auteur de ces instructions qui s’apparentent à des grossesses d’éléphante, mais qui n’accouchent même pas d’une souris ?

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Dans l’affaire du sang contaminée, «  instruite » pendant plus de dix ans, l’excellente enquête de la juge avait été annihilée par la chambre de l’instruction, avec un non-lieu confirmé par la Cour de cassation. Pour l’affaire de l’hormone de croissance, l’affaire était venue jusqu’à la juridiction de jugement, et la cour d’appel a prononcé une relaxe générale.

Interrogée par la mission sénatoriale sur l'amiante, en 2005, Madame la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy avait  expliqué que le pénal n'était pas adapté à ce type de dossiers. Raison de plus pour foncer... Les flics mobilisés pour ces enquêtes infernales et qui sont très bien placés pour savoir qu’elles ne conduiront à rien, ont protestés, expliquant qu’ils en avaient assez de ce non-sens, mais rien n’y fait.

Madame la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy avance…jusqu’à quelle falaise ?

Les délais  

Le plus évident, d’abord, qui vient du bon sens pratique, la question des délais, car la justice doit répondre aux préoccupations des  personnes vivantes. Ma petite chérie Martine Aubry a été mise en examen pour des faits s’étant écoulés entre 1984 et 1987. Je rappelle que l’amiante n’a été interdit qu’en 1997. Je me dois aussi de rappeler à Madame la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, qui n’est sans doute pas informée, que nous sommes en 2012, que les victimes de l’amiante souffrent d’atteintes graves et que bon nombres décèdent chaque année. Aussi, si un procès doit un jour se tenir, il pourrait être pertinent que ce ne soit pas trop tard, pour qu’ils restent quelques survivants…

Viennent ensuite les problèmes techniques, car la justice pénale repose sur le respect de textes, et pas sur de belles intentions.

Les délais1004071_2989748.jpg

Le premier point est la prescription de l'action publique, qui est de trois ans dans les délits de blessures et homicides involontaires. Pour passer ce cap, il faut compter sur des artifices procéduraux, légaux, certes… mais qui restent des artifices, genre le délai ne courait pas car la victime ne savait pas, et ou le délai qui est interrompu car l’enquête est en cours.

Admettons que l’instruction prenne fin demain. Recours devant la chambre d’instruction, la Cour de cassation, le tribunal correctionnel et cour d’appel : ajoutez six à huit ans. Des faits de 1984 seraient jugés en 2018.

La faute

Il faut ensuite prouver la faute par abstention ou négligence, qui selon la formule du Code pénal, doit être une « faute caractérisée  commise avec la conscience du danger ». On ne parle pas d’erreur d’appréciation, ni de faute simple, mais bien de faute caractérisée. Et ceux qui pratiquent ce contentieux savent à quel point sont discutés les critères de cette faute « caractérisée ».

La juge reproche notamment à la ma petite chérie d'avoir tardé pour la transcription dans la législation française d’une directive européenne de 1983 concernant la protection des travailleurs exposés. Ce texte devait être transcrit pour début 1987, mais le décret n'a été signé que le 27 mars 1987. Trois mois de retard et une mise en examen 15 ans plus tard ! On rêve. De plus, ma petite chérie a expliqué que le projet de décret été transmis  en novembre 1986, au ministre de l'époque Philippe Séguin…

Autre grief. Ma petite chérie n’aurait pas analysé des données d’un rapport de la CNAM qui « permettaient de comprendre » qu'une épidémie se développait. Ma petite chérie devait donc être plus médecin que les médecins, et ce alors que les chiffres n’avaient alors rien d’évident.1107347.jpg

Denier grief. Ma petite chérie aurait été membre du Comité permanent amiante (CPA), considéré comme lobby des industriels de l'amiante… Gros problème… sauf que rien ne l’établit. Le CPA a causé des dégâts, beaucoup, mais quelle preuve de l’implication de ma petite chérie dans les manœuvres ?  

Ma petite chérie conteste toute faute, expliquant au contraire qu’elle a fait tout ce qu’elle pouvait pour, depuis son bureau de directrice des relations du travail où elle était en mission temporaire et avec quelques autre questions à traiter, elle avait tout fait pour inverser le jeu contre les lobbies de l’industrie de l’amiante.

Et que sait le juge de la manière pour un haut administrateur de service d’être efficace ? Balancer tous azimuts des circulaire que personne le lit ? S’incarner en Parlement pour voter une loi ? Faire de grandes déclarations qui flattent l’esprit ou travailler à la marge, face des entreprises qui vous ignorent ? Etre plus forte que les grands médecins manitous de la santé publique, et prendre des cours accélérés pour apprendre à lire les radios pulmonaires ?

Le lien de causalité

Mais resterait le plus difficile, à savoir établir la certitude d’un lien de causalité, par une démonstration scientifique exempte de doute, car tout doute profite à l’accusé, entre une décision prise telle jour à telle heure et l’atteinte de l’état de santé de tel salarié. Bien difficile,… et même carrément impossible car dans le cas de l'amiante, il est très difficile de définir la date de la contamination. Aussi, à supposer que l’on puisse identifier des fautes, c’est la certitude du lien de causalité qui ferait défaut.

*   *   *

Alors pas de justice pour l’amiante ?  

Non, pas de justice pénale. Pour ce qui est de la responsabilité de l’Etat, sur le plan civil, elle est établie depuis 2004…

Ce qui est en cause, c’est cette manie de dire « il n’y a pas de justice s’il n’y a pas de justice pénale ». 

 

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