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L’état d’urgence est-il conforme à la Constitution ?

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Laurent-Xavier Simonel, 11/12/2015

Alors que le Conseil d’Etat est appelé à se prononcer, à l’issue de sa séance publique du 11 décembre 2015, sur la transmission au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité soulevée contre le régime législatif de l’état d’urgence, notons qu’il vient de décider, le 9 décembre 2015, de soumettre au test de leur constitutionnalité les dispositions législatives permettant le gel des actifs de la mouvance terroriste
L’état d’urgence est-il conforme à la Constitution ?
Le Conseil d’Etat doit se prononcer, à l’issue d’une audience qui se tient le 11 décembre 2015, sur le renvoi au Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité par laquelle Me Denis Garreau, avocat aux conseils, conteste la constitutionnalité des dispositions du régime législatif de l’état d’urgence (loi n° 55-385 du 3 avril 1955, récemment modifiée par la loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015).

L'assignation à résidence sous l'état d'urgence en question
Les modifications apportées à la loi de 1955 en novembre 2015 permettent l’assignation à résidence de personnes à l’égard desquelles il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Les dispositions initiales de 1955 permettaient de prendre cette mesure contre les personnes dont l’activité s’avère dangereuse pour la sécurité et l’ordre publics. Le passage de la certitude à la présomption, du risque à la menace, de l’activité au comportement, devra être pesé par le Conseil d'Etat pour apprécier le caractère nouveau ou sérieux de la question soulevée.


La QPC n° 2015-524 transmise par le Conseil d'Etat le 9 décembre 2015
Dans ce contexte, signalons que le Conseil constitutionnel est déjà saisi, depuis le 9 décembre 2015, d’une question prioritaire de constitutionnalité n° 2015-524 QPC dirigée contre les dispositions des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code monétaire et financier dans leur rédaction applicable en octobre 2014.

Ce régime législatif permet au ministre chargé de l’économie de geler les actifs des personnes physiques ou morales qui commettent ou tentent de commettre des actes de terrorisme, y incitent, les facilitent ou y participent. La notion de terrorisme retenue ici est définie, en détail, par l'article 1er, paragraphe 3, de la position commune du Conseil de l’Union européenne du 27 décembre 2001 relative à l'application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme 2001/931/PESC au 4 de l'article 1er du règlement (CE) n° 2580/2001 Conseil du 27 décembre 2001 concernant l'adoption de mesures restrictives spécifiques à l'encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme). Ces dispositions législatives habilitent, également, l’autorité ministérielle à geler les actifs des personnes qui ont commis, commettent ou, de par leurs fonctions, sont susceptibles de commettre des actes sanctionnés ou prohibés par les résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies (portant, notamment, sur le droit de légitime défense individuelle ou collective) ou des actes pris en application de l’article 15 du traité sur l’Union européenne relatif aux compétences du Conseil européen.

Le Conseil d’État ayant estimé que la question de la constitutionnalité de cet instrument d'assèchement financier des actions terroristes présente un caractère sérieux, le Conseil constitutionnel devrait se prononcer en janvier 2016, en particulier sur le point de savoir si ces dispositions portent atteinte au libre exercice du droit de propriété garanti, dans le bloc de constitutionnalité, par des articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

L’appréciation qui a été, ainsi, portée par le Conseil d’État ne devrait pas être dénuée de tout effet sur les résultats de son audience du 11 décembre 2015.


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