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Le blog ne rigole plus

Actualités du droit - Gilles Devers, 11/03/2012

Chères amies, chers amis, on arrête les salades. Le blog devient – le temps...

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Chères amies, chers amis, on arrête les salades. Le blog devient – le temps d’une journée – sérieux comme trois papes. J’ai mis mon costume bleu pétrole, la chemise bleu ciel et la cravate de ministre. Les souliers sont bien vernis, et le pli du pantalon est d’équerre. C’est qu’aujourd’hui je vous confie un discours du premier président de la Cour de cassation, Vincent Lamanda.

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Vincent est quelqu’un de très sérieux, pas comme moi. Lors de la rentrée de la Cour de cassation, Vincent a prononcé  un discours qui traite d’une question passionnante, à savoir le rapport entre les fonctions juridictionnelles nationales et européennes.

Vincent pose le blème d’entrée : on ne solde pas le droit national, certes, mais le supranational s’impose :

« Tout en demeurant une des expressions privilégiées de la fonction régalienne d’un Etat, la Justice veille désormais aussi à l’application de règles supranationales, en s’affranchissant, de plus en plus, de son ancrage territorial ».

On commence par le droit de l’Union européenne, celle des 27, un droit que le juge national a du s’approprier.

« Au sein de l’Europe des 27, la primauté donnée au droit de l’Union sur le droit de chaque pays membre implique, pour le juge interne, l’obligation d’en assurer le plein effet, « en laissant, de sa propre autorité, au besoin inappliquée toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel.

« La question préjudicielle, base d’un dialogue fécond entre les juges nationaux et la Cour de justice de l’Union, a permis au magistrat français de s’approprier, chaque jour davantage, le droit européen ».

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Le gros morceau est celui de la CEDH, au sein du Conseil de l’Europe et de ses 46 Etats.

« Dans un espace encore plus étendu, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et les décisions de la Cour de Strasbourg ont sensiblement fait évoluer la jurisprudence.

« A présent, en France, les conditions d’un procès équitable et, plus largement, les droits et libertés conventionnellement garantis, irriguent tout le champ juridictionnel et guident la pratique des cours et tribunaux ».

Les juges nationaux sont devenus les juges naturels de la mise en œuvre de la Convention.

« Certes, le contrôle de conventionalité n’intervient qu’à l’occasion d’un procès déterminé sans que la loi critiquée soit, pour autant, retranchée du droit positif. Ecartée en l’espèce, la disposition réprouvée pourra être appliquée dans d’autres cas.

« Mais l’essor des valeurs promues à l’échelle européenne a permis notamment de renforcer les garanties offertes aux justiciables ».

En pleine forme, mon Vincent ! Il souligne que le droit européen n’est pas d’un autre monde, mais juste un coup de pied au cul pour revenir au meilleur de notre culture juridique (Là, j'ai résumé).

« Il s’est agi souvent d’un simple retour aux sources. Les principes proclamés sont ceux que, depuis plus de deux siècles, la France, patrie des Droits de l’homme, n’a cessé de défendre et d’illustrer.

« C’est d’ailleurs moins une insuffisance des règles fondant nos institutions, que souligne parfois la Cour européenne des droits de l’homme, que leur mise en œuvre imparfaite qui n’en préserve pas assez l’effectivité ».

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Vincent poursuit, pour décrire comment se construit une pratique juridictionnelle mixte, mêlant doit écrit et common law. Là, je vois son œil malicieux, car common law, c’est le juge qui s’émancipe pour dégager des principes plus forts que la loi. Chères amies étudiantes et chers amis étudiants, notez bien ce qu’explique Vincent.  

« Si l’intégration européenne conduit à l’émergence d’un fonds juridique commun, elle a aussi pour effet d’aboutir à la lente élaboration de procédures hybrides empruntant leurs caractéristiques à la fois à la common law et au droit continental. L’accusatoire se diffuse dans l’inquisitoire et réciproquement. L’indépendance du pouvoir judiciaire s’affermit. Mais ce rapprochement à l’échelon européen n’exclut pas la concurrence des systèmes au niveau mondial.

« Nés tous deux en Europe, le droit romano-germanique ou droit continental et la common law demeurent les modèles juridiques les plus répandus et les plus influents de par le monde.

« Ce sont deux logiques, en partie différentes, reposant l’une sur l’autorité d’une jurisprudence censée "découvrir le droit", et l’autre sur un ensemble de normes préalablement édictées, voire idéalement codifiées. Chacune a ses mérites comme ses inconvénients.

« Dans les pays de common law, le droit se construit essentiellement à partir de situations vécues. Ce système est considéré comme concret et pragmatique. Mais il se révèle aussi extrêmement coûteux pour la société, en temps et en argent, et souvent fort inégalitaire.

« Quant au droit continental, s’il est plus lisible, plus cohérent et plus prévisible, il peut lui arriver de pêcher par excès d’abstraction, de complexité et d’éloignement des réalités sociales. En outre, il réserve aux activités publiques un traitement différent du droit commun.

« Il résulte de cette coexistence concurrente une sorte de mouvement de ciseaux : en Europe, une alliance de raison entre droit continental et common law, s’accompagnant d’enrichissements mutuels ; sur d’autres continents, un divorce entre eux d’autant plus conflictuel que les intérêts économiques sous-tendus sont importants ».

Là, Vincent devient quasi lyrique.

« Face à ce constat, notre Cour a acquis la conviction qu’il n’y a pas de rayonnement unilatéral dans un monde global ».

Bien dit, l’ami.

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