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Inaya perdue de vue, de vie

Justice au singulier - philippe.bilger, 21/09/2014

A quoi sert le principe d'un contrôle s'il ne s'exerce pas, la garantie d'une protection si elle n'est pas assurée ? Quand la vigilance est défaillante à ce point ou même absente, il n'est plus question de s'abriter derrière la pénurie des moyens. On n'a pas le droit d'être, service social, si peu un service et si honteusement, si petitement social.

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C'est d'abord la photographie d'une adorable petite fille, Inaya.

Ensuite, c'est le saisissement d'apprendre que née le 10 avril 2010, elle a été victime de violences gravissimes qui ont entraîné sa mort.

Après un placement d'un an pour maltraitance, Inaya âgée de 16 mois et son frère aîné Naïm, remis à leurs parents, sont à nouveau frappés. Inaya est gravement blessée au crâne après une douche brûlante et va être tellement battue qu'au moment de son décès, selon sa mère, elle ne pouvait plus s'alimenter depuis plusieurs semaines.

Inaya, un jour, est saisie, jetée à terre avant d'être rouée de coups de pied qui vont la tuer. Grégoire, le compagnon, serait le coupable, dit la mère.

Selon les parents, cette scène ultime aurait eu lieu au début de l'année 2012 mais il semble qu'elle se serait plutôt située vers la fin du mois d'août 2011.

Enfin, c'est la stupéfaction d'apprendre que la famille était certes suivie par des services sociaux mais qui, durant plus d'un an, n'ont jamais pu voir Inaya sans s'en inquiéter le moins du monde. Il aurait suffi qu'ils aillent au-delà de leur routine.

Le plus choquant tient à un rapport du mois d'août 2012, alors que la fillette était décédée depuis au moins huit mois, qualifiant l'ambiance familiale de "sereine" et ayant conduit le juge des enfants à lever le suivi !

Mais un nouveau signalement à l'automne 2012 contraignait les parents à révéler la mort d'Inaya.

Le coupable, si l'oralité des débats à venir n'en retient qu'un pour le meurtre aggravé sur Inaya, sera évidemment condamné, le moment venu.

Mais pour ces services dits sociaux qui ont laissé se perpétrer le pire à Avon, là où la famille résidait, que va-t-on faire ? Vont-ils seulement être mis en cause judiciairement ?

Avant même l'action pénale, face à des carences aussi scandaleuses et à des abstentions aussi indignes, à un tel défaut de conscience professionnelle et de curiosité, il conviendrait de répondre immédiatement. De mettre en branle un processus disciplinaire, une démarche d'exclusion.

A quoi sert le principe d'un contrôle s'il ne s'exerce pas, la garantie d'une protection si elle n'est pas assurée ? Quand la vigilance est défaillante à ce point, ou même absente, il n'est plus question de s'abriter derrière la pénurie des moyens. On n'a pas le droit d'être, service social, si peu un service et si honteusement, si petitement social.

J'enfonce des portes ouvertes et je mets en péril la sacro-sainte lenteur de la justice ? Ce qui m'importe, c'est que l'incompétence, la négligence, l'indifférence ne demeurent pas impunies. Quelle que soit la nature de la sanction.

Des responsables et des coupables.

Au mois de janvier 2013, le corps d'Inaya a été retrouvé dans la forêt de Fontainebleau sur les indications de la mère.

La famille maternelle va pouvoir donner une sépulture digne à cette petite enfant et l'article émouvant que Louise Colombet a consacré, le 19 septembre, à cette tragédie est une forme d'hommage (Le Parisien).

Inaya qui a été perdue de vue, perdue de vie.


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