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Femmes de l'année 2012...

Justice au singulier - philippe.bilger, 9/03/2012

Femmes de l'année 2012... Si l'une se taisait, si l'autre s'expliquait ?

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Cette campagne présidentielle n'abandonne pas l'épouse et la compagne sur le bord du chemin. Celles du président et de son principal adversaire.

Marine Le Pen forme avec Louis Alliot un couple mais aussi une entente politique. L'épouse de François Bayrou, dont ceux qui la connaissent, et son mari d'abord, louent la forte personnalité, demeure volontairement dans l'ombre mais à de petits signes on devine qu'elle compte. Laissons ces deux couples tranquilles.

L'épouse Carla Bruni-Sarkozy et la compagne Valérie Trierweiler sont devenues omniprésentes et il est évident que la façon dont nous les percevons aura une incidence, même minime, sur la manière dont nous déciderons de l'avenir. Le citoyen n'a pas à s'excuser de cette attitude, elle est naturelle. On sait que l'épouse a susurré, influencé, favorisé des nominations et, en dépit d'un revirement populaire final guère crédible, diffusé un modernisme snob. La compagne ne sera pas inactive si au mois de mai la victoire choisit François Hollande.

Il ne m'a pas semblé juste, de la part de celui-ci, de reprocher à Nicolas Sarkozy, lors de Cartes sur table (France 2), d'avoir exposé sa vie privée puisqu'il n'avait pas le choix, qu'on lui posait des questions sur ce sujet et que, de fait, pour expliquer ses dérives initiales il avait besoin de cette mise à nu.

Il n'empêche qu'on ne peut qu'être frappé, dans les coulisses en quelque sorte, de ces gestes de tendresse à chaque fois surpris qui, devant autrui, constituent le couple présidentiel comme ordinaire, un tantinet exhibitionniste et, je sais qu'on va m'accabler, sans la discrétion et l'allure qu'on espère de ces êtres qui nous représentent. Il y a de la tenue dans la réserve en face de tiers.

Je l'écris sans l'ombre d'une ironie : l'énergie manifestée par le président-candidat sur tous les plans pour reconquérir son électorat et éventuellement l'élargir pour un deuxième tour gagnable est littéralement plombée par les interventions de son épouse. Quand elle affirme "nous sommes des gens modestes", j'imagine la dérision ou l'indignation (Marianne 2), alors que l'austérité quasiment monastique décrite par Claude Guéant fait hausser les épaules. Quand elle évoque le travail colossal de son mari avec une adorable mièvrerie et, on le lui a reproché mais c'est vrai, un côté "nunuche", j'imagine au mieux l'ironie, au pire l'hostilité (France 5). Il y a dans tout ce que profère Carla Bruni-Sarkozy la délicieuse gentillesse condescendante des privilégiés qui prétendent jouer au peuple. C'est rafraîchissant mais élégamment décalé, déphasé, presque stupide à force d'inadaptation. Cela fait perdre des points à "mon mari" qui pourtant se donne à fond mais est poignardé dans le dos avec grâce et amour.

Valérie Trierweiler, à l'évidence, est une femme et une personnalité remarquables. On le sent, elle le sait, on devine qu'elle n'est pas seulement auprès de François Hollande "un atout charme" mais "un atout confiance, un atout vérité".

Elle a récemment protesté contre la couverture de Paris Match et la publication d'extraits d'un livre sur l'histoire de sa relation avec François Hollande. Elle s'est plainte de ne pas en avoir été prévenue alors qu'elle travaille notamment pour cet hebdomadaire. Elle a raison mais aurait-on sollicité son autorisation qu'elle l'aurait forcément refusée. Cependant, il est clair que François Hollande et sa compagne ont conscience des dangers, beaucoup moins superficiels qu'on le croit, d'une telle exposition médiatique même si le souci de l'actualité prétend la justifier.

Je ne peux pas ne pas prêter à Paris Match une intention subtilement perverse qui consiste à placer en quelque sorte sur le même registre le spectacle souvent ostensible du couple présidentiel et la réserve généralement affichée, à l'exception des manifestations politiques, par le candidat socialiste et sa compagne. Cette volonté de mettre les uns et les autres "dans le même bain" est d'autant plus maligne que François Hollande ne cesse pas de nourrir le fond de son discours avec une définition de la charge présidentielle devenant exemplaire par sa retenue, sa décence et sa discrétion. Comment ne pas appréhender "ce coup de force" médiatique comme une contradiction vulgaire apportée à cette aspiration dont la sincérité est évidente ?

Il y a plus grave et qui est susceptible d'engendrer des effets politiques. Le texte publié par Paris Match laisse clairement apparaître que le couple actuel serait devenu complice en 1997 et que, sans entrer dans le détail de leur lien, en 2007, et depuis quelques années, François Hollande ne vivait plus avec Ségolène Royal. Pourtant, lors de la campagne de celle-ci, qui le savait sinon les initiés, en tout cas pas le peuple maintenu dans l'ignorance et condamné aux apparences ? Certes, cette dissimulation n'est pas criminelle mais elle jette plus qu'une ombre sur l'attitude d'une personnalité qui ne jure que par la vérité, la sincérité et la loyauté. On ne saurait soutenir qu'alors il s'agissait d'un problème exclusif de vie privée car il n'aurait pas été indifférent, pour le débat public et tout ce qui se rapportait à la cause de Ségolène Royal - quelle vaillante, alors ! - de connaître ce qu'il en était entre elle et le père de ses enfants.

Femmes de l'année 2012... Si l'une se taisait, si l'autre s'expliquait ?

 


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