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Rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée : l’inaptitude du joueur professionnel

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Stéphane Bloch, Gratiane Kressmann, 2/05/2014

L’inaptitude des joueurs professionnels est un problème récurrent dans le milieu sportif notamment en raison de la particularité des CDD des sportifs.
1. Avant l’entrée en vigueur de la Loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit n°2011-525 du 17 mai 2011, en cas d’inaptitude professionnelle du joueur et d’impossibilité de reclassement en interne, si les parties souhaitaient rompre le CDD avant son échéance, elles étaient contraintes de solliciter sa résiliation judiciaire (Soc 23 mars 1999, n°96-40181).

L’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de Cassation du 5 mars 2014 (n°12-26993) en est un parfait exemple :
Un joueur professionnel de basket-ball avait conclu un CDD avec la société Elan Chalon pour la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2009. Il a été victime d’un accident du travail le 11 novembre 2006. Le médecin du travail l’a déclaré inapte à son poste par un avis du 19 septembre 2007.

Le 15 novembre 2007, le joueur a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire. Lors de l’audience en bureau de conciliation le 14 janvier 2008, l’employeur a également formulé une demande de résiliation judiciaire.

La rupture du contrat de travail a été définitivement fixée au 16 décembre 2008 « par l’arrêt rendu, entre les parties, par la cour d’appel de Dijon le 17 novembre 2009 » soit plus d’un an après la saisine du CPH !

L’ancienne procédure était excessivement longue et totalement inadaptée à ce type de contrat de courte durée.

2. La Loi du 17 mai 2011 a permis de simplifier la procédure.

Toutefois, malgré cette simplification, l’employeur se retrouve à devoir aller tout schuss en ne ratant aucune porte s’il veut transformer l’essai et non prendre un carton rouge.


Aujourd’hui, l’article L1243-1 du code du travail érige l’ « inaptitude constatée par le médecin du travail » comme motif de justification de la rupture anticipée du CDD, au même titre que la faute grave et la force majeure.

Cependant, le législateur a tenu à conditionner ce nouveau motif de rupture pour éviter tout abus.
En effet, l’article L1226-11 du code du travail dispose que :

« Lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suppression de son contrat de travail (..) ».

Désormais, l’employeur dispose donc d’un délai d’un mois à compter de l’avis d’inaptitude au poste de joueur professionnel émis par le médecin du travail pour :
- reclasser le sportif, physiquement inapte, à un poste « aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé » (article L1226-10 du code du travail) et en tenant compte des indications formulées par le médecin du travail ;
- à défaut de possibilité de reclassement, licencier le joueur.

2.1 Sur l’obligation de reclassement

Un mois, c’est un délai assez court surtout quand il s’agit de tenter de reclasser un sportif de haut niveau…

Cette obligation parait quelque peu extravagante dans le contexte sportif. Pour autant les juges du fonds se montrent assez sévères quant à sa stricte mise en œuvre (Soc, 5 décembre 2012, n°11-21849).

Ils s’appliquent à vérifier que l’employeur a réellement et loyalement tenté de reclasser le sportif « notamment avec la recherche d’un poste au sein de l’encadrement technique ou d’un service administratif ». L’employeur ne peut arguer « de la nature particulière du contrat à durée déterminée d’usage d’un sportif professionnel afin de justifier de l’impossibilité d’affecter le sportif à un autre emploi et ainsi de le reclasser » (CA Montpellier 21 juin 2006, n°05/02053).

2.2 Sur le licenciement du sportif

Si le joueur refuse les offres de reclassement ou si aucun poste n’est disponible, l’employeur peut rompre le contrat. Il devra alors informer par écrit le salarié et lui exposer les raisons.

En cas de rupture du CDD en parfaite conformité avec les dispositions de l’article L1226-10 du code du travail, l’employeur sera tenu de respecter la procédure de licenciement pour motif personnel et devra verser au joueur une indemnité de rupture dont le montant ne pourra être inférieur :

 à celui de l’indemnité légale de licenciement en cas d’inaptitude d’origine non professionnelle,
 au double de celui de l’indemnité légale de licenciement cas d’inaptitude d’origine professionnelle.

Au contraire, si l’employeur rompt le CDD en parfaite violation des dispositions de l’article L1226-10 du code travail, il sera condamné à verser au salarié une « indemnité qui ne peut être inférieure au montant des salaires et avantages qu’il aurait reçus jusqu’au terme de la période en cours de validité de son contrat ».

3. Passé ce délai d’un mois, si le joueur n’est ni reclassé, ni licencié, l’employeur doit reprendre le paiement du « salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail » jusqu’au terme initial du CDD (article L1226-11 du code du travail).

La solution est d’ailleurs identique, que l’inaptitude ait été constatée avant ou après l’entrée en vigueur de la Loi du 17 mai 2011.

En effet, dans l’arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 2014 susvisé (n°12-26993), l’employeur a été condamné à verser au joueur le montant correspondant à son salaire pour la période du 19 octobre 2007 au 16 décembre 2008, date définitive de la rupture judiciaire du CDD. En l’espèce, les juges ont considéré que la date à prendre en compte n’était pas le jour où les parties avaient eu la volonté de rompre le CDD mais le jour de la rupture judiciaire du CDD.

(A noter que pendant ce délai d’un mois, l’employeur n’est pas tenu de payer le salaire sauf disposition contraire comme par exemple, l’article 267 de la Charte du Football Professionnel)




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EXTRAITS DU CODE TRAVAIL :

- Article L1226-10

« Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail. »


- Article L1226-11

« Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail. »


- Article L1226-12

« Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.
L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions.
S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III. »


- Article L1226-21

« Lorsque le salarié est déclaré apte à l'issue des périodes de suspension, la rupture du contrat de travail à durée déterminée par l'employeur en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-8 ouvre droit à une indemnité correspondant au préjudice subi. Cette indemnité ne peut être inférieure au montant des salaires et avantages qu'il aurait reçus jusqu'au terme de la période en cours de validité de son contrat.
Il en va de même pour un salarié déclaré inapte en cas de rupture par l'employeur en méconnaissance des dispositions des articles L. 1226-10 et L. 1226-11 ou du deuxième alinéa de l'article L. 1226-20. »



- Article L1243-1

« Sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave ou de force majeure. »



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