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La belle et généreuse Europe que voilà !

Justice au Singulier - philippe.bilger, 13/07/2015

Et de garder son pays au coeur bien davantage que dans la zone euro. La Grèce. Et Alexis Tsipras.

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Pour qui se faisait encore des illusions sur l'esprit européen, les négociations haletantes et fiévreuses à Bruxelles, après le référendum grec, ont démontré seulement un terrifiant réalisme et le culte de la dureté, la loi du dominant au détriment d'une solidarité qui aurait pu pourtant se manifester sans tomber dans la naïveté.

La Grèce s'est vu imposer de telles conditions qu'elles ont même heurté les fonctionnaires européens. Le pays est "placé sous tutelle" et il est clair qu'on a fait payer à Alexis Tsipras la peur que son risque d'extrémisme avait suscitée (Le Monde). Même la virtualité révolutionnaire doit être sanctionnée lourdement !

Je ne sais si la Grèce va mourir guérie. En tout cas elle va se sentir encore plus mal mais elle a été aidée.

Pour quoi faire ? Pour pratiquer une politique et prendre des mesures conformes à l'orthodoxie et à l'austérité punitives mais dont l'inspiration se flatte d'être aux antipodes du bonheur du peuple grec.

On va encore plus détester le joug européen en Grèce et, chez nous et dans d'autres pays, on a tout de même admis que le sadisme avait ses limites et que l'humiliation n'était pas une fin en soi. Des masques sont tombés et la force nue est réapparue.

Le couple franco-allemand a éclaté au profit de l'Allemagne et la France se dit fière d'avoir empêché un Grexit. On a les béatitudes qu'on peut.

Manuel Valls qui n'oublie pas les flagorneries intéressées même quand elles ne sont vraiment pas de mise nous assure que François Hollande s'est hissé à la hauteur de l'Histoire. Il a encore beaucoup d'escalade à accomplir et je ne sais si on peut qualifier d'Histoire la participation à une entreprise collective qui laisse un goût amer, a diminué encore plus le désir d'Europe et défiguré l'humanisme et la générosité sans lesquels être ensemble n'a plus aucun sens.

Qu'on ne vienne pas soutenir absurdement à droite, comme Eric Woerth et Eric Ciotti ont osé le dire, que Nicolas Sarkozy, plus que François Hollande, doit être crédité de ce succès désastreux.

Je n'oublie pas que l'ancien président de la République, contre tous les usages, a critiqué à l'étranger son successeur en pleine bataille européenne. Qu'on le veuille ou non, François Hollande représentait la France, et nous tous avec elle.

Rien à sauver donc au soir de cette étrange victoire. Si singulière et paradoxale que ma seule pensée est pour quelqu'un qui a été vaincu, mais si honteusement, si cyniquement, si puissamment qu'on a envie de l'applaudir, lui.

Et de garder son pays au coeur bien davantage que dans la zone euro.

La Grèce.

Et Alexis Tsipras.


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