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Prostitution : La loi de Bambi est nulle

Actualités du droit - Gilles Devers, 30/11/2013

Bambi, gloire médiatique de la loi sur la prostitution... J’ai cru qu’il...

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Bambi, gloire médiatique de la loi sur la prostitution... J’ai cru qu’il s’agissait de son projet de loi, mais en fait, c’est une proposition de loi, d’origine parlementaire. Bon, et peu importe, car cette loi, fondée sur l’ordre moral et ignorante du droit, est nulle. Il y aura peut-être une majorité pour voter ce texte, mais tout le monde s’en fiche, car elle ne sera jamais appliquée.

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Victime d’une infraction qui n’existe pas…  

La bêtise commence avec la nouvelle rédaction (espérée) de l’article L. 121-9 du code de l’action sociale et des familles: « Toute personne victime de la prostitution doit bénéficier d’un système de protection… »

« Victime de » signifie « victime d’une infraction ». La prostitution, soit le fait pour une personne de se livrer à la prostitution, est-elle une infraction ? Non. Donc la prostituée n'est pas victime de la prostitution. C’est nul. Une victime du proxénétisme, ou une victime de violences, on sait ce que sait. Mais victime d’un fait qui n’est pas une infraction, il fallait Bambi pour l’inventer. La science juridique lui en est reconnaissante.

Un gros leurre pour les immigrées

La philosophie faux-cul de la loi se poursuit avec l’adjonction (espérée) d’un article L. 316-1-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. C’est un truc bien gluant à la mode SOS Racisme « laissez venir à moi les gentils arabes, et je finirai de les blanchir » :

« Art. L. 316-1-1. – Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, une autorisation provisoire de séjour d’une durée de six mois peut être délivrée à l’étranger, victime des mêmes infractions qui, ayant cessé l’activité de prostitution, est pris en charge par une association agréée par arrêté du préfet du département et, à Paris du préfet de police, pour l’accompagnement des personnes soumises à la prostitution. La condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigée. Cette autorisation de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. »

Vous avez bien compris. Comme Bambi a décrété in peto que la prostitution était illégale, elle demande à la République de faire la brave fille pour aider les filles à sortir du bousin. Si avec ça elle ne fait pas une de Elle…

Alors lisons ensemble ce gag de loi.

L’autorisation provisoire de séjour « peut » être délivrée… mais elle peut aussi ne pas l’être, et comme la loi ne donne aucun critère, c’est du pur bidon de chez bidon. Si la préfecture refuse, la personne n’a aucun recours car le mesure est de pure opportunité.

Si le préfet accepte, l’autorisation est valable pour six mois. Donc, c’est six mois pour suivre une formation, trouver un CDD, un logement, maîtriser le français, faire un dossier pour un long séjour, et obtenir l’autorisation du long séjour… Le tout en six mois ! Quelle blague… A ce stade, c’est du vice…

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La pénalisation du client

C’est le grand (gland ?) truc branchouille… Un nouvel article 225-12-1 du Code pénal :

« Art. 225-12-1. – Le fait de solliciter, d’accepter ou d’obtenir des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d’une rémunération, d’une promesse de rémunération, de l’utilisation d’un bien immobilier, de l’acquisition ou de l’utilisation d’un bien mobilier, ou de la promesse d’un tel avantage, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

« La récidive de la contravention prévue au présent article est réprimée conformément à l’article 132-11 ». Donc, la taule. 

Une infraction hémiplégique

D’abord, la base est géniale d’aberration. Le fait de se prostituer n’est pas une infraction, mais le fait d’y recourir est une infraction. Ce que la loi accepte donc, c’est la personne qui se prostitue mais n’a jamais de client. Il fallait le faire... Bambi l'a fait ! 

Une infraction sans limite

Ensuite, le texte souffre de la bêtise de ceux qui l'ont rédigé… et qui ont renoncé à définir ce qu’est la prostitution. Créer une infraction sans définir le fait principal, c'est accélérer sur une plaque de verglas. Lisons, chères sœurs, chers frères. 

Le fait de solliciter des relations de nature sexuelle d’une personne qui se livre à la prostitution de façon occasionnelle en échange de l’acquisition d’un bien mobilier est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe.

Donc, je cherche à séduire, ou à draguer, en offrant un bijou (ou les œuvres complètes de Bambi, publiées à la Pléiade) : est-on oui ou non dans la prostitution occasionnelle ? Et puis comment qualifier juridiquement le « solliciter » ? Pour le bourrin qui demande « Bonjour Madame, voulez-vous couchez avec moi si je vous offre ce bijou (ou les œuvres complètes de Bambi, publiées à la Pléiade) », c’est bon. Mais quid pour le rusé, qui agit par malice, sous-entendus et stratagèmes? On tape les buses et on laisse les malins tranquilles ?

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Une infraction qui viole les droits fondamentaux

Et puis il reste le principal, le principal de l’ignorance du droit, droit remplacé par un ordre moral de mes deux : le fait d’avoir des relations avec une prostituée est qualifié légalement d’infraction. La pauvre Bambi, qui s’était lamentablement vautrée en agitant le principe d’égalité pour le mariage pour tous, ressort de son tiroir à malices le principe de dignité. Mauvaise pioche : l’ordre moral, c’est bon pour la Corée du Nord, mais pas chez nous.

L’article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme protège le droit à l’autonomie personnelle, principe important qui sous-tend l’interprétation des garanties de l’article 8 (Pretty, 29 avril 2002). Ce droit implique le droit d’établir et entretenir des rapports avec d’autres êtres humains et le monde extérieur (Burghartz, 22 févreir 1994 ; Friedl, 31 janvier 1995), et ce y compris dans le domaine des relations sexuelles, qui est l’un des plus intimes de la sphère privée et est à ce titre protégé par cette disposition (Smith et Grady, 27 septembre 1999).

Le droit d’entretenir des relations sexuelles découle du droit de disposer de son corps, partie intégrante de la notion d’autonomie personnelle. A cet égard, « la faculté pour chacun de mener sa vie comme il l’entend peut également inclure la possibilité de s’adonner à des activités perçues comme étant d’une nature physiquement ou moralement dommageables ou dangereuses pour sa personne. En d’autres termes, la notion d’autonomie personnelle peut s’entendre au sens du droit d’opérer des choix concernant son propre corps » (Pretty). Cette analyse a été développée dans l’arrêt qui fait référence (K.A. ET A.D. c. Belgique, n° 42758/98 et 45558/99, 17 février 2005).

Pour ceux qui savent actionner leur cerveau, cela signifie que la loi ne peut qualifier pénalement un comportement librement consenti.

Ah, j’entends déjà qu’on va m’invoquer la contrainte sociale et économique. Sauf que (1) la loi de Bambi ne qualifiant pas la prostitution, et reconnaissant la prostitution occasionnelle, toute relation avec un cadeau est exposée. Et sauf que (2), si la loi reconnait la contrainte sociale et économique comme un critère juridique permettant de contester des actes passés avec un consentement apparent, il faut prévoir, dans le contexte social actuel, de sacrés embouteillages devant les tribunaux…

Hier, il n’y avait que vingt députés, requis pour voter cette loi. En fait, il y en avait dix-neuf de trop. Un seul député pour voter la plus nulle des lois, c’eût été largement suffisant.

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