Actions sur le document

Réforme du droit des obligations: L’introduction en droit commun des contrats de l’interdiction des clauses abusives (fiche n°5)

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Sophie Chavanes, 3/07/2015

I. NOTION ET CONTEXTE
1. En l’état actuel du droit, les clauses contractuelles abusives, définies comme celles créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à un contrat, sont interdites (i) en droit de la consommation, dans les relations entre professionnels et non-professionnels et (ii) en droit des pratiques restrictives de concurrence, entre partenaires commerciaux.

2. La Chancellerie, dans le cadre de son projet de réforme du droit des obligations, souhaite intégrer ce principe d’interdiction dans le code civil et ainsi l’étendre à l’ensemble des contrats.

II. TRAITEMENT ACTUEL
3. Le régime des clauses abusives est né en droit de la consommation.

Codifié à l’article L. 132-1 du code de la consommation, il est strictement encadré afin de protéger le consommateur, considéré comme la partie faible au contrat.

En effet, les articles R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation dressent respectivement une liste de clauses regardées comme abusives de manière irréfragable eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat et une liste de clauses présumées abusives, sauf au professionnel à rapporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Ces clauses sont réputées non écrites.

4. La notion de déséquilibre significatif a par la suite été introduite dans le droit des pratiques restrictives de concurrence, à l’article L. 442-66 I 2° du code de commerce, afin de protéger la partie faible dans les négociations intervenant entre partenaires commerciaux, notamment le fournisseur dans ses relations avec le distributeur, ou encore le sous-traitant ou le franchisé.

Le régime des clauses abusives tel que régi par le code de commerce n’est pas encadré aussi strictement qu’en droit de la consommation. En particulier, le code de commerce ne dresse pas de liste de clauses présumées abusives. Le conseil constitutionnel a toutefois jugé que la notion de déséquilibre significatif est suffisamment claire en ce qu’elle se trouve déjà visée par l’article L. 132-1 du code de la consommation et en ce que son contenu a été précisé par la jurisprudence (Décision n°2010-85 QPC du 13 janvier 2011).

Le code de commerce prévoit diverses sanctions qui peuvent être prononcées de manière alternative ou cumulative : nullité de la clause ou du contrat illicite, amende civile, réparation des préjudices subis.

III. LES APPORTS DE LA REFORME
5. Le projet de nouvel article 1169 du code civil, inséré dans le chapitre général relatif à la formation du contrat, et plus spécifiquement dans une section consacrée à la validité du contrat, est rédigé comme suit : « Une clause qui créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat peut être supprimée par le juge à la demande du contractant au détriment duquel elle est stipulée.

L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur la définition de l’objet du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »


6. Ainsi, l’interdiction des clauses abusives ne concernerait plus seulement les contrats conclus entre professionnels et consommateurs et entre partenaires commerciaux mais serait étendue à tout contrat conclu entre personnes capables au sens du code civil.

IV. APPRECIATIONS ET PROPOSITIONS
7. Le texte proposé s’inspire largement de la rédaction de l’article L. 132-1 du code de la consommation et a pour objectif affiché par la Chancellerie de protéger la partie faible au contrat. Toutefois, de par son champ d’application très large, ce texte donne en pratique la possibilité au juge de sanctionner un déséquilibre entre les droits et obligations des parties indépendamment d’un quelconque rapport de force, puisque tout type de contrat serait concerné quelle que soit la qualité du cocontractant.

8. Des critiques s’élèvent d’ailleurs pour dénoncer l’atteinte excessive portée par ce texte, dans sa rédaction actuelle, au principe de liberté contractuelle, considérant que le rôle du juge est de faire produire effet à l’accord des parties au contrat et non de rétablir un équilibre entre les droits et obligations des parties. Ainsi, le champ d’application de ce texte pourrait être limité aux contrats dont l’encadrement est nécessaire dès lors qu’ils sont structurellement déséquilibrés, et en particulier aux contrats d’adhésion.

9. La sanction applicable à la clause considérée comme abusive fait également débat. En effet, le projet d’ordonnance vise la possibilité pour le juge de « supprimer » la clause considérée abusive. Cette sanction est pour l’heure inconnue du code civil. Dans un souci de sécurité juridique et afin d’éviter tout ambigüité quant à la portée de la sanction encourue, la sanction du « réputée non écrit » (utilisée par le texte du code de consommation) ou de la nullité de la clause (utilisée par le texte du code de commerce) pourrait se substituer à la sanction actuellement envisagée.

10. Enfin, selon la Garde des Sceaux, le texte devrait sans doute être révisé dans les mois à venir afin d’organiser l’interaction entre les dispositions spéciales du code de la consommation et du code de commerce et les dispositions générales du code civil.


Retrouvez l'article original ici...

Vous pouvez aussi voir...