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L’UMP impose l’ordre moral à La Réunion

Actualités du droit - Gilles Devers, 28/03/2012

L’UMP devrait prendre pour emblème le faisan tellement sa politique est...

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90caa8774c2d7990413990b7ad37b3b7.jpgL’UMP devrait prendre pour emblème le faisan tellement sa politique est faisandée. L’andouille du jour s’appelle Didier Robert, et c’est le digne président du conseil régional de La Réunion.

Cette buse vient de retirer la subvention de 150 000 euros qui avait été allouée au festival de musique Sakifo, le plus important de La Réunion. La somme représente à peu près le tiers du budget, et c’est le festival lui-même qui est menacé.

Motif du l’ahuri Didier Robert ? « J'ai été élu pour défendre des valeurs. Ces valeurs, ce sont celles de la famille, de la tolérance, du vivre ensemble». Je croyais que les élus devaient appliquer la loi, mais celui-là pense pouvoir imposer sa morale à la noix : « La violence verbale, les appels à la haine, au viol, à la pédophilie, à la violence physique portés par l'un des artistes invité du Sakifo 2012 ne peuvent obtenir ma caution. Quelle serait notre attitude face à des personnes prônant aujourd'hui l'extermination des juifs, des musulmans, des catholiques, des orthodoxes, des tamouls et des autres ? »

J’ai tout de suite fait le lien avec l’actualité, avec des cibles évidentes.

L’attaque contre les valeurs de la famille, c’est DSK qui traite les femmes de « matériel », et ce « matériel » dénonce sur PV un défoulement sexuel, bestial.

La violence verbale, c’est Sarko pour qui un arabe est un « musulman d’apparence », même quand c’est un kabyle catholique. Ce n’est plus l’habit qui fait le moine, c’est la couleur de sa peau.

L’appel à la haine, c’est Marine, la misérable gérante de la SARL Le Pen qui tente de se refaire une santé en vomissant que Mohamed Mehar « se considérait comme musulman avant d’être français », ce qui signifie que les musulmans sont des sauvages que la France essaie de civiliser.

En toute logique, ces déclarations appelleraient trois procès, certes,... Mais pourquoi avoir retiré la subvention ? Je crains d'être sur une fausse piste.

En fait, ce retrait de subvention ne doit rien à ces propos indignes, mais à une œuvre de création, une chanson,… et qui date de 2009. Trois ans pour que ça remonte au cerveau de notre ectoplasme UMP. 23418053_3472480.jpg

La chanson, c’est Sale pute, et le chanteur Orelsan. Un mec raconte sa séparation, son désarroi, et sa haine contre son ex-devenue une « sale pute ». C’est d’une grande originalité, car aucun artiste n’avait traité cette question…  

Le chœur des nouilles hexagonales, de Ségo à Ni Putes Ni Soumises – cette Académie des sciences associales – avait poussé des petits cris, et Orelsan avait expliqué sur Rue 89 : « Je comprends que ça ait pu heurter certaines personnes et c'est dommage et je m'excuse auprès de ces personnes mais j'ai le droit d'avoir fait cette chanson, c'est une fiction et je ne regrette pas de l’avoir fait ».

Depuis, il a repris ses concerts. Il sera à l’Olympia en mai, aux Solidays en juin, et il a récupéré deux victoires de la musique 2012.

On se retrouve ainsi avec une bonne grosse censure, au nom de l’ordre moral. La problématique est archiconnue : on laisse le mec s’exprimer, et s’il y a abus de la liberté d’expression, on engage un procès, mais on n’interdit pas a priori.

Le grand mérite de l’artiste est de savoir dire les choses. Décrire le désarroi d’un mec abandonné, montrer comment un amour blessé fait basculer dans la violence, c’est dire ce qui se passe, mais ce n’est pas l’encourager.

S’il veut être cohérent – hypothèse d’école – l’UMP Didier Robert doit envoyer demain ses brigades morales pour faire retirer des librairies les œuvres de Sade, publiées La Pléiade, J’irai cracher sur vos tombes de Boris Vian, Bagatelles pour un massacre de Céline ou Les Fleurs du Mal, de Baudelaire.   

Cette décision est ouvertement illégale, la jurisprudence étant établie pour dire que doivent s’exprimer toutes les idées « même celles qui choquent, qui heurtent ou qui blessent » (CEDH, Handyside, 1976). Un petit référé devant le tribunal administratif – la procédure est urgente car le retrait de subvention met en péril l’existence du festival – remettrait un peu de méthode dans la tête de notre agité de l’ordre moral.

Je pense d’ailleurs que les élus PS de la région vont être les premiers à protester, car le PS est le grand ami des artistes, non ?

Alors, DSK, Sarko et Le Pen blanchis, pendant qu’Oreslan est censuré... Juvénal, le poète romain l’avait si bien dit : « La censure pardonne aux corbeaux et poursuit les colombes ».

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Le maréchal Mac Mahon, gouvernement de l'ordre moral, 1873-1877 


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