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Le principe de l'interprétation stricte des contrats d’auteur à l’épreuve du droit commun

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Cécile Fontaine, 27/11/2012

La 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 30 mai 2012 (n°10-17.780) contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 8 avril 2010, a ouvert une brèche dans le principe de l’interprétation stricte des contrats d’auteur en admettant, à l’aune du droit commun des contrats, la possibilité d’une cession implicite des droits d’auteur.
Dans cette affaire, un reporter photographe, ancien salarié d’une agence de presse, avait, à son départ, donné son accord pour que ses photographies continuent d’être exploitées par l’agence, à charge pour elle de lui rétrocéder 25% des sommes qu’elle en retirerait.

L’agence de presse a, par la suite, perdu les originaux de certaines de ces photographies et a diffusé certains clichés sur son site Internet sans que le photographe n’ait jamais autorisé leur diffusion par cette voie ni leur numérisation préalable.

Le photographe a alors assigné l’agence de presse sur le fondement de sa responsabilité contractuelle au titre de manquement de son obligation d’exploitation et de conservation des œuvres, en demandant réparation du préjudice subi du fait de la perte des supports originaux, ainsi que sur le fondement de la contrefaçon.

La Cour d’appel de Paris dans une décision du 8 avril 2010 a condamné l’agence de presse au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte et l’a condamné sur le fondement de la contrefaçon du fait de la numérisation des photographies sans l’autorisation de leur auteur.

Sur pourvoi formé par l’agence de presse, la Cour de cassation a validé la condamnation au titre de la perte des supports originaux mais a cassé l’arrêt d’appel sur le fondement de la contrefaçon en estimant que la Cour d’appel aurait du rechercher « si la numérisation et la mise en ligne des photographies n’étaient pas impliquées, en l’absence de clauses contraires, par le mandat reçu de commercialiser ces images et le besoin d’en permettre la visualisation par des acheteurs potentiels ».

La Cour semble admettre la possibilité de l’existence d’une cession implicite des droits d’exploitation dans le cadre du mandat de commercialisation dont l’agence de presse était investie en se fondant sur les articles 1134 et 1135 du Code civil relatifs à l’exécution de bonne foi des contrats, à leur interprétation et à l’équité.

Or, cette décision entre en conflit avec le principe d’interprétation stricte des cessions de droits d’auteur prévu à l’article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle aux termes duquel, tout ce qui n’est pas expressément cédé reste la propriété de l’auteur.

En effet, la Cour invite ainsi les juges du fond à mettre en balance les règles protectrices, spéciales et d’ordre public du droit d’auteur avec ces principes du droit commun que sont la bonne foi et l’équité dans les conventions.

L’on comprend que, selon la Cour de cassation, cette exploitation numérique fait, ab initio, partie intégrante de la cession comme étant le prolongement de la commercialisation des photographies confiée à l’agence de presse et que de ce fait, cette exploitation ne nécessite pas d’obtenir l’autorisation expresse de l’auteur.

Il est permis de s’interroger sur les conséquences d’une telle position sur les règles du droit d’auteur car, du fait de cette brèche, l’on pourrait imaginer que la bonne foi et l’équité puissent être également soulevées pour contester le principe de l’indifférence du contrat de commande ou du contrat de travail sur la titularité des droits d’auteur.

Pour tenter de tempérer l’impact de cet arrêt, il faut toutefois rappeler que la Cour de cassation ne donne pas de solution mais invite seulement la Cour d’appel de renvoi à examiner le mandat confié à l’agence de presse et la cession des droits qui y est incluse, à l’aune des principes de bonne foi et de l’équité.

Il faudra attendre la décision de la Cour d’appel de renvoi pour connaître le sort des photos et savoir si les juges du fond vont suivre la Cour de cassation quant aux velléités d’assouplissement des règles du droit d’auteur


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