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Avec SavoirsCom1, à l’action sous le signe des biens communs !

:: S.I.Lex :: - calimaq, 21/09/2012

“Être libre et agir ne font qu’un” – Hannah Arendt. Silvère Mercier a annoncé mardi sur son blog le lancement du nouveau collectif SavoirsCom1, Politiques des biens communs de la connaissance, et au terme d’une première semaine tourbillonnante, je tenais … Lire la suite

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“Être libre et agir ne font qu’un” – Hannah Arendt.

Silvère Mercier a annoncé mardi sur son blog le lancement du nouveau collectif SavoirsCom1, Politiques des biens communs de la connaissance, et au terme d’une première semaine tourbillonnante, je tenais moi-aussi à ajouter quelques mots.

Le logo SavoirsCom1, qui nous a été offert par Geoffrey Dorne. CC-BY.-SA.

A voir les personnes qui ont répondu à l’appel que nous avons lancé sur la base du Manifeste SavoirsCom1, nous avons déjà rempli une partie de l’objectif que nous nous étions fixé : fédérer une communauté d’intérêt autour de la notion de biens communs de la connaissance, pour rassembler des acteurs issus d’horizons divers, mais partageant les mêmes valeurs : bibliothécaires et documentalistes,  certes mais aussi journalistes, juristes, wikipédiens, organisateurs d’évènements, élus locaux, économistes, chercheurs, enseignants, etc. Cette diversité constitue une richesse fondamentale, sur laquelle l’action pourra s’appuyer et qui lui donnera sa force. Elle est le reflet des liens qui avaient commencé à se tisser sur les réseaux en ligne, puissant facteur de métissage et de décloisonnement.

Pow Wow. Par stephanie.says. CC-BY-NC-ND.

Authueil a salué de son côté la naissance du collectif, par des mots qui nous vont droit au coeur. Merci à lui !

Ce nouveau collectif vient combler un angle mort, celui de la réflexion sur les droits du public et sur les usages culturels et “intellectuels” du numérique, dans une parfaite complémentarité avec ce qui existe déjà. Seules des personnes issues de ces milieux de la diffusion du savoir que sont les bibliothécaires (au sens large) pouvaient pleinement prendre en charge cela.

Le positionnement de SavoirsCom1 n’est cependant limité pas aux bibliothèques, ni au périmètre de l’InfoCom, même si ses fondateurs sont issus de ces communautés. Il a vocation à rassembler tous ceux qui se reconnaîtront dans les principes énoncés par le Manifeste de SavoirsCom1 :

1. La neutralité de l’Internet est vitale

2. La protection des données personnelles doit être un élément de lutte contre des enclosures

3. Dans la perspective d’une science ouverte au-delà du cercle académique, l’accès libre aux publications scientifiques doit primer face aux phénomènes d’appropriation de la recherche publique.

4. Les ressources éducatives libres sont autant de biens communs informationnels dont il faut encourager le développement.

5. L’ouverture des données publiques dans des conditions qui évitent les enclosures doit favoriser des cercles vertueux.

6. L’usage des logiciels libres est de nature à garantir aux utilisateurs la possibilité d’expérimenter, d’innover, de créer du code informatique ouvert et de qualité.

7. Le partage non marchand d’œuvres protégées doit être possible, et des mécanismes de rémunération alternatifs pour les auteurs doivent être explorés.

8. Le domaine public et les savoirs partagés doivent être encouragés, préservés et soutenus par les politiques publiques.

9. Placer les biens communs au cœur des modèles économiques de l’information.

10. Favoriser la création et le développement des biens communs informationnels sur les territoires.

En ce qui me concerne, le cheminement qui m’a conduit aux Biens communs de la connaissance, passe par trois rencontres fondamentales : théorique, pratique et politique. Et par une petite étincelle qui a mis le feu aux poudres…

La première étape a été théorique et ce fut la lecture de l’ouvrage Libres Savoirs : les biens communs de la connaissance, publié chez C&F;, la maison d’édition dirigée par Hervé le Crosnier. Ce livre constitue une compilation d’articles, traductions et textes originaux, montrant comment la notion de biens communs, dégagée à l’origine à partir de l’étude des pratiques de partage et de gestion collective des ressources naturelles rares, pouvait s’appliquer au champ de la connaissance et apporter une lumière nouvelle, particulièrement utile pour penser les évolutions provoquées par Internet et le numérique.

Ce livre permet de découvrir de manière approfondie l’histoire de la notion de biens communs, ses applications dans le champ de l’économie et de l’écologie et la manière dont Elinor Oström, prix Nobel d’économie 2009, l’a étendue avec profit au domaine de la connaissance.

La grande vertu de cet ouvrage est de montrer comment la notion de biens communs de la connaissance constitue un carrefour où peuvent se retrouver des acteurs agissant dans des champs séparés : juridiques, économiques, citoyens ou théoriques. Pour moi, il a apporté un niveau de compréhension plus général et une ouverture à de nouvelles problématiques, qui ne m’ont plus quittées depuis.

J’ai achevé de lire ce livre dans un train qui m’amenait en Bretagne pour participer à la deuxième édition de “Brest en biens communs“, une manifestation organisée par la municipalité de Brest tous les deux ans pour faire connaître et faire vivre la notion de biens communs à l’échelle du territoire.

Impulsé par Michel Briand et relayé par de nombreux acteurs locaux, cet évènement montre de manière très concrète comment la notion de biens communs peut s’incarner dans la vie quotidienne d’une cité (j’avais par exemple parlé dans S.I.Lex de cette idée géniale d’organiser une opération de “libération des soupes”, excellent moyen de faire comprendre ce qu’est la mise en partage et la transmission du savoir). Ce fut une vraie révélation – pratique celle-là – du potentiel de cette notion, après le déclic théorique provoqué par Libres Savoirs.

La troisième rencontre qui m’a conduit sur la piste des biens communs est d’ordre politique. C’est celle avec Philippe Aigrain, qui avec son programme “Éléments pour la réforme du droit d’auteur et des politiques culturelles liées“, dresse un plan d’action pour une refonte générale du système, ancré dans la notions de biens communs culturels, à travers la légalisation du partage non-marchand et la mise en place d’une contribution créative. Ce plan d’action, soutenu par la Quadrature du Net, s’enracine également dans un ouvrage “Sharing : Culture and The Economy In The Internet Age“.

Intégrant pleinement la question des usages collectifs de la culture, en faveur desquels je milite depuis longtemps sur S.I.Lex, ces propositions forment une plateforme cohérente, particulièrement précieuse pour passer à l’offensive, après des années à essayer de se défendre contre des projets liberticides.

J’ajouterais un quatrième élément dans ce cheminement, qui explique pourquoi nous avons voulu nous organiser sous la forme d’un collectif : celui de l’expérience de la CopyParty, riche d’enseignements. Il nous a montré qu’une initiative, portée par des individus sollicitant leurs réseaux par le biais des outils numériques, pouvait atteindre un retentissement médiatique certain et prétendre à une légitimité, consacrée par la remise du prix i-expo 2012. Cette expérience a démontré que l’action ne doit plus se cantonner à des prises de position, destinées à appuyer des revendications auprès des élus et des décideurs. Elle doit prendre des formes plus innovantes et “créer l’évènement”, en apportant la preuve par l’exemple des propositions soutenues.

Ces jalons ont conduit au lancement de SavoirsCom1 et c’est à la fois un plaisir et un honneur qu’Hervé Le Crosnier et Philippe Aigrain aient accepté d’en être les parrains, tout comme de pouvoir compter Michel Briand et Olivier Ertzscheid parmi les membres. Bien d’autres ont rejoint l’aventure et les perspectives d’action paraissent plus enthousiasmantes que jamais ! Une rencontre doit avoir lieu le 26 septembre, organisée par l’association Vecam, avec un projet de constitution d’un réseau francophone autour des biens communs, qui sera l’occasion de tisser encore de nouvelles connexions autour de cette notion.

Il n’aura échappé à personne que nous avons choisi la forme du collectif et non celle d’une association. Quelques mots supplémentaires à ce sujet… Ce choix tire également les leçons de nos engagements passés et s’enracine dans une conception de la légitimité de l’action collective qui n’est plus compatible avec la seule logique représentative classique à l’oeuvre dans les associations. Internet et les réseaux ont favorisé l’émergence d’une “légitimité agissante”, où des initiatives sont lancées par de petits groupes, voire parfois par des individus, et font boule de neige, à mesure qu’elles se développent. Cette conception rejoint le concept de “démocratie liquide“, défendue notamment par le Parti Pirate, et s’ancre dans les dynamiques de participation et de contribution qui sont le propre d’Internet.

J’ai pas mal roulé ma bosse ces dernières années dans plusieurs associations, et j’ai pu constater combien ces structures, en général à moitié écroulées sous leur propre poids, fonctionnent à partir d’une conception purement formelle de la démocratie, les décisions étant prises par un tout petit nombre et portées ensuite au nom de tous, sans participation réelle. Un tel mode de fonctionnement éreinte les actifs, tandis qu’il maintient dans la passivité le grand nombre. Il n’est pas très étonnant que ce genre de gouvernance accouchent de résultats arides, insipides et in fine (ce qui est plus grave) inaudibles.

Si la situation est aussi préoccupante aujourd’hui, c’est parce que la démocratie est malade, ce qui la rend incapable de traiter des problèmes majeurs comme ceux de la réforme du droit d’auteur et des politiques culturelles. On ne lutte pas contre une maladie avec des organes eux-mêmes malades et l’action a besoin de se régénérer dans des cadres neufs, où la notion de démocratie s’éprouve continuellement au quotidien, et pas une fois par an lors d’une AG ampoulée ou d’un congrès lourdingue !

Le collectif SavoirsCom1 fonctionnera selon une logique strictement horizontale, chacun étant libre de proposer des actions à lancer, auxquelles tous pourront contribuer et c’est par l’action uniquement qu’il gagnera (ou pas) sa légitimité.

Nous avons besoin de contributeurs, mais vous l’aurez compris, la participation à notre groupe implique que vous soyez prêts à donner ce qui est sans doute le bien plus précieux de tous : votre temps. Pour ceux que cette démarche n’effraient pas (pauvres fous !), venez nous rejoindre et vous serez intégrés à notre liste de discussion :  la forge perpétuelle de nos actions.

Pour ceux qui veulent exprimer leur soutien, sans être en mesure de donner de leur temps, n’hésitez pas tout de même à nous suivre sur les réseaux (sur Twitter en particulier) ou simplement à laisser un commentaire sur la page de notre Manifeste. Ces connections sont précieuses !

Nous n’avons pas besoin de “membres”, mais d’un nombre le plus grand possible de synapses, afin de pouvoir faire jouer à plein le plus grand trésor d’Internet : l’intelligence collective ! Combien de fois ai-je vu naître, sur Twitter ou sur d’autres réseaux, des choses nouvelles à partir d’un simple échange ! Venez vous connecter et peut-être un jour serez-vous l’étincelle qui fera jaillir quelque chose de neuf !

Neurons in the brain – illustration. Par Rebecca-Lee. CC-BY-NC-ND. Source : flickr

Je vous laisse avec ces vidéos, dans lesquelles des contributeurs à l’ouvrage Libres Savoirs exposent chacun une facette de la notion de biens communs de la connaissance.

Et pour aller plus loin encore, vous pouvez vous plonger dans la mosaïque de vidéos du projet Remix Biens Communs, dont vous entendrez bientôt parler dans S.I.Lex…


Classé dans:Les évolutions de S.I.Lex Tagged: action collective, associations, Biens Communs, copyparty, Hervé le crosnier, Michel Briand, Olivier Ertzscheid, Philippe aigrain, savoirscom1, Silvère Mercier


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