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Rentrée académique de l’IRSEM : The Future of Warfare : Afghanistan and beyond

K.Pratique | Chroniques juridiques du cabinet KGA Avocats - Laurent-Xavier Simonel, 29/09/2015

L’Institut de recherche stratégique de l’Ecole militaire (IRSEM) a tenu sa rentrée académique le 28 septembre 2015. Cette manifestation a été ouverte par la conférence, pédagogique, dynamique et solidement construite, du professeur Theo Farrell (King’s College, Londres, department of War Studies, enseignement de « War in the modern world » ), consacrée à The Future of Warfare : Afghanistan and beyond.
Cette guerre a près de 15 ans déjà. Lointaine et peu intelligible, elle prend des allures de photographie jaunie d’un souvenir estompé. Pourtant, le professeur Farrell rappelle à quel point elle a profondément modifié la structure des armées occidentales de l’OTAN engagées pour la première fois de leur histoire en dehors du périmètre naturel de l’organisation militaire. Ce conflit asymétrique préfigure une nouvelle forme du conflit armé. Il est hybride, mêlant opérations militaires des forces conventionnelles, actions anti-terroristes ciblées des forces spéciales, stratégies anti-insurrectionnelles de long terme en milieu civil et luttes contre des actions de criminalité organisée. Il estompe les espaces militaires et civils qu’il confond dans son déploiement. Il méconnaît les bornages traditionnels entre la paix et la guerre, en ignorant les notions historiques de la déclaration de guerre et de la reddition.

L’on a oublié que d’environ 4.000 au début du conflit en 2001, les personnels militaires américains auront été environ 100.000 sur le sol afghan en 2009-2010. L’aide aura atteint un pic de 16 milliards de dollars par an et, en 2014, 36.000 victimes civiles auront perdu la vie. Comme le dit joliment le professeur Farrell, faute de stratégie politique lisible, la politique militaire des Etats-Unis et celle de l’OTAN ont montré beaucoup d’incohérence entre la bande audio (ce que l’on dit qu’on fait) et la bande vidéo (ce que l’on voit de ce que l’on fait). La leçon du conflit est que sa solution n’est pas de nature militaire mais profondément politique. Derrière le conflit, il y a des peuples réunis dans leur longue histoire commune ou de cohabitation. A côté des frappes aériennes ciblées guidées par les désignations faites aux sols par les forces spéciales, le levier de l’éducation est aussi déterminant pour l’instauration de la paix.

Lors de la rencontre organisée par l’IRSEM, deux sujets à forte densité juridique n’ont été qu’esquissé pour l’un et omis pour l’autre. Le premier porte sur l’évolution imposée par le conflit afghan à la conception moderne de la belligérance comme monopole étatique.En effet les forces armées occidentales ont été appuyées par des opérateurs privés à un degré jamais atteint dans le format moderne des armées nationales. Les conditions d’engagement, les limites d’action et les responsabilités de ces moyens humains et matériels mobilisés par des entreprises commerciales imposent une nouvelle fondation du droit des conflits armés.

Le second sujet lance une interrogation encore plus intense des fondements du droit de la guerre et du droit international humanitaire. Il est posé par la mise en œuvre dans le conflit afghan, y compris dans ses extensions territoriales pakistanaises, en préfiguration des opérations menées dorénavant sur plusieurs théâtres, des systèmes d’armes létaux autonomes (SALA) ou Lethal Autonomous Weapons Systems (LAWS), dont les drones armés au premier rang actuellement. Ces systèmes d’armes doivent dès maintenant trouver leur place dans l’analyse juridique de la guerre post-moderne. Le défi vertigineux mais immédiat est de déterminer leur nature juridique, de les qualifier au regard des catégories juridiques disponibles ou de nouvelles notions à modeler. Il est aussi de dessiner le régime juridique qui les gouverne, singulièrement en matière de responsabilité pour faute et sans faute pour les dommages aux combattants, aux non-combattants et aux tiers.


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